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Ecatepec, banlieue géante au nord de Mexico City. María y a grandi entre les pyramides de Teotihuacán, le chaos des câbles électriques et les arbres peuplés d'oiseaux. À l'ombre des hommes aussi, violents et imprévisibles - Ecatepec bat des records de féminicides.
Malgré tout, María s'engage. Mais pour les animaux, ce qui n'est pas moins dangereux. Se pose alors, cruellement, la question des priorités. N'y a-t-il pas plus grave ? Quoi qu'il en soit de ses choix, sa mère la supplie de ne pas mettre sa vie en jeu. Alors María promet. Et puis, l'année de ses 27 ans, elle retrouve le goût du risque.
Avec Ecatepec Camille Brunel clôt un triptyque autour de l'engagement pour la cause animale dont il est un fervent et très actif défenseur. A partir d'un thème central - le prix que nous accordons à la vie et notre tendance à penser que certaines espèces valent plus que d'autres - il nous aura ainsi proposé trois compositions littéraires qui sont autant de questionnements à la fois éclairants et dérangeants. Dans La guérilla des animaux on se frottait à la radicalisation d'un militant antispéciste poussé à bout par l'inertie des populations. Avec Les métamorphoses le questionnement passait subtilement par l'empathie : nos comportements changeraient-ils si les animaux étaient d'anciens humains métamorphosés ? Avec ce troisième opus, Camille Brunel tente la discussion et la négociation face et malgré la violence du monde pour mieux interroger la hiérarchisation de nos sentiments.
Ecatepec est une banlieue de Mexico City, un endroit violent, gangréné par les trafics et théâtre de nombreux féminicides. C'est là que vit Maria, jeune femme de 27 ans très engagée pour la cause animale, dans un décor qui oscille entre urbanisation, vestiges des civilisations passées et réminiscences d'une faune colorée et sauvage. Sacré personnage, farouchement indépendante, curieuse, photographe, peintre et parfois engagée sur des terrains risqués. Notamment lorsqu'elle rencontre Cesar Milan, le roi des narco-trafiquants et qu'elle entreprend de le raisonner pour l'amener à réfléchir sur la violence qui est son lot quotidien. L'homme est sensible à la cause animale mais il est aussi un tueur de femmes sans remords ni scrupules... Pourtant, n'est-ce pas le même combat ?
Moins militant que La Guérilla, moins poétique que Les Métamorphoses, Ecatepec semble léviter entre espoir et résignation. Des Maria ne se rencontrent pas à tous les coins de rues (c'est bien dommage) et le chemin semble si long à parcourir même si l'espoir vient se nicher du côté des générations futures. Camille Brunel nous offre une nouvelle fois quelques scènes superbes - et qui paraissent si naturelles - d'osmose entre espèces (l'enfant et les serpents, la femme enceinte et la jument, la fête des morts et sa journée consacrée aux animaux disparus...) dans un environnement qui lui est visiblement familier et dont l'ancrage culturel donne un écho particulier au propos. Une invitation à suivre la lumineuse et inspirante Maria, obstinée mais pas têtue, engagée mais pas fermée, déterminée à vivre en harmonie avec tous les habitants de cette Terre. Dans ce cycle qui se termine, il a été question de faire "contre" puis de faire "avec" il s'agit à présent de faire "malgré". Le constat de la maturité sans doute mais surtout pas du renoncement.
(chronique publiée sur mon blog : motspourmots.fr)
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