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Le motif du baiser est, pour ainsi dire, un lieu commun de la littérature érotique de la Renaissance. Les poètes de langue latine (et tout spécialement Jean Second, publié dans la même collection), les Italiens (Marino, Guarini...) ou les Français de la Pléiade ont tous sacrifié à une mode qui renouvelait, à l'intention du lecteur moderne, les délices des poètes grecs de l'Anthologie.
En revanche, la place réservée au baiser dans la littérature morale et la réflexion philosophique est au même moment des plus minces. Chez Patrizi, le baiser est placé au coeur même de la réflexion sur l'amour, au point d'être ici le sujet philosophique unique.
Nouveauté, donc, et même audace du projet, servie par l'originalité de la forme. Patrizi renoue en effet avec la méthode socratique et fait dialoguer dans le cadre d'une île déserte un vieil ermite et un jeune disciple. Ce dialogue, véritable initiation sera aussi la révélation progressive d'un mystère dont le caractère ésotérique est souligné par l'effacement progressif de l'ermite qui laisse parler à travers lui « l'esprit » Composé d'un préambule, de trois parties et d'un poème conclusif, l'opuscule laisse apparaître sous la structure dialogique une structure dialectique très forte. Sur le plan de la tradition philosophique sur l'amour, cette réhabilitation du baiser représente, face à la thèse platonicienne dominante une petite révolution. En légitimant la place du baiser dans l'amour humain, l'aristotélicien Patrizi entre en polémique directe contre celui dont il s'est jusque là si ouvertement inspiré : Marsile Ficin. L'un des postulats de celui-ci est, en effet, l'opposition radicale entre les deux sens supérieurs (vue et ouïe) seuls susceptibles de percevoir la beauté et les trois autres (odorat, goût et toucher ) ravalés au rang de l'animalité.
Scandaleux et pragmatique, Patrizi conserve la hiérarchie entre amour divin, amour humain et amour bestial, mais, refusant résolument de mutiler notre nature, il réintègre dans l'amour humain la totalité des facultés et des sens.
Francesco Patrizi (1529-1597) est l'une des figures les plus intéressantes de la vie intellectuelle italienne de la fin du XVIe siècle. Penseur, poète, scientifique, historien et grand voyageur, on doit à la recherche du dernier demi-siècle la redécouverte de sa personnalité et de son oeuvre notamment une Poétique en dix dialogues, La nouvelle Philosophie universelle et L'Amoureuse Philosophie.
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