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Des voix sourdes

Couverture du livre « Des voix sourdes » de Amin Erfani aux éditions Publie.net
Résumé:

Une seule phrase, une phrase qui part de rien, un lieu, à peine, un peu de lumière et c´est tout ou presque, et à partir de là : phrase qui occupe la place qu´elle trouve sur quelques pages soufflées - cette phrase quand elle se dit amasse peu à peu une force propre qui la met en mouvement,... Voir plus

Une seule phrase, une phrase qui part de rien, un lieu, à peine, un peu de lumière et c´est tout ou presque, et à partir de là : phrase qui occupe la place qu´elle trouve sur quelques pages soufflées - cette phrase quand elle se dit amasse peu à peu une force propre qui la met en mouvement, accumule dans sa diction les énergies nécessaires pour se produire : c´est quand la langue s´effectue sur elle-même qu´elle nous est nécessaire, dans sa capacité à inventer le monde à partir du vide, à raconter depuis le silence qui l´inaugure tout ce qui l´accomplit.  Le texte que propose Amin Erfani est bref, mais c´est bien parce qu´il fonctionne aussi dans le souffle forcément au bord de cesser qu´il ne dure pas, ou plutôt invente une durée propre qui n´est pas celle du dehors. Et si ce texte trouve sa place sur support numérique, c´est aussi parce que c´est sur un tel espace de diffusion qu´il trouve son sens et sa vitesse d´exécution - sa densité est sa rapidité, et sa longueur ne tient pas au nombre de ses pages (il n´y a pas de pages sur écran - juste une coulée verticale de texte), mais à la dilatation du temps qu´il opère sur la lecture, tantôt l´accélérant, tantôt la cristallisant sur tel mot, sur telle succession d´images.




Le titre rappelle la pièce de Koltès, enregistré à la radio en 1970, et qui s´intitule de la même manière - voix sourdes de n´être pas entendues, et cherchant à se rencontrer, ne trouvant que d´autres voix intérieures : voix qui habite d'autres voix, voix peuplée par toutes celles qu'elle parle. On y entend aussi Novarina, Beckett, - le théâtre quand il se passe de personnage et qui prend appui sur la voix, le corps qui l´expulse. Ici, le monologue raconte l´invention d´un corps et d´un désir - désir qui saurait prendre corps dans la parole capable de déjouer le silence, provisoirement. Mais le provisoire est sa condition - car c´est justement au coeur de cette fragilité, de ce suspens, de cette infractuosité de temps et d´espace que se donne entièrement cette voix habitée par tant d´autres.


Amin Erfani vit à Atlanta où il enseigne et achève sa thèse sur Koltès, Novarina et Derrida. Il participe à l´entreprise menée par le Seven Stages de Atlanta pour proposer l´ensemble des textes de Koltès en anglais - dans ce cadre, il prépare ainsi une traduction de La Nuit juste avant les forêts, et de Tabataba. Il ouvrira prochainement un site qui accueillera ses textes (en français et en anglais) et des accompagnements sonores.


  Arnaud Maisetti

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