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Jacques Sivan, pour raconter son rapport au réel, a créé une langue qui n'appartient qu'à lui : un genre d'écriture phonétique désaffublée de toute règle imposée, une langue qui serait incarnée, rendue charnelle par sa confrontation au monde.
Dans Des vies sur deuil polaire, Jacques Sivan invente une autre planète peuplée, comme la Terre, d'individus mortels. Il en dresse le portrait de quelques-uns. Chaque portrait est fragmenté et parasité par une écriture qui tient autant d'une langue « autre » que du brouillage sonore, un brouillage qui serait provoqué par le frottement d'une autre temporalité, d'une autre dimension. Et pourtant : les habitants de cette autre planète peuvent aisément nous faire penser que nous avons affaire à une décalque assez exacte de notre propremonde. Comme si lamise en abime ici instaurée par cet effet demiroir nous permettait, non sans un certain vertige, de mieux comprendre le fonctionnement de notre monde.
Et d'ailleurs, entre l'écriture « lisible» et celle a priori « illisible », est-on sûr de savoir reconnaître celle qui serait « la notre », et celle qui viendrait « d'ailleurs » ?
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