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Des enfants est un texte qui perturbe, ce genre de texte qu'on lit une fois, que l'on repose, que l'on n'oublie pas. Et puis, il y a cette envie irrésistible de le reprendre, alors, on le reprend, on le relit, on avale chaque page, chaque mot est pesé, ressenti, chaque évocation devient image, on voit, on sent, on vit. Et on a peur. Parce qu'il est hors du commun. Laurent Audret nous livre une poésie noire effroyablement enivrante. Une expérience littéraire comme il en existe peu. Un conte barbare.
Des enfants est sélectionné pour le prix René-Fallet 2014, « qui est attribué chaque année depuis 1990 à l'auteur d'un premier roman de langue française, porteur d'un talent littéraire comme le fut à l'époque Banlieue Sud-Est pour René Fallet, en 1947, l'année de ses vingt ans. »
C'est un livre qui ne laisse pas indifférent. Il nécessite plusieurs lectures pour tenter de le saisir totalement, et ça tombe très bien, parce qu'il est de petit format (63 pages aérées, qu'on peut donc lire et relire en peu de temps). C'est en soi une bonne nouvelle, parce que parfois, des tout petits livres on se dit que l'auteur se moque un peu de nous ; eh bien là, pas, puisque à la relecture on aura un volume de 126 pages ou plus si on le reprend une troisième fois ! A mon deuxième passage, je n'ai pas eu la même compréhension, enrichie qu'elle était par la première lecture. Des choses se sont éclairées d'une lueur nouvelle.
Alternativement les adultes et les enfants sont les narrateurs, pas un en particulier, le groupe en entier qui s'exprime majoritairement avec le "on". Laurent Audret use d'un style étonnant, entre langage policé et langage oral, parfois à la limite de la faute syntaxique (ou c'est moi qui ne connais pas cette tournure, peu usitée, ce qui, évidemment est tout à fait plausible ; je l'ai rencontrée certes, mais plutôt dite qu'écrite) qui sied parfaitement aux personnes qui s'expriment, aux situations décrites,tantôt légères voire primesautières (la marche dans la montagne) tantôt nettement plus lourdes et cruelles :
"C'est longtemps qu'on a pris cette habitude qui est à peu près la même chose que d'acheter du poisson frais au marché."(p.7)
"Il est deux bonnes heures à galoper dans les pâturages, à rouler dans les cailloux et c'est seulement qu'il aperçoit une grosse cheminée carrée avec son extrémité comme badigeonnée d'un noir épais, bitumeux." (p.25)
Ce livre, "un conte barbare" (4ème de couverture) perturbe, percute le lecteur, le laisse dans un état entre le plaisir d'avoir lu un texte fort et bouleversant et le doute d'avoir lu une horreur. Mais il est bon de se souvenir que les contes, à l'origine, notamment ceux de Perrault, étaient cruels et violents et destinés aux adultes et non pas aux enfants. C'est nous par la suite qui en avons fait des historiettes pour endormir nos petits. Laurent Audret renoue avec les origines du genre avec talent et bouscule le lecteur parfois anesthésié par l'abondance de romans qui se ressemblent.
J'aime lorsqu'un livre me dérange, lorsque je ne sais pas comment commencer et développer un article, car je ne veux ni trop en dire ni décourager les lecteurs -au contraire mon souhait est totalement inverse : inciter à lire des textes différents et forts- ; je ne sais pas si je parviens toujours à mes fins, à savoir éveiller la curiosité et l'envie, sans doute oui parfois au vu des commentaires des un(e)s et des autres, j'aimerais qu'il en soit ainsi pour ce conte de Laurent Audret, histoire d'avoir d'autres avis.
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