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Jean Laurent Poli aborde un sujet grave qui nous concerne tous : le déclin des parents, la mort de la cellule famille et plus généralement l'érosion de l'être humain.
Un programme cocasse mis au point par un professeur pervers et barré qui porte le nom de « SENIORITA » permettra au protagoniste d'expérimenter ce qu'une personne du troisième âge en phase terminale peut endurer. Il consiste en une combinaison spéciale dont le principe a été inspiré de celle inventée par Henry Ford le célèbre constructeur automobile.
Deux descentes aux enfers mises en parallèles. En même temps que nous assistons à la dégradation de ses vieux parents, « ses éclopés » comme il le dit, nous suivons celle du protagoniste dans son expérience de vie du troisième âge. Sauf que les uns sont irrémédiablement condamnés. Lui aura juste compris ce qu'est la vieillesse.
Anticiper pour mieux appréhender le moment venu ? C'est peut-être aussi ce que suggère le titre : je nagerai jusqu'aux premiers rapides.
La construction est habile. La plume piquante. C'est la maladie, la fin d'une époque, c'est une critique des institutions qui prennent en charge le troisième âge, les infirmières, les aides à domicile mais aussi un hommage qu'il leur fait. C'est un roman plein de nostalgie, poignant et d'une grande poésie. Jean Laurent Poli est aussi toujours fidèle à son style. Une écriture maîtrisée, un humour toujours présent même quand le sujet traité est grave et cette poésie qui file au travers de ses lignes. Il existe un style Poli. À découvrir absolument.
JL Poli est un écrivain qui a déjà commis l'excellent Peut-on aimer une morte ?, c'est donc avec beaucoup d'impatience que je me plonge dans son dernier livre, sans rien en savoir si ce n'est le titre. Totalement surpris par le thème, j'ai été un peu déstabilisé pendant les premières pages, ne comprenant pas pourquoi le narrateur enfilait une combinaison le limitant dans ses mouvements. Une fois tout cela expliqué, on entre dans un livre sombre, douloureux, pas facile. C'est une lecture assez exigeante et de grande qualité, qui bouscule, mais la littérature ce n'est pas reposant, ça doit faire réagir. JL Poli s'attaque à un thème souvent tu. Rares sont ceux d'entre nous qui parlons de la déchéance des personnes âgées qui nous entourent. Le narrateur, fils unique, se retrouve loin (à Paris alors que ses parents vivent à Lyon) et seul à s'occuper d'eux. Il engage des associations, va voir les médecins, tous les intervenants auprès de ses parents, s'investit réellement dans la prise en charge : "Les désagréments que connaissent ceux qui accompagnent des mourants sont plus pénibles quand il s'agit de ses propres parents, mais tous les connaissent. [...] Je n'aurais jamais pensé, jeune homme, que cette voie m'obligerait à jouer les garde-malades. C'est le lot commun, mais comme les personnes qui doivent subir une opération on croit son cas unique.[...] Après, la culpabilité travaille. Comme une pieuvre découverte par le plongeur dans l'anfractuosité du rocher, elle s'agrippe de toutes ses tentacules." (p.57/58)
Un livre qui ne se contente pas d'aligner les difficultés à prendre en charge des personnes aussi lourdement atteintes, mais qui alterne des pages du journal malhabile du jeune homme que fut ce fils, Journal d'un fils unique, les rapports d'expérience concernant le projet seniorita, les difficultés à se sentir vieillir. Il ajoute aussi quelques beaux souvenirs d'enfance, d'autres moins gais lorsqu'il allait voir ses parents avec sa jeune compagne et que sa mère acariâtre voulait imposer ses principes au mépris des goûts des autres. A petites touches, il parle aussi de la douleur de cette femme, intellectuelle, ancienne professeure, qui s'est vue décliner tant physiquement qu'intellectuellement.
C'est un livre qui parle à chacun d'entre nous, car chacun a été confronté à la maladie d'un proche, à une relation qui n'est plus celle espérée, et chacun espère surtout ne pas faire subir cela à ses propres enfants.
Madame Yv qui travaille en maison de retraite auprès de personnes en fin de vie s'est trouvée fort intéressée, mais ne l'a pas encore lu. Néanmoins, plus fine que moi, elle a parcouru la quatrième de couverture, une simple citation, qu'elle pourrait bien, en vous citant cher Jean-Laurent, replacer dans un rapport ou un travail écrit parce que cette citation -qui va suivre- est à la fois poétique, imagée et claire :
"Le temps de l'agonie est un fleuve qui prend sa source en terre inconnue et croise de multiples affluents. Ce fleuve, j'ai commencé à en remonter le courant, de ses eaux paisibles jusqu'aux premiers rapides."
Ne vous laissez pas impressionner par le thème de ce livre, vous voyez juste au-dessus que l'auteur a une très belle plume qui n'attend plus que vos yeux pour la découvrir.
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