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Il est assez rare que je le dise aussi catégoriquement, mais aujourd’hui mon constat est sans appel : je n’ai pas aimé ce livre. Et j’en suis la première étonnée et déçue ... C’est le grand problème lorsque l’on place de grands espoirs dans un ouvrage suite à la lecture du résumé : la chute est bien plus brutale que lorsque l’on commence un roman sans attentes particulières. C’est peut-être étrange, mais lorsque j’ai tourné la dernière page de ce petit récit jeunesse, j’ai eu le sentiment d’être trahie. Trahie par ce résumé riche en promesses, trahie par ce livre qui ne les tient pas. Et aussi étonnant que cela puisse paraitre, j’étais presque ravie de voir approcher la fin de cette histoire qui ne m’a ni convaincue, ni même intéressée …
Guillaume n’avait que quelques mois lorsque ses parents ont compris qu’il était différent des autres enfants. Et plus le temps passait, plus les choses empiraient : Guillaume riait trop, babillait trop, s’agitait trop. A l’âge de trois ans, le diagnostic tombe : Guillaume est atteint de divers troubles neurologiques et ne sera jamais un petit garçon comme les autres. Il est condamné à vivre dans un monde qui n’est pas adapté à sa particularité. Guillaume vit dans un monde où tout est inversé par rapport au notre : la normalité, c’est d’être autiste, le handicap, c’est de ne pas l’être. Guillaume ne supporte plus cette différence, cette solitude. Il ne comprend personne, et personne ne le comprend … A part peut-être la nouvelle élève, Grace, qui semble souffrir de la même maladie que lui …
Ce qui m’a immédiatement attiré dans ce résumé, c’est précisément l’idée de cette inversion. J’y voyais un excellent prétexte pour présenter les particularités de l’autisme d’une façon innovante. Le lecteur, tout d’abord, allait s’identifier à Guillaume, qui est vraisemblablement « comme eux » (à part si le lecteur est lui-même autiste, mais selon la quatrième de couverture, ce roman est plutôt conçu comme un ouvrage de sensibilisation, donc destiné à des personnes neurotypiques), pour ensuite mieux saisir les différences qui existent entre Guillaume - et par conséquent, lui-même - et les autres - c’est-à-dire les individus autistes. De même, puisque le monde dans lequel vit Guillaume est adapté à la majorité des individus qui composent la société, le lecteur allait pouvoir comprendre ce dont une personne autiste a besoin pour vivre son quotidien sereinement et efficacement. Bref, cela me semblait être une excellente manière de faire connaitre l’autisme !
Malheureusement, déjà à ce niveau, il y a un énorme problème. Loin de présenter l’autisme dans son intégralité et surtout sa diversité, ce livre réduit l’autisme à une seule de ses formes : l’autisme de haut-niveau. Or, tous les autistes ne sont pas capables de « calculer la taxe exacte sur un produit en fonction de son prix », ou de « réciter par cœur les événements importants de l’Humanité » comme ce livre veut le faire croire ! Il existe également des formes d’autisme avec déficience intellectuelle, et d’autres avec des capacités intellectuelles tout à fait « ordinaires ». Et même chez les autistes « de haut niveau », cela ne se manifeste pas toujours de façon aussi impressionnante. Ce roman est donc un double-mensonge sur l’autisme, bourré de stéréotypes et de caricatures … Non seulement il n’apprend rien, mais en plus il véhicule des idées fausses déjà suffisamment répandues comme cela pour ne pas être en plus « approuvées » par un livre censé être écrit par une spécialiste de l’autisme !
De plus, loin d’être « une touchante réflexion sur l’autisme et notre façon de traiter ceux qui en sont atteints » comme le promet la quatrième de couverture, ce livre présente le défaut majeur de faire passer les autistes … pour des monstres. A en croire ce livre, les autistes (de haut-niveau, n’est-ce pas, les autres n’existant pas …) seraient tellement obnubilés par leur quête effrénée de connaissance dans leur domaine de prédilection qu’ils n’hésiteraient pas à torturer père, mère et enfants pour parvenir à leur fin. Difficile de faire accepter les personnes autistes par la société avec de tels arguments ! Si l’objectif de l’auteur était de dénoncer les abus de la recherche scientifique dans le domaine médical, il aurait fallu se contenter de dénoncer les abus de la recherche médicale … et ne pas mettre l’accent sur le fait que « les médecins sont autistes et donc complétement obsédés par leur intérêt spécifique qu’ils en deviennent cruels ». Je sais très bien que cela n’était pas l’intention de l’auteur, mais c’est malheureusement de cette manière que le jeune lecteur (c’est un livre jeunesse !) risque fort de percevoir le message …
A tout cela s’ajoutent encore deux autres éléments assez rédhibitoires pour moi. Le premier, ce sont les incohérences. Je n’en citerai qu’une seule : puisque ses parents et professeurs, autistes, ne connaissent et ne comprennent pas le second degré, comme le petit Guillaume de trois ans a-t-il pu apprendre la formulation « être mort de froid » pour signifier qu’il avait très froid ? Cela lui est tombé dessus par l’action du Saint Esprit ? Le second degré n’est pas inné chez un enfant, même « normal », du coup je ne vois pas comment Guillaume peut connaitre quelque chose que personne n’a pu lui apprendre et lui nommer … Le second point qui me dérange, c’est que l’on s’éloigne trop rapidement du sujet - un jeune garçon « normal » perdu dans une société « autiste » - pour dériver sur une amourette d’adolescents terriblement banale et insipide, avec un peu de mélodramatique à la fin (« Tu m’as trahis ! J’avais confiance en toi ! Vilaine autiste ! ») pour bien faire … Le livre est trop court pour se perdre dans ce genre de choses !
En bref, vous l’aurez compris, s’il y a bien un livre sur l’autisme que je vous conseille de ne jamais lire ou faire lire, c’est bien celui-ci. Si l’idée de départ était vraiment bonne et prometteuse, puisqu’elle aurait pu permettre au jeune lecteur de mieux connaitre et comprendre l’autisme, le roman ne présente finalement aucun intérêt. Je n’ai aucun doute quant au fait que la jeune auteure cherchait véritablement à transmettre un message de tolérance et de bienveillance sur l’autisme, mais elle n’a malheureusement pas atteint son objectif, bien au contraire ! Elle aurait probablement du garder l’idée au chaud et écrire ce roman après ses études en neuropsychologie et non pas avant, puisqu’elle admet elle-même avoir écrit ce récit « sur la base de l’observation pure », ce qui n’est sans aucun doute pas suffisant pour ne pas tomber dans l’erreur totale …
https://lesmotsetaientlivres.blogspot.fr/2018/02/depourvu-victoria-grondin.html
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