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« Minuit à Paris » (Midnight in Paris), tel est le titre qu'a donné Anton Henning à sa dernière exposition ; un titre bien évidemment emprunté à Woody Allen. Claudia Emmert, qui dirige le musée Zeppelin de Friedrichshafen - par ailleurs installé dans le seul bâtiment historique à l'origine Bauhaus confirmée autour du lac de Constance - souligne elle aussi avec raison dans sa contribution en introduction la coïncidence entre le film d'Allen et le procédé utilisé par Henning. D'un côté le présent de la peinture annoncée morte avec une belle régularité depuis cent ans suite au renouveau de l'époque moderne jusqu'à Duchamp, tel qu'il s'est d'abord accompli dans la peinture. Mais comment raccorder aujourd'hui ces deux extrémités, et que faire des installations occupant l'espace qui se déployaient jusqu'alors chez White Cube ? Anton Henning conçoit un contre-modèle : l'exposition et le livre font un saut en arrière, aux débuts et à l'âge d'or de l'école moderne, et réunissent les avant-gardes d'alors dans un salon dont la suite de salles à l'ordre strictement chronologique mais extrêmement condensé reprend le modèle rapporté de nos interprétations et habitudes : dans la première salle, le lourd pathos du Gründerzeit (années de fondation du Reich, vers 1870) : Wagner flotte dans les airs, mais un petit portrait nous montre aussi déjà le garde-forestier en chef Adolf Hitler tel que nous le connaissons de « Sur les falaises de marbre » d'Ernst Jünger ; ceux qui le souhaitent pourront cependant aussi reconnaître dans l'homme représenté le jeune Heidegger qui, après le Reich de mille ans honteusement bref, pose en ermite de Todtnauberg affublé d'un bonnet pointu et s'adresse aux lecteurs du SPIEGEL : « seul un dieu peut encore nous sauver. »Car la marche victorieuse de l'époque moderne ne pouvait alors définitivement plus être stoppée, comme en témoigne la deuxième salle d'Anton Henning dans laquelle les silhouettes dansent un boogie-woogie et le sujet artiste s'élance de nouveau pour de grandes envolées insoupçonnées. La troisième salle elle aussi est déjà visible par une « fenêtre » dans la façade et présente, elle exhale l'éclat séduisant d'un matin nouveau semblable à notre aujourd'hui et ici. Enfin toutes les formes sont élucidées, exécutées et exploitées historiquement et fonctionnellement, laissant comme devise : « everything goes » ; ce qui explique que la pièce définitivement arrangée selon une grille donnée doit tenir ensemble, ce que le contemporain croit connaître de sa propre expérience comme la mise en abyme de son existence.
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