"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
« Poussez de hauts cris si jamais ce manuscrit vous tombe sous les yeux ; traitez-moi d'impudique, d'immorale. Assaisonnez-moi d'épithètes injurieuses si cela peut vous soulager, mais vous ne m'intimiderez plus. » Voici donné le ton du récit. Brûlant, âpre, acéré. Claire, l'aînée des sours Clamont, orchestre en sourdine une tragédie qui se joue entre elle et ses sours. Tandis que dehors, partout dans la ville, gronde la fureur.
« Parler de la romancière Marie Chauvet c'est parler d'un seul livre, mais quel livre ! Son roman Amour, Colère et Folie est devenu avec le temps le grand roman des années noires de la dictature de Duvalier, communément appelé Papa Doc.
Voilà que quarante-six ans après qu'on l'a réduite au silence (l'horreur absolue pour un écrivain), la voix claire et pure de cette romancière lucide et indomptable refait surface. » Dany Laferrière de l'Académie française Avec la postface de Dany Laferrière de l'Académie française
Amour, colère et folie , est une trilogie ,qui présente successivement des personnages indépendants , mais représentatifs à u titre ou à un autre , de la situation d’Haïti .Dans la première partie, il est question de Claire Clamont sœur aînée d’une famille qui veut épouser à tout prix un Français, Jean Luze ;elle détruira sa famille pour atteindre ce but chimérique .Dans la seconde partie, l’auteure s’attache à décrire l’histoire d’une famille de propriétaires terriens : ils seront tous écrasés en essayant de récupérer leur terre. La dernière partie met en scène des jeunes poètes qui vivent à huis clos dans la maison d’Ubu.
Le point commun de ces récits, c’est tout d’abord une extrême dureté : celle des sentiments, des états d’âme, marqués par le mal, la tentation permanente de la violence, par l’envahissement du remords, par des interrogations nourries à propos des origines, de la situation des Haïtiens. Le lecteur est confronté à la terreur, celle des tontons macoutes, au temps de la dictature de Duvalier. L’auteure Marie Vieux-Chauvet évoque également la période de l’occupation américaine : « C’était l’occupation avec tout ce qu’elle comporte d’humiliation et de bénéfices aussi pour le pauvre peuple indiscipliné, endetté, miné par les luttes intestines que nous représentions. (…) Puis ce fut la révolte : le drame de Marchaterre, la grève des étudiants et enfin en 1934, la désoccupation. »
Le lecteur cherchera en vain des raisons d’espérer dans les descriptions et évocations des vies des personnages des trois récits : partout, la violence triomphe, le mal est irrésistiblement vainqueur , aucune issue n’est visible :ainsi l’une des membres de la famille du propriétaire terrien évoquée dans la seconde partie constate-t-elle : « Elle avait donc échoué comme ils échoueraient sans doute tous (…) Recommencer ce qu’elle avait fait aujourd’hui, n’était-ce pas sincèrement obéir à l’orgueil de mourir justifiée par eux et aussi par elle-même ? »
Ce récit, aussi désespéré qu’il fût, a provoqué l’ire de la dictature haïtienne et contraint son auteure à l’exil à New-York. Un hommage à l’efficacité de la littérature.
Le fil conducteur de cette impressionnante trilogie est la vie d’une petite ville dortoir d’Haïti basculant dans l’horreur du régime Duvalier et ses tontons macoutes, analphabètes et grossiers qui veulent leur revanche sur cette petite bourgeoisie vorace…
Marie Vieux-Chauvet dépeint 3 huis-clos terribles en pétrissant les sentiments comme on forge le fer en décrivant de façon magistrale la peur, la haine, l’angoisse, la violence, la jalousie, l’envie, la trivialité, l’état de soumission, etc. Ce livre va être un témoignage capital de cette période cauchemardesque vécue à Haïti. C’est un roman perturbant et saisissant avec un talent d’écriture exceptionnel pour traiter les 3 sujets qui en font le titre : l’amour, la colère et la folie.
Danny Laferrière de l’Académie française écrit dans sa postface de 7 pages : « Un texte crépitant d’intelligence, précis et violent. Le regard froid et objectif de Chauvet n’épargne personne. »
L’auteure, éditée chez Gallimard en 1968, meurt, exilée, à New-York en 1973.
Encore une fois, merci aux Editions Zulma d’avoir réédité un roman d’exception très injustement tombé dans l’oubli, peut-être par souci d’effacer au mieux cette époque sombre et honteuse inscrite au tableau de l’Humanité.
Amour, Colère est Folie est un roman d'une sombre beauté. Au fil de trois récits en huis-clos, Marie Vieux-Chauvet nous livre le portrait implacable de la dictature et de toutes les compromissions et autres hypocrisies qui la rendent possible.
https://viduite.wordpress.com/2017/01/26/amour-colere-et-folie-marie-vieux-chauvet
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