Inspirée d’une histoire vraie, cette BD apporte des conseils et des solutions pour sortir de l'isolement
Evangelia (du grec, bonnes nouvelles) s'ouvre sur la naissance du divin enfant qui doit s'appeler Emmanuel et/ou Jésus mais... Surprise ! Le nouveau-né est une fille. Marie ne se démonte pas pour autant et la prénomme donc tout simplement Emmanuelle. Dépité, Dieu renvoie Gabriel retenter le coup de la fécondation miraculeuse mais à force de cafouillages il finit par se retrouver père de deux enfants, l'un de chair mais pas du bon sexe et l'autre d'essence mystérieuse et dont les tentatives de venue sur terre tournent toujours au fiasco. Et comme si ça n'était pas déjà assez compliqué, Joseph triche en faisant passer son second fils Jacob pour son premier né afin qu'il puisse prendre le rôle de sauveur. Là dessus Jacob, reconnu par Siméon comme l'Oint du Seigneur, décide de se faire appeler Jésus et part comme sa demi-soeur prêcher et faire des miracles à travers le pays. Jusqu'à ce qu'Emmanuelle soit crucifiée puis disparaisse dans la stratosphère…
Diable quelle histoire ! Et que Dieu me pardonne mais j'ai sacrément bien rigolé en découvrant cette réécriture très impertinente des évangiles. C'est tout simplement jubilatoire.
David Toscana y parodie l'histoire de Jésus en racontant les événements connus de tous ou presque, même sans avoir lu la bible, mais appréhendés d'un point de vue humoristique qu'aucun exégète n'oserait envisager. On y rencontre un Dieu pas si puissant que ça, jaloux des poètes grecs qu'il trouve bien meilleurs que lui, un Jésus méchant qui déteste ses disciples, un Saint Esprit pas bien inspiré et bien d'autres joyeusetés du même acabit. C'est tellement drôle que j'ai failli m'étrangler de rire à plusieurs reprises.
Mais j'imagine que Toscana n'a pas écrit Evangelia juste pour amuser ses lecteurs. S'il ne se moque pas, en soulignant les paradoxes et les zones d’ombre de la Bible, source inépuisable d’interprétations, il interroge sur le bien-fondé d'une pensée qui depuis des millénaires s'appuie sur des textes aussi peu crédibles. Et peut-être que son ambition est également de susciter l'envie de lire ou relire le vrai texte qui est considéré comme une grande œuvre littéraire. Le livre de Toscana, lui, est un chef d'œuvre de drôlerie à découvrir absolument !
Dans un village perdu du désert mexicain le jeune Remigio pêche, au fond de son puits, le cadavre d'une petite fille. Avant que quiconque ne le découvre, son père Lucio le convainc de faire disparaitre le corps, sans rien dire, alors même que la police enquête sur sa disparition.
Lucio est un drôle de type. Il tient la bibliothèque d'un village où personne ne lit. Il est le seul à consulter les ouvrages avec lesquels il entretient de curieux rapports. Il les soumet à une censure drastique selon des critères fantaisistes connus de lui seul, vouant aux oubliettes ce qui n'a pas l'heur de lui plaire. De plus, il a la fâcheuse tendance à lier tout ce qui arrive aux livres qu'il a lus, se tournant souvent vers les fictions qui jalonnent ses étagères pour y trouver l'inspiration. Aussi il ne peut s'empêcher d'établir une correspondance entre la jeune morte du puits et l'héroïne de son livre favori " La mort de Babette ". Comme elles se ressemblent physiquement, Lucio nomme donc la petite inconnue Babette et suggère à son fils de l'enterrer sous l'avocatier du jardin, comme le fait le tueur dans le roman intitulé "Le pommier "...
L'intrigue serpente à travers la trouble histoire d'amour de Remigio avec les fruits de son avocatier et la fille morte, mêlée à l'énigmatique rencontre de Lucio avec la mère de celle-ci. La frontière entre la fiction et la réalité, déjà bien floue, le devient encore plus lorsque cette mère admet avoir également confondu le personnage fictif de Babette et sa vraie fille et qu'elle ne semble pas très intéressée par la recherche de son meurtrier.
Cette histoire de meurtre s'avère être presque un prétexte pour révéler le thème central qui est Lucio en tant que lecteur puisque toute l'intrigue est guidée et expliquée à travers ses lectures. Elle dissimule une réflexion subtile, un peu trop pour moi.., sur le sens de la littérature en tant que création artistique et la relation auteur-livre-lecteur.
J'ai trouvé ce roman extrêmement déconcertant. En créant la confusion, David Toscana m'a désorientée et bousculée dans mes habitudes de lectrice indécrottablement accrochée au réel pour m'entraîner dans une sorte d'étourdissement où la compréhension de la réalité ne cesse de se désintégrer. Une drôle de lecture qui m'a donné du fil à retordre !
David Toscana revisite la Bible à sa façon. Ainsi, l'ange Gabriel lors de l'annonciation s'est trompé, il n'a pas accordé sens au sexe de l'enfant et c'est ainsi, dans ce roman, que Marie donne naissance à une fille : Emmanuelle. Cette enfant, devenue femme va devoir faire face à son destin d'élue dans une société très patriarcale, misogyne de cette époque.
Malgré une grande connaissance des textes de l'ancien et du nouveau testament qui composent la Bible, une grande érudition et de beaucoup d'humour, l'auteur n'est pas parvenu à faire vibrer cette femme messie dans ma lecture, à regret. Je l'ai trouvé sans émotion aucune, voilà mon ressenti.
Je me suis quelque peu ennuyée à lire ce livre malgré des débuts prometteurs. Car effectivement l'idée m'a enchantée. Ceci dit, je n'ai rien appris, comme beaucoup de lecteur aucune surprise au final, je m'attendais justement à quelque chose de surprenant, de l'ordre de la farce, mais non l'auteur reste fidèle au texte, à tort ou a raison.
Drôle ? Assurément. Fou ? Indubitablement. Blasphématoire ? Sans doute, s'il est blasphématoire de dire que les femmes n'ont pas de place dans la religion, quelle qu'elle soit. C'est quand même une histoire de mecs dominateurs qui relèguent les femmes au rang de mères -voire carrément de pondeuses puisqu'il faut assurer la descendance et l'influence de la croyance- et d'épouses dévouées, s'occupant des maisons, des enfants, des maris, ... David Toscana insiste évidemment sur l'égalité des sexes et c'est très drôle de lire ce qu'il fait faire et dire à ses personnages ; les hommes sont machistes, veulent le pouvoir, la puissance et jouir du confort, et les femmes prônent l'égalité, veulent qu'on les regarde comme des être humains, histoire de bien se souvenir que l'égalité des sexes est un combat vieux comme le monde loin d'être gagné. Dit comme cela, ça peut paraître un peu léger, mais toute la nuance est dans les personnages secondaires (les apôtres, les disciples, les riches et les pauvres des pays traversés) et dans les réflexions des deux principaux protagonistes, Emmanuelle et Jacob-Jésus.
Il est aussi question de la filiation, de la fraternité et de la sororité, des liens familiaux, et bien sûr de la croyance en un dieu. Je ne suis pas spécialiste de la question, même si j'ai été élevé dans une famille chrétienne. Je me suis émancipé et me considère désormais comme un athée convaincu -j'ai même demandé à être débaptisé, et j'ai réussi à me faire rayer des registres de l'église catholique. Néanmoins, j'ai trouvé intéressantes les questions qu'aborde David Toscana. Son roman est profond, empli d'humanité et irrésistible, certes parfois un peu long et répétitif, mais il lui sera pardonné -ah, les réflexes de l'éducation ! Le romancier aurait pu faire une grosse farce, une pochade, mais il ne tombe pas dans ce piège, il ne cherche ni à démontrer, démonter ou convaincre, il imagine ce qu'aurait pu être une Emmanuelle fille de Dieu. Il peut être cinglant, sensible, il est toujours profondément humain et respectueux des croyances de tous.
Un roman fort drôle mais qui est, vous l'avez compris bien plus que cela, qui pourra faire grincer quelques dents -car s'il parle d'Emmanuelle à la place de Jésus, il est assez aisé de transposer aux autres religions toutes aussi masculines et machistes-, ce seront sans doute les dents de ceux qui restent coincés dans leur vision étriquée du monde et qui ne le regardent qu'au travers du prisme des livres sacrés. Ceux qui ont de la tolérance, de l'humour et qui ont envie que leur religion avance au rythme de la société y verront sans doute une belle matière pour réfléchir.
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