"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Agathe Portail nous entraine dans le long périple d’une transhumance dans une région rude est sauvage de Patagonie. C’est une plongée surprenante.
A cause de la construction du barrage hydroélectrique et des terres qui seront noyées, Danilo doit abandonner le plateau d’estive et convoyer ses chevaux vers l’estancia dont le riche propriétaire a acheté ses bêtes. Ce départ signe la fin de sa liberté d’éleveur indépendant.
« Il était gaucho et seigneur de la moitié de cet espace, et chaque jour, son ancien domaine se réduit. Il sent tout au fond de son estomac une petite tache d’amertume qu’il refuse d e laisser s’étendre, se rappelle régulièrement qu’il ne s’est jamais fait porte-drapeau d’un mode de vie qu’il sait en marge de tout. Il accepte. »
Alma, une native Tehuelche, est envoyée pour convoyer le troupeau avec le gaucho. Le voyage sera long à travers la cordillère des Andes. La jeune femme est taciturne et distante mais ces quelques jours passés en solitaire sur les sentes abruptes de la montagne vont mettre à jour les souffrances de ces deux laissés pour compte.
L’histoire oscille entre l’action présente et le passé des deux personnages principaux. Danilo s’inquiète pour son fil blessé et qui se cache tandis qu’Alma fuit un passé fait de violences et de rébellion.
Dans le même temps, on assiste à la mésentente des deux ingénieurs français qui sont seuls dans un village abandonné sur le site du barrage. Ils consignent les mesures pendant la mise en eau, mais tout ne se déroule pas comme prévu et, dans ce coin perdu, ils peinent à prévenir les instances dirigeantes.
Dans les paysages grandioses, sauvages et hostiles des montagnes, le gaucho et la jeune indienne ressassent leurs tourments en se cachant de l’autre. Danilo n’a pas fini de panser ses plaies depuis le destin tragique de sa famille.
Alma est révoltée par le destin de sa famille expropriée par le barrage et le mépris que les autorités affichent face à la culture des indiens natifs. C’est aussi la langue tehuelche qui est menacée de disparaitre. On découvre l’existence des populations indiennes et métissées, pauvres et à la merci de riches propriétaires et d’un gouvernement corrompu, qui doivent survivre tout en essayant de conserver leur culture.
« Pour conjurer les pouvoirs de l’obscurité et de la lune noire, l’Ancienne entonna le chant de lignée, cet assemblage de sons rauques à la prosodie singulière qui n’appartenait qu’à eux quatre : l’Ancienne, el Sabio, la Rechoncha et Alma. »,
Ce roman d’aventure va bien au-delà d’une transhumance à travers une région rude et dépeuplée de la Patagonie. Il questionne aussi sur l’identité même des peuples natifs dépossédés de leurs terres et dont la langue, la culture, se perdent peu à peu. Et que devient un peuple qui a oublié son passé ?
Les personnages d’Alma et de Danilo, quoique peu loquaces, mais profondément humains avec leurs failles, sont touchants.
D’une écriture nerveuse et charnelle, bien documenté, ce roman ébranle, interroge et passionne.
Ce roman français se déroule en Patagonie, en 2015, des Européens y construisent un barrage dans une région montagneuse
Dès le début, les personnages m'ont intéressée, la situation aussi, entre les deux ingénieurs qui surveillent la mise en eau du barrage, d'une part, et ensuite, la transhumance de Danilo, un des expropriés du projet d'électricité. Celui-ci doit convoyer un troupeau de chevaux dans des gorges avec l'aide d'Alma, une jeune native tehuelche.
Les deux actions avancent en parallèle, des soucis surviennent dans un cas comme dans l'autre, et on sent que cela ne va pas forcément bien se terminer. Non sans quelque appréhension, puisqu'on se prend de sympathie pour certains des personnages.
Les rapports humains sont peut-être légèrement stéréotypés, mais ceci est largement compensé par les paysages de Patagonie, et ce qu'on apprend sur les Tehuelches.
La fin, remarquable, n'est pas du tout du genre qu'on oublie, comme cela m'arrive pourtant souvent.
Le roman d’aventure n’est pas ma tasse de thé, mais celui-ci a été écrit par une Louve du polar, je n’ai pu résister.
J’ai été plongée dans la poussière de la Patagonie, dans une vallée désolée qui sera bientôt submergée par les eaux du barrage en construction.
J’ai aimé Danilo, qui quitte ses terres, forcé, avec son cheptel qu’il accompagne vers son nouveau propriétaire.
J’ai eu plus de mal avec Alma, l’accompagnatrice taiseuse de Danilo. Mais j’ai aimé découvrir peu à peu son histoire de fille tehuelche qui doit quitter son village.
Les aides ingénieurs Benoît et Sandra m’ont offert une respiration loin de la poussière, bien que le remplissage du barrage ne se passe pas comme prévu.
Un bémol : « le feu mouronne » : erreur de saisie ou d’écriture ? Je n’ai pas compris cette métaphore.
J’ai découvert la langue aonekko parlée par la tribu des tehuelche, une langue qui ne compte plus beaucoup de locuteurs.
L’image que je retiendrai :
Celle des odeurs de cuir et de maté qui embaument le roman.
https://alexmotamots.fr/les-ames-torrentielles-agathe-portail/
Le récit suit d’abord les traces d’Alma et Danilo, deux personnages solitaires, qui se retrouvent par hasard à voyager ensemble à travers la Patagonie. Ces quelques jours dans leurs pas nous transportent dans un milieu isolé et aride. Cette région n’est pas la plus accueillante et sa traversée s’avère particulièrement périlleuse pour les organismes. En parallèle, on nous parle des ingénieurs qui s’occupent du bon fonctionnement du barrage installé à proximité.
Dès les premières pages, j’ai été bluffé par la plume d’Agathe Portail. Visuelle et sensorielle, elle dépeint à merveille la singularité des lieux. Le silence, les températures, les souffles, les odeurs se dégagent du texte pour mieux nous imprégner de l’atmosphère de l’aventure. Le dépaysement est total et j’ai vraiment eu l’impression de vivre l’aventure aux côtés des acteurs.
Tous les protagonistes sans exception ont un passé tourmenté et un secret enfoui. Quelques éléments nous sont communiqués mais le mystère reste entier quant à leurs véritables intentions. Ce flou psychologique rend leurs réflexions imprévisibles et laisse planer les suspicions.
L’atmosphère lourde et rugueuse du « grand sud », associée au comportements taiseux des acteurs, créent une tension qui ne cesse de grandir. Tout au long de cette transhumance physique, on sent l’étau se resserrer autour des personnages. L’autrice utilise son talent de conteuse pour nous entrainer vers un dénouement de plus en plus énigmatique.
Ma première rencontre avec Agathe Portail est une réussite. Je suis resté hypnotisé par la justesse de son écriture, en parfaite harmonie avec l’ambiance de l’histoire. Je suis ravi d’avoir découvert une nouvelle écrivaine talentueuse que je me ferai un plaisir de suivre à l’avenir. J’avais d’ailleurs un de ses polars qui trainait depuis des mois dans ma bibliothèque. Je m’en vais de ce pas le remonter sur le haut de ma Pile à Lire !
https://leslivresdek79.wordpress.com/2023/07/12/861-agathe-portail-les-ames-torrentielles/
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