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J’avais vraiment très envie de découvrir ce roman de Mickaël Brun-Arnaud. Je pense que ma déception est à la hauteur de mon attente et qu’elle est due également à une forme de méprise : je ne m’attendais pas du tout à ce que le roman prenne la direction qu’il prend. L’histoire est essentiellement focalisée sur un trio de personnages – Claude, Paul-Marie et Enzo – dont les liens vont apparaître petit à petit, grâce à une alternance concernant aussi bien la focalisation que la temporalité. Chacun d’entre eux est le héros de ce qui pourrait être assimilé à une tragédie – il y a une sorte de fatalité étouffante dans les événements décrits – ou du moins un drame social qui s’ancre dans un petit village où les préjugés, l’intolérance et les rumeurs sont destructeurs. L’histoire aurait pu m’intéresser davantage et me convaincre si je n’avais pas été bloquée par le parti pris stylistique : c’est très direct, très cru, pour ne pas dire vulgaire. Entendons-nous bien, je comprends ce choix de l’auteur étant donné le contenu du roman, mais ce n’est pas ce que j’aime lire.
Le grand Eric Roman, Prix Nobel de Médecine pour ses travaux sur l'onchocercose, une maladie parasitaire aussi appelée cécité des rivières, s’est laissé convaincre, à l’occasion d’une tournée présidentielle en Afrique, de revenir sur les lieux de son enfance, à la frontière entre Cameroun et Centrafrique, pour s’y prêter à un reportage réalisé pour Grand Magazine par Irène, une jeune journaliste, et Ben Ritter, un photographe de renom.
Le voyage, qui ne doit durer que deux jours et deux nuits, a pour destination Petit-Baboua, à peine une bourgade autrefois rassemblée autour d’un hôpital de brousse et d’une léproserie tenue par des religieuses belges. C’est là qu’entre douze et quinze ans, le scientifique aujourd’hui presque septuagénaire a vécu auprès de son père médecin-capitaine, ancien engagé des guerres coloniales : un homme traumatisé et violent qui lui a mené une vie si dure que l’adolescent avait sauté avec soulagement sur l’occasion de ses études pour revenir seul en France.
Si Ben Ritter est le parfait baroudeur sans chichis ni états d’âme, la jeune journaliste végane, pleine de clichés sur l’Afrique et son passé colonial, vit l’aventure avec d’autant plus de préventions que tout la heurte chez l’homme ambitieux et arrogant qu’elle voit en Eric, lui-même beaucoup plus à l’aise dans ses relations cordiales et viriles avec les autres membres de l’expédition que face à cette donzelle bien-pensante et volontiers critique. Pourtant, au fur et à mesure que leur imposant 4x4, escorté par quelques gendarmes en raison de troubles latents dans la région, s’enfonce dans la brousse par d’interminables pistes poussiéreuses, et qu’au gré d’hébergements de fortune, tous se retrouvent sur le même pied face à l’inconfort et aux imprévus, masques et a priori se fissurent peu à peu, laissant apparaître, parfois au détour de quelques mots seulement, les facettes d’une réalité autrement plus complexe que ne l’avait imaginée Irène.
C’est ainsi que, lui-même surpris par l’assaut douloureux des souvenirs, l’impressionnant Eric Roman finit par laisser deviner en lui le petit garçon désespéré et à jamais marqué, tant par la souffrance et la brutalité de son père, que par sa découverte sans ménagements de la terrible mortalité africaine - « pour deux générations chez nous il y en a quatre ici » -, entre lèpre, maladies tropicales, puis plus tard Ebola et sida. Du dévouement, souvent impuissant, du personnel de l’hôpital de brousse et des religieuses de la léproserie d’antan, au combat du chercheur sa vie durant, voilà peu à peu de quoi ébranler les jugements manichéens d’une jeune femme juchée sur les hauteurs diabolisantes d’un anticolonialisme vertueux.
Pudeur et art de la suggestion président dans ce récit où se superposent l’Afrique coloniale de la propre enfance de Paule Constant, fille de médecin militaire dans les anciennes colonies françaises, et celle d’aujourd’hui, polarisée entre rejet de la France, radicalismes islamistes et emprise économique chinoise. Un roman tout en nuances, porté par une écriture magnifique, à la saveur subtilement douce-amère.
"Des chauves-souris, des singes et des hommes" un titre qui ressemble à une fable de La Fontaine.
Les chauves-souris mordent les singes, les hommes mangent les singes et meurent.
Quelle pourrait être la morale?
Tu ne mangeras point ton prochain?
Olympa a sept ans et vit dans un village Boutoul près de la rivière Ebola. Elle suit un groupe de garçons qui part chasser dans la forêt.
Ils la repousset à coup de cailloux, ils ne veulent pas d'elle parce qu'elle est petite et que c'est une fille.
Sur le chemin du retour elle s'arrête sous le manguier en espérant trouver un fruit tombé. Mais à la place, dans les herbes, elle découvre
un bébé chauve-souris. Elle est éblouie par la finesse des oreilles, des petites griffes, de ses ailes, elle le trouve parfait.
Elle veut le garder et l'emmène au village.
Dans le même temps le groupe d'adolescent ramène le cadavre d'un énorme singe, un gorille silverback. Ils racontent une histoire que personne
ne conteste parce-que dans ce lieu c'est totalement inespéré d'avoir une telle quantité de nourriture et tous rêvent de faire un festin.
Les garçons racontent qu'ils ont tué eux-mêmes ce colosse. Tout le village sait bien que c'est impossible. Le chef lui se demande pourquoi les
charognards ont dédaigné ce cadavre, mais garde pour lui ses réflexions. La misère et la faim effacent toutes les préventions et tous se repaissent
de cette viande déjà malodorante.
Les deux premières victimes seront les petits frères d'Olympe, et elle sera ostracisée malgré ces 7 ans. Tous pensent qu'elle porte le mauvais oeil et
que sa chauve-souris a apporté malheur et maladie.
Petit à petit un tueur invisible va semer la mort le long de la rivière, puis du grand fleuve jusqu'à la "Méga", Kinshasa
Et puis il y a les "blancs", dont la présence en Afrique quelque soit le prétexte est toujours discutable.
Il y a Agrippine un médecin humanitaire belge qui tente de fuir la vacuité de sa vie. Et également les primatologues qui sont davantage préoccupés par
le sort des singes que par celui des populations locales. Ils ne comprennent rien ou très peu de choses de l'Afrique. Ils arrivent avec leurs certitudes et leur bonne conscience ou pour se donner bonne conscience ou pour donner bonne conscience à leurs gouvernants.
L'émergence de cette maladie a été provoquée par une déforestation induisant des contacts plus fréquents entre humains et singes. Dans le cas de la RDC, la forêt tropicale est détruite au profit des plantations d'hévéa. Et donc en creux ce sont bien tous les consommateurs occidentaux qui sont mis en cause.
Petit à petit un tueur invisible va semer la mort le long de la rivière, puis du grand fleuve Congo jusqu'à la "Méga", Kinshasa.
"Thomas vit, accorchées dans la mangrove, les pirogues des morts, brisées par les courants, qui paraissaient des ossements jetés en vrac sous les arbres. Sur les branches, des oiseaux de mer d'une blancheur étincelante formaient de gros bouquets éblouissants. Les arbres courverts d'oiseaux étaient, sur cette terre brûlante, sous le soleil de feu, comme enneigés. Thomas comprit où allaient les morts."
Début juin 2020, le virus ebola vient de faire réapparaître en République du Congo, qui doit se battre en parallèle contre le coronavirus.
À partir d’une idée originale, Paule Constant a réussi un superbe roman qui met en lumière une époque un peu trop vite oubliée : celle des colonisations de l’Afrique. Au passage, je dois avouer, à ma grande confusion, que je découvre une autrice remarquable, membre du jury du Prix Goncourt et Prix Goncourt elle-même en 1998 avec Confidence pour confidence. Remarquable et confirmée, Paule Constant a déjà publié treize romans et C’est fort la France ! était son onzième.
Pour rafraîchir notre mémoire à propos de la colonisation, sa narratrice, Brigitte – on apprend son prénom dans les dernières pages – est écrivaine et a publié Ouregano, un roman où elle raconte son enfance à Batouri, au Cameroun, loin de Yaoundé, la capitale. Je note que ce titre est celui du premier roman de Paule Constant publié chez Gallimard, en 1980. Malgré ce détail troublant, ce qu’elle raconte n’a rien d’autobiographique.
Malgré tout, elle part de ce premier roman pour faire vivre ses personnages, ceux qui représentent la France, jalousés en métropole mais dont personne ne voudrait prendre la place. Une lectrice, furieuse de constater que son rôle, dans le livre, ne correspond pas à ce qu’elle a vécu, écrit à l’autrice et les deux personnes fictives se rencontrent, à Paris, dans une chambre de bonne, au sixième étage d’un immeuble où Mme Dubois finit sa vie, bien modestement.
Ainsi, Paule Constant m’a plongé au cœur de la vie quotidienne d’une dame qui prend très au sérieux son rôle de représentante de la France. Son mari est l’Administrateur, elle est donc la première dame de Batouri où une institutrice, un toubib et sa femme, les parents de Brigitte, Moïse N’Diop, le chirurgien, Bodin l’infirmier qui vaccine à qui mieux mieux contre la maladie du sommeil, Alexandrou le commerçant, Mme Tong qui fabrique des chaussures avec de vieux pneus et tient un bar dans la brousse, sont les principaux personnages auxquels je dois ajouter le Pasteur et sa femme qui commettent l’erreur de vouloir vivre comme les Africains, ce que les indigènes n’acceptent pas. Une léproserie et un orphelinat tenu par des sœurs complètent un village éclaté sur quatre collines.
Mme Dubois est restée là-bas une vingtaine d’années, revenant en vacances en France tous les quatre ans mais, dans sa Normandie natale, elle est mal reçue. À Batouri, son fidèle Djébé, son factotum, est indispensable, comme tous les boys aux rôles très précis.
C’est justement le fameux Djébé qui s’écrie « C’est fort la France ! » lorsque les époux Dubois tentent de lui décrire une vache. Comme dans tout le roman, les détails fourmillent, les anecdotes savoureuses et les événements dramatiques aussi. Je trouve ce livre important parce qu’il rappelle une époque pas si lointaine où nous autres Occidentaux pensions être tellement supérieurs, tellement civilisés, que nous tentions d’imposer notre présence dans ces pays nous fournissant beaucoup de ressources. Les frontières tracées artificiellement par les Européens, les territoires convoités par Allemands, Anglais, Belges ou Français, nous causions beaucoup de dégâts dont nous constatons toujours aujourd’hui les conséquences.
C’est fort la France ! Pas si sûr mais c’est ce que nous croyons depuis longtemps, une domination pas vraiment terminée comme en atteste régulièrement l’actualité. Ces hommes, ces femmes qui se dévouaient au péril de leur santé et de leur vie pour tenter d’améliorer le quotidien des Africains ne doivent pas être méprisés, oubliés et, à sa manière, Paule Constant leur rend un hommage intéressant dans ce roman.
Chronique à retrouver sur : http://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/
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