"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
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Vous n’aurez pas mes cendres ! est le second roman de Patricia de Figueiredo publié aux éditions Serge Safran en mars dernier.
Je n’aurais surement jamais posé mon regard sur cet ouvrage sans une heureuse rencontre avec Patricia lors de la campagne des élections municipales de Levallois Perret. Nous avons rapidement réalisé que nous partagions de belles valeurs communes, et en particulier les livres. Je ne pouvais donc que me procurer son ouvrage (il est disponible dans la librairie Les Beaux Titres n’hésitez pas)
"Mais vous n’aurez pas mes cendres. Vous n’aurez pas mes cendres, Girardin ! Ni vous, ni vos confrères. Je vous le dis sans animosité. Mes œuvres vivront par elles-mêmes par-delà ma mort et dans plusieurs siècles, des hommes, des femmes achèteront mes livres, parleront de moi. Mes livres ! Entendez-vous bien ce mot ? Quoi de plus durable qu’un livre ?"
Chateaubriand vs Girardin
Serge Malakoff, le narrateur, est un dramaturge vieillissant ayant connu de multiples succès dans sa vie grâce à ses œuvres. En perte de notoriété, il se lance dans l’écriture d’une nouvelle pièce de théâtre dont il est persuadé qu’elle lui rendra son lustre d’antan. Le sujet ? Un duel entre Chateaubriand et Girardin concernant la publication des Mémoires d’outre-tombe en feuilleton dans la Presse, le quotidien de ce dernier.
La pièce est attendue par l’auteur, mais également par les femmes de sa vie, les actuelles et les anciennes, les officielles et les officieuses ainsi que ses connaissances du milieu et Ludo, son meilleur ami. Sa production ne sera pas de tout repos. S’il est déterminé à donner satisfaction à la plupart, s’il est convaincu que sa pièce sera un immense succès, Serge Malakoff a du mal à avancer. Il passera par des moments de fort doute notamment durant ces récurrentes migraines.
Mélangeant réel et imaginaire, rêve et réalité, hallucination et lucidité, le lecteur voyage à la fois dans le temps et l’espace tout au long de ce court roman. Il se délectera également avec le côté gastronome et gourmet du narrateur.
"Le talent dramatique est un flambeau : il communique le feu à travers d’autres flambeaux à demi éteints, il fait revivre des génies qui nous ravissent par leur splendeur renouvelée."
Un récit original
Vous n’aurez pas mes cendres ! repose sur une idée originale qui s’avère fort intéressante. Si de prime abord il traite de la création théâtrale, on s’aperçoit en avançant dans les chapitres que ce n’est qu’une infime partie des thèmes.
Les évocations de Chateaubriand et surtout Girardin incitent le lecteur à se replonger dans cette époque historique pour approfondir ses connaissances. Qui est ce « fameux » Girardin dont je n’avais jamais entendu parler ? J’ai creusé et je pense, à l’instar de Patricia, qu’il mérite d’être davantage reconnu.
"La jouissance de tenir son sujet, de le dominer, d’être le maître des mots, de marcher avec ses personnages, de faire vivre l’Histoire et ton histoire, c’est mieux qu’une femme Ludo ! Quel malheur que tu ne connaisses pas cela !"
Le sujet de la création est également central, tout comme celui de la confiance en soi. Les fulgurances de Serge Safran sont contrebalancées par ses descentes en enfer alcoolique et migraineuses. A contrario, ses rêves et ses relations amoureuses démultiplient son imagination.
Le tout coule de source et paraît évident. Parfaitement orchestré et maîtrisé par l’auteur, le récit est fluide. Tout coule de source et parait d’une évidence même.
Une écriture subtile
"Un coup de vent souleva les pans de son manteau. Il me prit par le bras pour m’inviter à marcher près de lui, sous les colonnes du jardin du Palais Royal. Il avait sans doute la trentaine, je ne pus m’empêcher de le trouver beau. Comme je comprenais les femmes qui avaient succombé à son charme ! Cette prestance aristocratique à laquelle s’ajoutait un zeste de sauvagerie imposait qu’on le regarde avec admiration."
Vous n’aurez pas mes cendres ! est un roman facile et très agréable à lire. L’écriture est vive, plaisante, habile et d’une grande fluidité. La encore, j’ai constaté une maîtrise extrême de l’auteur maniant poésie, ironie et répartie avec talent. Elle n’hésite pas à faire appel à du langage plus cru et châtié lors des passages plus sentimentaux et à l’humour pour appuyer des affirmations fortes.
J’ai été conquis et séduit autant par le fond avec cette ballade historique, littéraire, culinaire et romanesque que par la forme. Je trouve que les 170 pages de l’oeuvre mettent bien en exergue l’écart entre les envies et la réalité de la vie.
"Vous savez ce que je pense de la censure, je lui ai consacré un manifeste. La liberté de la presse est un principe, principe vivant du gouvernement représentatif… La liberté de la presse n’est point la propriété d’un ministère ; il ne doit pas en user à son gré ni selon son tempérament. Cette liberté doit être considérée dans cet ordre par rapport aux intérêts généraux, par rapport aux citoyens, par rapport à la société tout entière, c’est une liberté qui assure toutes les autres dans les gouvernements constitutionnels. On ne croit point à un journal censuré ; la vérité devient mensonge en passant par la censure"
C’est avec cette belle citation ô combien vitale à notre époque que je conclus cette chronique.
Vous n’aurez pas mes cendres ! est un très bel hommage à Chateaubriand ainsi qu’aux procédés d’écriture et à la littérature au sens large du terme. Patricia de Figueiredo nous offre un récit émouvant et poignant.
J’ai beaucoup apprécié et l’ai véritablement dévoré. Je vous invite à votre tour à le découvrir.
4/5
Serge Malakoff, dramaturge à succès, écrit une nouvelle pièce sur la visite à Chateaubriand, d’Emile de Girardin, créateur du journal La Presse, où il publie les romans en feuilletons. Girardin innove également en introduisant la publicité, à l’époque, réclame dans les pages de son journal. Ce que d’aucun, dont le grand écrivain, trouve fort mal venu et incorrect.
Malakoff, ce vieux beau, nombriliste, habitant l’île Saint Louis, amoureux de jeunes femmes, semble être un dramaturge de renom puisqu’il côtoie Bernard Murat, Arditi à qui ils voudraient confier la tâche de mener sa future pièce au succès.
J’ai aimé la passion de Malakoff pour le sujet de sa pièce, à savoir Chateaubriand. Cela va même jusqu’à des hallucinations, qui ouvrent d’ailleurs le livre, hallucinations qui ont une autre source que son inspiration.
Patricia de Figueirédo mélange allègrement le livre, la pièce en création et les hallucinations avec un grâce virevoltante qui me permet d’oublier le nombrilisme de ce vieux beau snob.
Dire que Chateaubriand ne porte pas le journaliste dans son cœur est un doux euphémisme. Son ami est mort dans un duel avec Girardin. Le même a racheté les droits des Mémoires d’Outre-tombe et veut les publier sous forme d’un feuilleton, ce que refuse Chateaubriand. La pièce est la rencontre, imaginée, entre les deux hommes à la demande de Girardin et l’occasion d’échanges vifs, mais policés.
Au fait, Patricia de Figueirédo, n’apportez pas votre chien à votre ex, car il se pourrait qu’il se transforme en chose ou repas, mais conduisez ou amenez-le, je crois que c’est mieux.
Lecture d’une seule traite pour un livre vif, très agréable, d’une écriture moderne, qui rend un hommage enlevé et gai à ce cher Chateaubriand.
Unique, poignant, « Vous n’aurez pas mes cendres » est un récit subtil, solaire. Aérienne, l’écriture est habile, maîtrisée à l’extrême. L’incipit « La plage était déserte. J’étais face à la mer. » retient toute l’attention. Nous devinons un narrateur romantique, mélancolique, en proie aux tourments existentialistes qui va nous guider dans une trame où le hasard n’est pas. Un pas de côté salvateur. Allumer le flambeau du passé, la rencontre emblématique de Chateaubriand et Emile de Girardin dont le fil rouge est « Les mémoires d’outre-tombe » de Chateaubriand. On aime le jeu pertinent de Patricia de Figueirédo qui ouvre les tiroirs d’une telle façon qu’ici il n’y a pas de « Complexe de l’Albatros » nous sommes dans une construction perfectionniste. Serge Malakoff, le narrateur est écrivain. Ses pièces de théâtre ont un fort succès. Il veut mettre au monde la rencontre entre Emile de Girardin et Chateaubriand sur fond de toile « Les mémoires d’outre-tombe » Emile de Girardin est un avant-gardiste, un libéral également en quelque sorte. Un homme de paix dont l’adage « L’instruction est à l’homme ce que la charrue est à la terre » prend dans les lignes le sens ultime. Ce dernier veut glisser dans son journal en mode feuilleton « Les mémoires d’outre-tombe » Chateaubriand refuse cette idée. Il désire Les mémoires dorées à l’or fin, parabole d’une littérature reconnue et appréciée, lue par les érudits, les intellectuels. Il réfute la vulgarisation. Voit l’esprit créateur, au devenir incunable et immortel. « D’aucuns l’accusaient d’avoir laissé entrer la corruption dans le monde du journalisme, en ouvrant ses colonnes à « la réclame » Pourtant cet entrepreneur de presse voulait la connaissance pour le plus grand monde. « Il n’y a guère, socialement, qu’une idée mère dans les esprits. Le problème à résoudre est toujours celui-ci : le plus de bonheur possible pour le plus grand nombre possible. C’est là que se rencontrent tout homme d’Etat, tout penseur et tout écrivain…. Toutes les opinions, tous les intérêts légitimes ne peuvent-ils pas être représentés, servis, conciliés dans un même journal, comme dans un même gouvernement ; dans un même journal comme dans une même patrie ? » Le plus de bonheur possible, pour le plus grand nombre possible. » Serge puise son inspiration dans la stabilité de son imaginaire. Cet être qui se cherche et ne se trouve pas, en proie à la rupture avec son ex-femme, ses rencontres amoureuses éphémères, est seul, bien trop seul. Solitude criante, cendres métaphoriques. « Serge songea qu’à défaut de présence féminine, il allait dormir pendant quinze jours avec une bouillotte dans le dos. » Serge n’a d’écho donc, que des rencontres fragiles. Des femmes qui passent, furtives, restent un peu et quittent cet homme à l’instar d’un manteau retiré malgré le froid mordant. Son fils, petit-fils, éloignés à l’autre bout du monde, son ex-femme au relationnel ambiguë avec lui-même, seul fil d’attache, un chat Papillon en mode garde. Ne pas dire ce qui va advenir de cet homme en piège hallucinatoire. Voit-il Chateaubriand ? Emile de Girardin ? Sa vie défiler ? Sa résurrection prendra t’elle son souffle lors du point final de la pièce de théâtre ? Ce grand livre est intuitif. Il ouvre la voie aux convictions. C’est un hymne à la littérature, à sa démocratisation. Il annonce la liberté absolue de conscience. La confrontation entre Girardin et Chateaubriand est une double lecture dont il faut retenir toute la saveur, la pertinence et le libre-arbitre. « Girardin » « Il est certain. Mais… Vous n’acceptez pas ? Je n’aurai pas votre autorisation morale ? « Chateaubriand » « Dois-je retirer mes propos ? N’êtes-vous pas si intelligent que cela en somme ? Je pense que vous m’avez bien compris. Peut-être vous passerez-vous de mon autorisation puisque vous en avez le droit. Mais vous n’aurez pas mes cendres, Girardin ! » Par-delà les cimes, Serge Malakoff est un emblème. Les cendres métaphoriques étreignent l’essence même de la vie. Ne jamais lâcher prise avec ses idéaux. Patricia de Figueirédo déploie « Vous n’aurez pas mes cendres » à l’instar d’un hommage aux illustres de ce monde, au chant littéraire, en osmose avec les espoirs, et les convictions. Il assemble l’épars. Deux siècles fusionnels à lire en échappée des rois. Majeur, les cendres sont apothéoses. Un futur grand film. Culte. Publié par les majeures Editions Serge Safran éditeur.
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