Nina Bouraoui a accepté de répondre aux questions des nombreux lecteurs de son nouveau roman Beaux rivages (ed JC Lattès)
Nina Bouraoui a accepté de répondre aux questions des nombreux lecteurs de son nouveau roman Beaux rivages (ed JC Lattès)
L'un est pour, l'autre est contre ! Découvrez les critiques de Marie-Laure et Hervé pour "Beaux rivages" de Nina Bouraoui (Lattès)
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Un livre qui aurait pu s'appeler Insatisfaction plutôt.
Mme Akli a épousé Brahim et ils ont un fils Erwan.
Ils ont quitté Paris et vivent maintenant en Algérie.
Un jardin plein de fleurs qui l'occupe beaucoup, de bons petits plats à faire pour ses hommes.
Mais voilà , elle s'ennuie, n'a pas de relations dans ce pays qu'elle aime pourtant beaucoup.
Et elle commence à divaguer jusqu'à se perdre.
Sa grande passion, c'est son fils de dix ans qu'elle couve à l'extrême et qu'elle redoute de perdre lorsqu'il se lie d'amitié avec une camarade de classe.
Et puis, sa relation avec Brahim s'émousse bien qu'il soit toujours tendre et prévenant.
Elle n'a plus de repères, écrit beaucoup dans son carnet, trouve de plus en plus de réconfort dans le vin.
Elle s'égare, tombe dans une profonde mélancolie.
Elle divague et se fabrique des scenarii.
C'est l'histoire de la chute d'une femme, écrite d'une belle écriture poétique.
C'est beau mais assez déprimant, à l'image de cette femme qui se perd.
On retrouve les thèmes chers à l'auteure : l'enfance qui passe , la dualité algérienne/française, l'amour qui s'échappe.........
En 2022, Nina Bouraoui perdait son père. En un hommage sobre et bouleversant, elle entremêle ses souvenirs au récit de sa fin de vie dans un service de soins palliatifs.
Né en Kabylie de parents épiciers, Rachid Bouraoui était devenu haut fonctionnaire, diplomate et gouverneur de la banque centrale d’Algérie. Il avait aussi participé à la libération des otages américains en Iran en 1981. Lui qui ne parlait jamais de ses missions était la fierté de sa famille et passait aux yeux de ses filles pour un héros mystérieux, souvent en voyage et peut-être même un peu espion. Réfugié en France au début de la guerre d’Algérie, à l’instigation de son frère bientôt porté disparu alors qu’il avait rejoint les rangs du FLN, il s’y était marié avec une Bretonne, la mère de l’auteur, et n’était rentré en Algérie qu’après l’Indépendance, pour la quitter à nouveau, cette fois définitivement, en 1981, alors que s’y s’annonçaient de terribles violences. Il avait cinquante-six ans, espéra longtemps un rappel qui ne vint jamais et assista de loin aux années de plomb et à la guerre civile. Il ne retourna chez lui qu’à la toute fin de son existence, quand, malade, il alla y liquider maison et papiers.
Lorsque, réduit à l’ombre de celui qu’il était, il entre en soins palliatifs pour ce que tous savent ses derniers jours, c’est d’abord le père, le modèle et le héros de toujours, « le chef, le garant, le protecteur » qui laisse son épouse et ses filles éplorées. C’est aussi la « moitié de son histoire », sa part d’identité algérienne, qui se dérobe soudain irrémédiablement sous les pieds de l’auteur qui, née en Bretagne, aura passé en Algérie les quatorze premières années de sa vie pour ne plus jamais y revenir ensuite, laissant la déchirure, vécue d’autant plus dramatiquement qu’elle s’est faite sans adieux ni empaquetage de souvenirs, s’emplir d’ombre et de silence. Alors, dans cette chambre, ce jardin et ces couloirs du centre de soins palliatifs où, jour après jour, se tissent les rituels d’une attente lourde d’émotions dont la restitution minutieuse semble vouloir encore en retarder l’échéance, l’introspection de l’auteur s’approfondit à mesure que les souvenirs se pressent. Le mourant ayant déjà sombré dans l’inconscience, c’est dans la tête de sa fille que les images d’une vie avec lui défilent, ombres et secrets désormais à jamais impénétrables.
Un récit poignant, d’une grande sobriété, qui, au travers d’une expérience très personnelle, nous renvoie à notre condition universelle de mortels. Tandis que l’auteur inventorie le passé au moment de se projeter dans un avenir sans son père, c’est ni plus ni moins « l’idée de [s]a propre mort » qu’elle apprend à accepter.
Nina Bouraoui rend un hommage émouvant à son père, qui a été plus qu'un père. Il a été LA figure qui lui a permis de se construire et de s'affirmer dans sa vie.
L'autrice nous présente ce père qui a compté aussi bien dans le contexte professionnel dans lequel il a évolué, mais aussi dans sa vie de famille. Lire ce texte, c'est donc se replonger dans un contexte historique avec les liens qu'elle a avec son pays d'origine, l'Algérie, ainsi que les souvenirs et l'attachement qu'elle porte à ce pays. C'est aussi tout un pan de son enfance qu'elle se remémore et sa construction en tant que jeune femme qui se découvre.
L'écriture de ce roman lui permet donc de parler de son père, mais surtout de se révéler au lecteur sur ce qu'elle est elle. On comprend ainsi qu'elle est celle qu'elle est grâce à cette figure paternelle, qui l'a porté toute sa vie (au sens figuré) et qui reste en elle malgré sa disparition. Un écrit qui lui permet d'essayer de faire son deuil, même si on ressent que cela n'est pas évident.
"L'été peut renaître, la lumière éclater, les jours rallonger, les amoureux s'embrasser mon père n'est plus de la fête, assigné à la maison médicale, privé des instants joyeux et de la course des hommes et des femmes du dehors."
De la peine, se délester des souvenirs, le parfum apaisant des fleurs, un cancer, la colère, la perdition, des tentacules, la légende, la solitude, de la tristesse, de la colère, un calendrier intime, la lumière du jour, de la réalité, se sentir différente, du fantasme, ne pas vouloir dormir, de l'arrachement, une vibration, impossible de brider son esprit, le seuil des ténèbres, un arbre blanc à feuilles noires, les larmes, rester aux aguets, l'éternité des minutes, l'Algérie de son enfance, un porte cartes, l'effacement, de la douceur, le passé désordonné, marcher dans ses pas, passer comme une bourrasque, un allié silencieux, donner un cadre, des fauteuils ronds couleur pastel, guetter la douleur, un radeau de fortune, son livre préféré...
La fin de vie, la maladie, la dépendance, la relation avec la personne malade et le milieu médical, le récit de l'agonie, le tourbillon des émotions, l'éclatement de la cellule familiale, la dévastation, l'intimité, le temps qui passe de façon différente, la vulnérabilité, le fait de devoir avancer, de garder sa dignité et sa force...
Je me suis bien sentie concernée par les thèmes abordés dans ce livre.
Le style de Nina Bouraoui est généreux, rempli d'amour, de sensibilité, et de courage.
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