"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Je l'attendais impatiemment ce nouveau roman de Michael Farris Smith et, comme souvent quand les attentes sont hautes, c'est une petite déception.
Si l'écriture reste fidèle au talent de l'auteur, l'histoire est à mon avis mal menée. J'ai trouvé qu'il y avait des invraisemblances dans l'enchainement des évènements, des trucs qui tombent comme un cheveu sur la soupe pour faire avancer artificiellement l'intrigue.
Le gros point positif du roman est l'atmosphère angoissante. L'auteur nous transporte dans un futur proche, dans des États (Louisiane et Mississippi) où les ouragans ont fait fuir la population, où seuls restent quelques entêtés, devenant une terre idéale pour les gourous.
Une lecture comme je les aime mêlant une ambiance polar au western en passant par du fantastique mais oui :)
L'histoire est centrée autour de 3 personnages plutôt bien rendus dans une Amérique en proie à la dévastation des ouragans.
Une jeune mère avec son petit garçon se réfugie chez son père qu'elle n'a pas vu depuis 5 ans, celui ci un veuf qui a élevé sa fille seul, vit en solitaire et voit le retour de sa fille comme une rédemption.
Il y a aussi le père de petit, un homme taciturne qui fuie une sorte de secte a qui il a dérobé quelque chose.
Tout va se précipiter jusqu'à la tragédie finale.
Il y a une ressemblance avec le roman "Zephyr, Alabama" car il y règne également une atmosphère étrange mais qui est encore moins expliquée et c'est parfait !
Le titre de ce thriller donne déjà une indication, noire en sera l’énigme, noirs les personnages, noire l’intrigue. Mais « Blackwood » m’a également laissé dans les sombres méandres de l’incompréhension du sujet et de la charge affective que devait, qu’aurait dû apporter ce récit. D’autant qu’il me fût difficile d’accorder du crédit aux personnages sans profondeur, comme paralysés par la moiteur du Mississippi ; cependant « Michael Farris Smith » peut se targuer de donner une consistance dans l’ambiance de solitude, de pauvreté, de l’impéritie de la police ; bref les poncifs habituels.
Et pourtant dans la première partie, assez angoissante, par la vision de Colburn, jeune garçon, qui assiste à la pendaison de son père. Je m’attendais, au développement d’une enquête policière classique, mais il semble que non ; ce livre flirte plutôt avec le surnaturel. C’est pourquoi afin d’établir une atmosphère angoissante, l’auteur, va utiliser la métaphore d’une plante invasive : le kudzu, une liane envahissante dans la vallée mais de surcroit dans les esprits humains. Certes des crimes odieux furent commis, mais semblent la conséquence de la mort annoncée de Red Bluff ; une petite ville perdue et au bord de la désolation, et dont la seule préoccupation, de ses habitants, consiste à épier ses coreligionnaires.
Je reste déçu par le style d’écriture parfois énigmatique et de la difficulté de donner un tant soit peu d’empathie envers les différents protagonistes de ce thriller qui semblent inanimés et sans âme...Sans compter sur l’épilogue, qui laisse au lecteur le curieux sentiment d’incomplétude.
Rien ne va plus sur cette foutue terre.
Les saisons n’existent plus. Aux périodes d’extrême sécheresse, suivent des pluies diluviennes qui détrempent les sols et empêchent les récoltes. Les ouvriers agricoles ne trouvent plus d’emploi. Même les plateformes pétrolières n’ont pas survécu. Nous sommes aux confins du Mississipi et de la Louisiane, dans un paysage dévasté, maisons éventrées recouvertes de bâches pour suppléer les toitures envolées, champs de maïs inondés et couchés, rien ne résiste aux passages répétitifs d’ouragans. La population reflue vers des territoires plus cléments, seuls quelques irréductibles s’accrochent à leur bicoque bricolée et à leur lopin de terre infertile. L’économie s’écroule, les investisseurs qui pourraient injecter un peu d’argent pour relancer la vie ont déguerpi depuis longtemps, plus personne pour nier le dérèglement climatique, n’est ce pas M. Trump ?
Quand les êtres désemparés sont gagnés par la désolation, la religion s’épanouit : une voie vers la lumière. Un espoir de retour vers le passé, comme un paradis promis. Malheureusement, le malheur fait naître dans des têtes détraquées des cultes tordus comme cette congrégation du Temple de la gloire et de la douleur qui recrute des fidèles dans la région, une menace supplémentaire !
Holt sort d’une soirée de beuverie, dans le champ pelé qui jouxte le parking où il s’éveille il remarque un grand chapiteau blanc en train d’être monté. Est-ce une issue possible, rejoindre cette collectivité ? L’aura de cette femme, Elser, qui semble le gourou magnétise la foule des fidèles. Elle prône « une théologie faite d’avarice, d’angoisse et de désir où damnation et flammes de l’enfer » ont la part belle. « Elle promet aux âmes perdues que leurs corps et leurs esprits sont au bon endroit. Aucun bulletin météo ne pourra les déloger de ce territoire dévasté ». Mais les doutes de sincérité effleurent l’esprit d’Holt quand elle entame la partie du sermon où elle affirme avoir eue une vision d’une jeune fille envoyée par le créateur pour faire cesser les intempéries, le racket de la quête confirme ses inquiétudes. Profitant d’une de ces messes, Holt s’introduit dans le camping-car de la prêtresse et dérobe argent et un gros trousseau de clés.
De son côté Wade vit seule dans sa petite maison, tourmenté par les remords depuis que sa fille Jessie est partie il y a quelques années. Il faut dire que les rapports avec la jeune femme ont toujours été tendus. Son épouse est morte lors de l’accouchement et il n’a jamais sut faire face seul, hésitant entre éducation stricte et permissivité. Et lorsqu’elle a atteint la majorité, elle est partie avec ce maudit Holt à qui Wade voue une haine farouche.
Jessie et son petit garçon Jace sont seuls, Holt n’est pas rentré à leur domicile. Il faut prendre la fuite, car depuis qu’ils détiennent ce fameux trousseau de clés les membres de la secte sont à leur poursuite. Elle pense, tout de suite, à rejoindre son père Wade pour trouver asile, lui qui pourtant ne sait même pas l’existence de son petit-fils.
Lorsque Holt réapparait, évadé après avoir été prisonnier des illuminés geôliers de la secte. Il a surpris une conversation, comme quoi le trousseau ouvre les portes d’un mystérieux lieu dénommé « l’Abîme », qui n’est pas sans rappeler des souvenirs vieux de dix-huit-ans à Wade.
J’ai été bavard, mais ne comptez pas sur moi pour vous dévoiler l’épilogue, ni le sort de nos héros, se sortiront-ils des griffes de leurs tordus poursuivants ?
Michael Farris Smith nous livre un roman noir, très noir aux couleurs des ciels tourmentés précurseurs d’ouragans. Des chapitres courts, des dialogues épurés, la menace continuelle d’un cataclysme et de ces fanatiques fous furieux conférent à ce roman une atmosphère angoissante qui va crescendo jusqu’à un final palpitant. L’auteur sait jouer sur nos peurs actuelles du dérèglement climatique et dépeint des personnages attachants, cabossés, aux vies rudes et tortueuses dans cette zone géographique qui lui est chère.
Merci aux Editions Gallmeister pour cette belle lecture.
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