"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
De temps à autre apparaît un auteur amoureux de son art, du langage écrit et des grands mystères qui résident de l'autre côté du monde physique. Il y avait William Faulkner, Cormac McCarthy ou Annie Proulx. Vous pouvez maintenant ajouter Michael Farris Smith à la liste. James Lee Burke Une femme marche seule avec une petite fille sur une route de Louisiane. Elle n'a nulle part où aller. Partie sans rien quelques années plus tôt de la ville où elle a grandi, elle revient tout aussi démunie. Elle pense avoir connu le pire. Elle se trompe.
Russel a lui aussi quitté sa ville natale, onze ans plus tôt. Pour une peine de prison qui vient tout juste d'arriver à son terme. Il retourne chez lui en pensant avoir réglé sa dette. C'est sans compter sur le désir de vengeance de ceux qui l'attendent.
Dans les paysages désolés de la campagne américaine, un meurtre va réunir ces âmes perdues, dont les vies vont bientôt ne plus tenir qu'à un fil.
Michael Farris Smith possède un style et un talent d'évocation totalement singuliers qui vont droit au coeur du lecteur. Avec ces personnages qui s'accrochent à la vie envers et contre tout, il nous offre un magnifique roman sur la condition humaine.
Michael Farris Smith, écrivain des sans grade, de l’Amérique non triomphante.
J'ai beaucoup aimé la part de lumière qui reste toujours dans ses récits. Le tout sans aucun jugement ni bons sentiments. Juste des Hommes et leurs choix sans juger, sans moraliser. Mais toujours une lumière après la tempête.
Je le rapproche d'Harry Crews plutôt que de Mac Carthy.
Sans nul doute une magnifique plume américaine dans la lignée des auteurs du Sud comme Caldwell et Morison.
"Il se redressa puis se leva et alla libérer le papillon prisonnier de la toile d'araignée tant qu'il lui restait un souffle d'espoir dans les ailes. Il le prit du bout des doigts, sentit la membrane des ailes, crayeuse et fine comme un voile. Puis il le lâcha et le papillon essaya de s'envoler mais tomba en spirale et atterrit au bout de sa botte. Il savait que s'il le laissait là, les fourmis en feraient leur affaire, et quelle sale façon de crever, alors il posa le pied sur le papillon et l'acheva puis le fit disparaitre entre les lattes de la véranda d'une giclée de bière."
Elle, c'est Maben Jones, de retour au pays après avoir bourlingué d'état en état, de mauvaises rencontres en mauvaises rencontres. 11 ans aparavant, elle avait quitté McComb (Comté de Pike -Mississipi) assommée de chagrin et perdue. Elle revient aujourd'hui, accompagnée d'une fille non désirée, sans le sou et étrillée par la vie.
Lui, c'est Russell Gaines, de retour au pays après avoir purgé une peine de 11 ans de prison pour le meurtre involontaire d'un jeune homme alors qu'il conduisait trop vite et ivre. Un retour à McComb, ou personne ne l'a oublié, surtout pas les frères du jeune homme décédé. Alors qu'il pensait avoir payé, Russell va rapidement déchanter.
Comme vous pouvez l'imaginer, ces 2 là vont se rencontrer. Deux destins estropiés mais des volontés chevillées au corps pour se faire une place et chasser à jamais la "poisse" qui les poursuit jusqu'alors.
Je n'irai pas jusqu'à comparer l'auteur à Cormac McCarthy,néamoins l'histoire est forte, les personnages parfaitement dessinés et la lecture rapidement addictive.
De nombreux thèmes sont abordés; le Bien,le Mal, la Vérité, le racisme insidieux, la rédemption.
J'avoue avoir "prié" pour que l'auteur arrête de maltraiter ses personnages. On se prend d'une réelle affection pour Maben, Annalee et Russell.
Un excellent roman, qui manque cependant de "puissance" pour qu'on puisse le comparer aux oeuvres de McCarthy.
Dans une Louisiane écrasée de soleil, une jeune femme Maben et sa fille Annalee de 5 ans marchent sur l’autoroute depuis des jours. Toutes leurs affaires tiennent dans un sac poubelle et elles ont passé les dernières nuits à la belle étoile. Alors que Maben sacrifie une grande partie de son argent pour se reposer une nuit dans un motel, tout dérape.
Parallèlement, on fait la connaissance de Russel qui sort de prison pour avoir, en état d’ivresse, tué un adolescent dans un accident de la route onze ans auparavant.
Ces deux là vont bien sûr se rencontrer et affronter un présent hanté par le passé.
La force de Michael Farris Smith c’est de délivrer l’histoire au compte-gouttes . Que font Maben et sa fille sur la route ? Quelle est l’histoire de Russel ? Qui sont ceux qui l’agressent à sa descente du car ? Toutes ces questions vont trouver des réponses au fil du livre.
Russel et Maben sont attachants, ils sont complexes, ni bons ni mauvais, humains tout simplement. Et malgré les vicissitudes de leur vie ils gardent l’espoir d’une rédemption et espèrent une vie meilleure. D’autres personnages sont plus tranchés, certains empreints de bonté et de générosité d’autres carrément mauvais.
Michael Farris Smith décrit parfaitement cette Amérique profonde faite de balades en pick-up, de soirées sous la véranda, de bière, d’alcool, de cigarettes, de violence… Son style est fluide.
Ce livre est une belle découverte et Mabel et Russel restent longtemps en nous après l’avoir refermé.
Michael Farris Smith va rejoindre le club des écrivains du Sud des USA comme James Lee Burke, Harper Lee, Erskine Cadwell, Larry Brown, Toni Morrison et bien d’autres.
J’ai beaucoup aimé ce livre, je l’ai ouvert un soir et refermé au petit matin. On se laisse envoûter par l’atmosphère, par les personnages, par le destin, la fatalité...
Maben et Russel reviennent à la case “Départ”, ils n'ont pas touché 20 000 francs - par contre, lui est passé par la case “Prison” - n'ont jamais tiré de carte “Chance” ou bénéficié de coups de pouce du destin. Pas de maison, pas de cash - ou si peu - ce sont les grands perdants du Monopoly aux dés pipés qu'est le libéralisme américain. Des exclus d'un système absolument pas enclin à leur faire de cadeau.
Maben, usée avant l'âge, est au bout du rouleau après quelques tentatives pour s'en sortir du côté de la Nouvelle-Orléans et ailleurs. Essais qui se sont tous soldés par des échecs cuisants. Elle a tout essayé, même vendre son corps, pour pouvoir offrir un toit et de la nourriture à Annalee, sa petite fille de sept ans. Toutes ses affaires tiennent dans un lourd sac poubelle qu'elle traîne le long des routes comme le forçat son boulet. Son passé qui l'empêche d'avancer plus vite, qui la tire vers le bas.
La mère et la fille survivent, plus qu'elles ne vivent, au jour le jour, marchant interminablement, sans grand espoir pour l'avenir autre qu'un lit et un repas chaud, la méfiance et la peur chevillées au corps et au coeur de Maben. Tant qu'à tirer le diable par la queue et à être malheureuses, elle a décidé de le faire dans un environnement familier, là où elle a grandi dans les marais du sud du Mississippi, à McComb. Au cours d'une des rares nuits où elles peuvent se reposer dans un lit, parvenues pratiquement au but, Maben va commettre une terrible erreur, une de plus. Pas que ce soit sa faute, mais rien à faire pour l'expliquer, elle devient une fuyarde...
Les onze années de pénitencier semblent un prix suffisamment lourd pour Russel, elles devraient lui permettre de reprendre le cours de sa vie. Il n'est pas un criminel. Ça a juste été un sale concours de circonstances : une journée trop arrosée, un accident, un mort et plus de dix ans de sa vie qui se sont évaporées. Sa mère est morte, il retrouve son père en compagnie d'une jeune Mexicaine que celui-ci présente comme une simple employée mais qui, manifestement est bien plus importante dans la vie du vieil homme. Un comité d'accueil local attend l'ex taulard à sa descente du car, deux frères convaincus que la peine de prison n'a pas été suffisante et se sont jurés de lui pourrir la vie, voire pire s'ils en ont l'occasion. Une bonne raclée à peine débarqué, voilà qui donne le ton du retour au bercail, ce ne sera pas facile.
A priori, rien de commun entre ces deux personnages, sauf bien entendu la bourgade où ils se rendent et le destin qui va les réunir. le hasard, toujours lui, s'en mêle, les fait se croiser et un tragique passé commun va se révéler, peu à peu, à eux autant qu'au lecteur. Leur histoire est un long blues implacable, avec la botte qui tape le rythme sur le porche en bois et la voix rauque égrenant la misère et la douleur. Un récit qui n'est pas sans rappeler le Blues de la Harpie de Joe Meno par le sujet, l'impossible réintégration des condamnés dans les petits bleds reculés où les jugement sont toujours considérés comme trop cléments, ou Mauvaise étoile de R.J. Ellory, pour l'errance, l'hostilité environnante, la quasi obligation de se mettre encore et toujours en marge de la loi, poussés par les événements, une sorte de spirale vicieuse qui entraîne vers le bas dès le premier mauvais pas effectué et ne s'arrête plus.
Russel, son truc, c'est de réparer. Il a appris ça avec son père qui achetait des bicoques pour les restaurer et les revendre. Il va faire la même chose avec Maben, tenter de la remettre en état de marche, malgré le poids du passé, pour Annalee, pour expier une dernière fois cette faute qu'il a commise et qui a tout déclenché. Maben, le sien, c'est d'être au mauvais endroit au mauvais moment et de voir, trop tard, le malheur fondre sur elle, même si elle peut se transformer en tigresse si Annalee est menacée.
Michael Farris Smith a capté et transcrit parfaitement l'âme et l'atmosphère du Sud, cette décontraction apparente, ce calme trompeur à la surface du marigot sous laquelle la violence toujours tapie comme un alligator peut surgir au détour de chaque mot et emporter tous ceux qui se trouvent à sa portée. Comment dans ces conditions, sachant ce qui est arrivé à Russel à la descente du bus, pourrait-il ne pas se trimballer avec un flingue chargé et un pack de bière ? Comment échapper à ce qui semble être son destin ?
Un coup de chance éclaire parfois la nuit, c'est son ami de jeunesse, le flic Boyd, qui le contrôle ainsi équipé non loin d'une scène de crime à laquelle Maben est mêlée. Plus le roman avance, plus ses deux personnages se trouvent liés, même si la jeune femme le refuse, se méfie, doute, ils savent tous deux que le salut passera par l'autre. Pas pour une forme de rédemption, elle n'a pas vraiment sa place ici, celle de continuer encore un peu, allégés, soulagés si possible
Un roman très noir, suffocant, plombé par la poussière du Sud qui s'élève au-dessus des phrases, accablé du cliquetis des armes, du bruit des coups sur les chairs. À chaque fois, ça fonctionne, on se laisse prendre au charme envoûtant et vénéneux de cette cambrousse réactionnaire et redoutable. Les personnages sont forts, attachants, ils glissent tous sur un toboggan construit, semble-t-il, tout exprès pour eux et dont il paraît pratiquement impossible de descendre avant de parvenir tout en bas.
Deux personnages très complexes, minutieusement détaillés, analysés par l'auteur qui a un don incroyable pour partager en peu de mots des émotions complexes. Maben et Russel sont des porteurs d'amours défuntes et d'espoir déçus, des fautifs de naissance comme on naît diabétique ou manchot. Nulle part sur la terre, c'est un bout de leurs parcours, un moment-clé de leurs existences découlant de tout ce qui a précédé.
Roman noir avec pour toile de fond le Mississippi rural, sa moiteur ,la bière, le bourbon.
L'histoire est simple mais les personnages sont fouillés, victimes ou bourreaux selon les choix qu'ils font ou qu'ils leur sont imposés par les circonstances.
Roman de la rédemption, du pardon, de la grâce ou de la chute.
J'ai beaucoup aimé.
J'ai toujours une musique en tête quand je lis un livre. Jeff Buckley qui a disparu dans le Mississippi c'est imposé tout naturellement.
L’auteur signe un roman noir, glauque et haletant. La lecture est rapide et efficace. L’écriture est agréable. La démarche n’est pas nouvelle mais on prend plaisir à le lire.
On s’identifie facilement au personnage principal, à sa rage, son désespoir. Coupable mais pardonnable, ce vengeur justicier nous entraine avec lui dans un rythme soutenu, dans un roman parfois un peu pétri de bons sentiments.
NULLE PART SUR LA TERRE
de Michael Farris Smith, traduit par Pierre Demarty
Éd. SonaSonatine (grand format)
Éd. 10/18 (poche)
"Le passé ne meurt jamais"
Mis en exergue, cette citation tirée d'un livre de William Faulkner ("Requiem pour une nonne") résume a elle seule "NULLE PART SUR LA TERRE" ... inutile d'en dire plus, je préfère vous laisser le plaisir de découvrir cette très belle histoire.
A la place, je vais essayer de parler de l'écriture de Michael Farris Smith...
... car Michael Farris Smith est bien plus qu'un écrivain, c'est un poète... ou peut-être que le terme d'aède conviendrait mieux car pendant cette lecture, je me suis surprise à relire des passages à voix haute pour mieux ressentir le rythme et la musique dégagés par le texte. Il y a une oralité musicale qui se dégage grâce aux "et" dont Michael Farris Smith se sert d'une manière comparable aux "points virgules" de Flaubert dans "Madame Bovary".
Et moi, j'adore quand un écrivain me fait cet effet là...
"NULLE PART SUR LA TERRE" est le 2ème roman de Michael Farris Smith publié en France et en 2019 les éditions Sonatine publieront son nouveau roman dont le titre me fait déjà rêver, "Le pays des oubliés"...
"NULLE PART SUR LA TERRE"... un livre mis à l'honneur dans le #PicaboRiverBookClub dans le cadre du "poche du mois d'octobre".
La vie ne fait pas de cadeaux
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Je prends part à une lecture commune sur le #PicaboRiverbookclub pour le mois d'octobre.
Une histoire poignante qui reste ancrée dans ma mémoire une fois le livre refermé.
Je n'ai pas été si emballée que ça au début de ma lecture je l'avoue – l'intrigue manque un peu de punch – mais dès que le chaos s'est installé dans la petite ville du Mississippi, je l'ai lu quasiment d'une traite.
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Un meurtre réunira deux êtres, deux âmes perdues dans la tourmente.
Maben, jeune maman erre sur une route. Accompagnée de sa fillette, elle revient dans sa ville natale, démunie. Russell, ex-taulard ayant purgé sa peine de 11 ans, retrouve son bercail. C'est sans compter sur le désir de vengeance de ceux qui l'attendent.
Alors ce meurtre, cet accident de parcours va être le détonateur de forces qui vont tout balayer sur le passage de ces deux personnes. On peut parler de mauvais timing, ou de malchance. Ils ont tellement appris de leur infortune qu'ils n'ont plus rien à perdre.
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On entrevoit ici un petit bout de ce Sud rural , cette langueur bien-nommée, dans une Amérique sombre où l'injustice fraie avec des idées de vengeance. Où la notion de bien et de mal est si floue qu'on en oublie nos leçons de catéchisme.
Des personnages si attachants, forts, tout en nuances. Qui croient que « les saloperies, ça arrive même aux gens bien » et qui espèrent au moins un peu de répit quand on se donne du mal.
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Survie et rédemption.
Une ambiance sombre et lumineuse à la fois.
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Un récit sombre avec des coups durs qui s'enchaînent tout du long. Des petites victoires aussi ; qui prouvent peut-être que la vie est courte, qu'il faut saisir ce petit moment de bonheur quand il se présente.
Pour moi, un ressenti intense. Des émotions diverses que j'ai envie de vous faire partager.
Ni blanc, ni noir, mais la vie tout simplement....
Un auteur qui a donné la part belle à l'humanité. Bravo !
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Tu parles du rythme, de la musicalité du texte..... Je pense que c’est vraiment un style propre aux américains que nous avons très peu chez les écrivains français. Est-ce que c’est la langue ? L’anglais est une langue très musicale. Et même si le texte est traduit, un bon traducteur doit respecter ce rythme. Belle critique. Tu rajoutes une pierre à l’édifice Picabo