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Koch-S

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    Couverture du livre « Adieu a l'amitie » de Koch-S aux éditions Grasset

    GeorgesSmiley sur Adieu a l'amitie de Koch-S

    Les mythes ont la vie dure et l’histoire de la guerre d’Espagne ne fait pas exception. Il est admis que le camp du bien y a été vaincu par le camp du mal. Guernica reste le symbole des « Républicains » écrasés sous les bombes « fascistes » des avions allemands et personne, en dehors des...
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    Les mythes ont la vie dure et l’histoire de la guerre d’Espagne ne fait pas exception. Il est admis que le camp du bien y a été vaincu par le camp du mal. Guernica reste le symbole des « Républicains » écrasés sous les bombes « fascistes » des avions allemands et personne, en dehors des professionnels de l’Histoire, n’évoque la sanglante épuration menée par le NKVD (l’ancêtre du KGB) à Barcelone en mai 1937, au sein même du mouvement « républicain », contre ceux de ses membres que le pouvoir stalinien jugeait déviants. Le livre de Stephen Koch, dont le titre fait amèrement référence à l’un des grands succès d’Hemingway L’Adieu aux armes, raconte l’histoire d’une amitié solide entre deux des plus grands écrivains américains du XXème siècle qui vola en éclats à (et pour) ce moment.
    Ils avaient pourtant les mêmes opinions politiques et la même sympathie pour les forces républicaines dans la lutte contre les putschistes de Franco et étaient venus rendre compte de cette guerre pour les lecteurs de leurs journaux respectifs.
    Cette amitié et cette convergence de vues, en dépit de caractères opposés (Dos Passos était aussi discret qu’Hemingway volubile) disparut en même temps que le malheureux José Robles, Républicain convaincu et actif mais pourtant assassiné par ses amis communistes au prétexte qu’il aurait trahi au profit des « Franquistes ».
    Grand ami de Dos Passos qui le connait bien et depuis longtemps, Robles ne peut pas avoir trahi le camp républicain ; Dos Passos enquête, soutient la veuve, veut comprendre quelle erreur tragique a pu conduire à la condamnation de son ami… et finit par découvrir la vérité, méchamment révélée par Hemingway lui-même.
    José Robles avait été nommé lieutenant-colonel par le nouveau régime et, comme il parlait russe, on l’avait nommé interprète et collaborateur du général Gorev, l’attaché militaire soviétique. Cependant, sa franchise, son indépendance et ses prises de position sans détours le compromirent vis-à-vis du Kominterm qui faisait la loi à Barcelone où il disparut début 1937, victime (comme Andrés Nin et tant d'autres) des purges perpétrées par les agents du NKVD aux ordres de Staline.
    Les masques tombés, Dos Passos veut lever le voile sur les financements et la mainmise sanglante du régime stalinien sur le Front populaire. Il sollicite son ami Hemingway…en vain. Pour Hemingway, la guerre n’est que le terrain fertile de son inspiration artistique, l’occasion pratique d’une relation adultère avec la journaliste Martha Gellhorn et la possibilité, au milieu de ses admirateurs, de jouir intensément de la vie au milieu des combats où des figurants perdent la leur. La trahison communiste vis-à-vis de membres jugés (et donc condamnés) trop tièdes n’est pour lui qu’un détail sans grande importance, un empêchement dérisoire à la grande idée d’une guerre qu’il n’envisage qu’entre « bons et méchants ». C’est enfin et surtout une occasion d’exister en tant qu’écrivain « engagé », présent sur tous les fronts quand une photographie opportune l’immortalise le fusil à la main et le regard fier. La célébrité et le succès ont un prix et tant pis pour ceux qui le paient.
    On sort de ce récit passionnant et talentueux convaincu du talent des deux hommes mais définitivement admirateur de John le Juste et un peu (beaucoup, disons-le) dégoûté de l’attitude d’Ernest qui rappelle singulièrement ces « beaux esprits » qui ont sévi si longtemps et sévissent toujours, depuis les beaux cafés germanopratins et dans les beaux journaux des beaux quartiers, pour déformer le monde, au prisme de leur idéologie, en se moquant des mortels qui en subissent les conséquences d’airain. « L’intellectuel engagé », la chemise blanche immaculée au vent, photographié sous le bon angle, est toujours là pour expliquer au quidam ce qu’il faut voir, ce qu’il faut penser même si la vue d’un autre angle pourrait faire penser très différemment.
    Ce livre est un témoignage unique sur un grand écrivain qui, ayant aperçu la vérité, sut ne pas rester muet. Il choisit la fidélité à l’ami assassiné, resta profondément blessé de l’attitude de l’ami perdu et assuma que son choix allait handicaper sa carrière si brillante jusque là.
    Relisons Dos Passos, il le mérite.
    PS. Pour aller plus loin et lire une analyse brillante de ce livre, j’indique le blog lundioumardi où vous trouverez l’article Dos Passos – Hemingway : une rupture tout sauf littéraire et auquel je n’ai pas résisté à emprunter quelques phrases.

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