"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Dernier tome terrible, là encore aussi bien sur le graphisme que sur le scénario et l'émotion qui s'en dégagent. Si certaines guerres se mènent pour la survie, la façon de les mener à son importance et le respect entre ennemis en est le socle. Je reste sceptique sur cette position, convaincue que quelques soient les raisons, la guerre n'a jamais lieu d'être. En revanche, "Ici comme ailleurs, ce sont toujours les plus démunis qui sont le plus durement frappés" lors de celles-ci.
La famille n'est pas que le noyau nucléaire (des parents, un enfant) mais des liens indéfectibles entre des êtres (tout le monde n'est pas humain de la terre dans Albator et c'est une belle symbolique de la diversité humaine dont certains voudraient faire croire qu'il y a un eugénisme naturel). Le traitement de la fraternité est magnifié (les trois soeurs sylvidres, l'équipage de l'Arcadia, Talika et sa soeur Lina). L'amour est aussi abordé très subtilement : amour pour son enfant (Emeraldas - Alfred), l'amour de coeur (Dr Imer pour Talika), etc.
Les violences de l'enfance peuvent mener à la folie (Monna, une des 3 soeurs sylvidres) ou à la reproduction de la violence (Talika).
Quand aux politiques, la charge de Jérôme Alquie est fine mais forte, dans le même esprit que Leiji Matsumoto. J'ai l'impression d'entendre Stéphane Hessel et son "Indignez-vous !".
Petit clin d'oeil de l'auteur à une autre de ces oeuvres, Goldorak avec Albator qui lance "Pour la liberté ! ARCADIA, GO !!!"
Ce n'est pas trois tomes d'Albator pour la distraction, mais trois tomes engagés et portés par une profonde réflexion existentielle et sociétale.
Ce 2e tome (sur 3) continue sur un dessin fort voire virtuose car jouant sur des variations de noirs et de gris (versus blancs et bleus dans le tome 1).
Les thèmes abordés sont toujours aussi forts : "N'oublie jamais que la force d'un Homme se mesure à sa capacité à honorer ses promesses" et à cet instant même je pensais à l'abominable homme politique français, vendeur d'armes entre autre, qui déclarait le plus sereinement du monde que "les promesses n'engagent que ceux qui les croient". On comprend mieux le peuple Sylvidre et cette idée que tout acte et toute décision, quel qu'elle soit, aura des conséquences auxquelles il faudra répondre, fusse dans 300 millions d'années.
Eina, la Sylvidre de l'ombre (les abysses) et son voile de désespérance rappelle que si l'enfance et la famille (quel que soit sa forme) est le socle de la vie adulte, les promesses du passé conditionnent nos actions du présent mais personne ne peut prédire l'avenir. La seule façon d'avancer est d'y croire. La musique de Mimé (dans le 1er tome) comme celle de Mayu dans ce tome-ci (la petite Stella dans le dessin animé) est comme un symbole d'espoir par l'amour et l'amitié fidèle.
La belle Mimé est la lumière face à l'ombre de Eina, toutes deux agissant par amour (impossible pour la 1ère, fraternelle pour la 2e) et toutes deux réussissant à tenir leurs promesses... Comme Albator envers Alfred !
On retrouve aussi avec plaisir Maetel (Galaxy Express 999) et l'évocation d'Esmeralda.
Encore une fois, Jérôme Alquie déploie un talent hors normes tant dans la forme que dans le fonds. Je viens de relire l'oeuvre originale de Leiji Matsumoto et l'auteur français a tout compris à l'esprit Albator : charge politique, coopération scientifique, engagement et solidarité quand il y a un projet commun et du sens (les Sylvidres entre elles, l'équipage de l'Arcadia), le harcèlement entre enfants, les stratégies de survie.
Le dessin est splendide : des couleurs éclatantes dans des camaïeux très maîtrisés, des montages pages exceptionnels entre manga et BD occidentale. Certaines doubles pages sont une oeuvre d'art en elles-mêmes. Le clin d'oeil du Lieutenant Yattaran à l'art en tant que tel est désopilant et tacle sûrement l'art actuel avec la Banane scotchée et autres.
Le traitement du sujet reprend l'oeuvre originale au départ : nous replongeons dans l'univers qui nous a bercé enfant (alors que c'est un manga pour adulte à la base) et puis Jérôme Alquie reprend la main sur le scénario. Tout comme les être humains sont pluriels, les Sylvidres sont plurielles (celle des forêts, celles des glaces) et peut-être même l'IA androïde est un être à part entière avec un nouveau personnage. C'est très beau, très triste, très dur car chacun détruit l'autre avec un motif qui lui semble vital : survivre ou son intérêt personnel. L'amour est effleuré et finit toujours mal aussi.
Les sujets finement abordés et le graphisme a coupé le souffle ont une résonance actuelle dans un contexte de guerre et de langue de bois. Engagé socialement déjà avec Goldorak, Jérôme Alquie continue sur un engagement fin, percutant et esthétiquement scotchant.
Un graphisme magnifique, coloré, vivant, détaillé. Des expressions moins manga et plus portées par le texte en tant que BD. Sur ce tome, la police de caractère est modifiée, les bulles sont lisibles, le vocabulaire toujours haut mais fluide, et la grammaire correcte mais plus courte. Quant au scénario : chapeau ! Il est fort, ficelé, historiquement intéressant et documenté, dynamique ce qui nous change de celui du Saint Seiya original parfois cousu de fils blancs. Le lien entre l'oeuvre originale et cette oeuvre à part entière est puissant.
Shun est pour une fois vaillant (autant que possible), le rappel à Ikki qu'on s'attend à voir intervenir pour son frère est là mais le scénario permet d'éviter le cliché. L'histoire est belle et non manichéenne en se basant sur l'amour fraternel entre "je t'aime moi non plus" avec une résonance intemporelle et universelle qui nous concerne toujours aujourd'hui.
Chronos est toujours aussi redoutable et Athéna toujours aussi flegmatique.
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