Au moment de se passer la corde au cou, il s'interroge. Est-ce que tout était écrit à l'avance ? Depuis le début ? Avait-il la moindre chance de s'en sortir ? Au moment de mourir, Judas revient sur sa vie. Sur la rencontre qui en a changé le cours, sur ce qu'il a cru et ce qu'il a vu. Sur ce qui l'a mené à être celui qu'on appelle le traître.
Après Apparition dans le ciel de Berlin-est, le scénariste américain Jeff Loveness propose sa vision du vilain le plus célèbre; Judas Iscariote. Dans cet album, paru aux USA en 2018, il raconte sa traversée des enfers, sa rencontre avec Lucifer et il fait appel à ses souvenirs, au sens de l'Histoire, à ce qui a fait de lui ce qu'il fallait qu'il soit.
Je dois dire que j'avais depuis longtemps coché cet album par la seule présence de Jakub Rebelka au dessin. Sa prestation dans Le dernier jour de Howard Phillips Lovecraft était saisissante et je me réjouissais de le retrouver. Que dire ? Chaque page est impressionnante, vivante, puissante. Quel talent !
Judas est bien le coup de cœur que j'espérais... Et quel bonheur de sentir qu'une maison d'édition prépare un livre avec un tel soin, une telle volonté de faire plaisir au lecteur, merci 404 !
Patient: Howard Phillips Lovecraft, 46 ans, admis le 10 mars 1937 pour troubles digestifs, douleurs intenses, sommeil et alimentation impossibles.
Diagnostic: Cancer de l'intestin grêle en phase terminale.
Derrière cette très belle couv se cache le récit fictif des dernières heures de l'écrivain célèbre pour ces récits fantastiques et horrifiques. Le romancier Romuald Giulivo s'appuie sur une documentation riche pour nous faire partager les dernières errances d'un Lovecraft sous morphine. Celui qui a écrit un carnet quotidien jusqu'au dernier moment voit défiler sa vie: ses personnages, son ex-femme Sonia, ses pairs auteurs,...
Le récit s'appuie sur des planches éblouissantes de Jakub Rebelka. Ses dessins, ses peintures sont incroyables, entre le rouge onirique et sanguinaire et le gris de la chambre de l'hôpital de Providence. Une performance remarquable, sans la moindre tentacule (!), entrecoupée de lettres de celui qui a tenu de nombreuses relations épistolaires.
Ces dernières heures brossent le portrait d'un homme torturé, qui attend la mort avec un certain soulagement, qui porte un regard désabusé sur lui-même, son racisme et son antisémitisme, son regard cynique sur l'humanité...
L'épilogue de François Bon et le cahier graphique (dingue !) apportent un point final à un livre superbe, puissant qui n'est pas réservé aux fans de Lovecraft, loin de là. La preuve, c'est un gros coup de cœur pour moi !
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