"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Qu'a-t-il bien pu se passer dans cette chambre du palace pendant l'heure où le couple était seul ? La version de Damien Bassancourt ne varie pas d'un iota : alcool pour Margot qui en arrivant était déjà ivre, dispute, diverses chutes pour elle dues à sa titubation... Tout pousse à croire à la version du mari, le suicide. Les interrogatoires des témoins (réceptionniste et barman), des amis du couple, des personnes les connaissant confirment les addictions de Margot, ses sautes d'humeur, ses emportements, ses amants. Mais les preuves scientifiques sont là, incontournables, qui prouvent en partie les dires du mari mais infirment les autres.
La patience, l'écoute et le sens du détail et de la déduction de Nazer Baron sont mis à rude épreuve. Le travail de fourmi des policiers, dans les rues de Saint-Malo, avec les moyens techniques actuels lui fournissent de la matière.
Sans doute un peu long dans les premières pages qui rappellent de nombreuses fois les faits, si bien qu'on a le détail en tête, ce roman policier penche vers Simenon pour l'ambiance, la stature de Baron, mais vient aussi inévitablement à l'esprit Gaston Leroux et Le mystère de la chambre jaune et un huis-clos mystérieux.
Hervé Huguen construit son roman habilement et subtilement, embrouillant le lecteur qui ne sait plus qui ou que croire. C'est fin, bien amené et comme toujours avec Nazer Baron, un très bon moment. Et puis, un commissaire qui écoute Bill Deraime (Un dernier blues avant de partir) est forcément un type bien.
Hervé Huguen, ex-avocat qui se consacre à l'écriture de romans policiers a créé Nazer Baron et son équipe, il y a déjà 22 tomes (qui se lisent indépendamment les uns des autres). J'en ai chroniqué quelques uns et je vais sans doute me répéter si je dis qu'il y a en Nazer Baron du Maigret. Il consulte, interroge, écoute, observe, s'imprègne des lieux, des gens, de la situation et tout cela infuse jusqu'au moment où le déclic ou un détail permet l'éclairage. "Il avait les yeux vides, une manière à lui de s'imprégner de ce qui l'entourait sans réfléchir. Sans interpréter. Ce temps-là viendrait plus tard, lorsqu'il aurait stocké dans sa mémoire l'utile et l'inutile, un fatras d'informations dans lesquelles il finirait par faire le tri. Alors, il jetterait beaucoup et ne conserverait que l'essentiel. Il ne doutait pas d'y arriver." (p.158)
Baron c'est un discret qui n'élève pas la voix, il laisse ses collègues faire, et notamment le commandant Arneke en qui il a une confiance totale, ils se comprennent à demi-mot. Hervé Huguen écrit des romans policiers loin de la fureur et du bruit. Point de cascades, de poursuites insensées de voitures ou de tout autre engin motorisé, surtout lorsque comme ici, il enquête dans la bourgeoisie d'une grande ville de province. Il décrit des gens bien sous tout rapport, qui cachent des secrets, des jalousies, des amitiés de façade très proches d'inimitiés réelles... Il avance par petites touches, délicatement du cool jazz en fond sonore. Et le tout se lit avec un plaisir évident, un soir d'hiver au coin d'un feu. Et si on est au printemps, en été ou automne et qu'on n'a pas de feu, ça le fait aussi.
Resituant à merveille son décor comme son contexte pour une immersion des plus appréciables, l’auteur nous entraîne au cœur d’une intrigue peut-être classique mais prenante et bien ficelée.
Mêlant les deux histoires en adoptant une structure narrative plutôt originale et accrocheuse, l’auteur maintient remarquablement le suspense d’un bout à l’autre du récit jusqu’à un dénouement assez inattendu.
Trop peu étoffés à mes yeux pour que je puisse m’y attacher, les personnages n’en demeurent pas moins intéressants et sympathiques, aussi je serais curieuse de retrouver le Commissaire Baron pour de prochaines aventures.
L’auteur n’en fait pas trop ni trop peu, sa plume est fluide, agréable, son style simple, soigné, promesse d’un bon moment de lecture.
(Lu en juillet 2022)
Chronique complète : https://deslivresetmoi7.fr/2022/08/chroniques-2022-dernier-concert-a-vannes-de-herve-huguen.html
Tome 20 des enquêtes de Nazer baron, ce flic à l’humeur égale, qui écoute, entend, observe, s'appuie sur son collègue le commandant Hubert Arneke qui fonctionne de la même manière. Ils se déplacent chez les gens, voient leurs intérieurs, leurs attitudes, leurs hésitations. Et cette fois-ci, ils sont bien obligés tant l'habitant des Monts d'Arrée est un taiseux, il faut presque lui arracher les mots de la bouche. Lorsque les flics sentent que l'enquête sur la disparition est liée à la mort de la jeune femme quinze ans plus tôt et peut-être même à une autre affaire encore plus ancienne, il va leur falloir des trésors de patience pour tenter de tout relier et de comprendre ce qui a pu se passer. Nazer Baron agit à la façon d'un Maigret, sans hausser le ton "Il ne pensait rien. Il avait une logique singulière, une sorte d'anarchie permanente dans le cerveau, un chaos d'idées à la remorque desquelles il traînait ses intuitions. Elles guideraient ses choix plus tard." (p.129).
Les romans de Hervé Huguen sont lents, se déroulent souvent dans les régions et sous des climats peu favorables aux épanchements. L'atmosphère est pesante, ouateuse, humide et froide. Il ne décrit pas la Bretagne riante, mais celle qui se mérite, celle des villages reculés où un étranger est presque celui qui vient du village d'à-côté. C'est toujours fin, très bien mené, sans rebondissement qui serait sans doute malvenu, mais le suspense est là jusqu'au bout. Des phrases courtes, une histoire solidement bâtie, une petite pique au passage à un certain journalisme qui tend à se répandre : "Il savait faire. Fouiller des archives et croiser des données, interroger des témoins, ne pas se contenter de Wikipédia pour développer une thèse mais se forger sa propre idée avec un minimum d'esprit critique." (p.35)
Des réalisateurs inspirés pourraient tirer une bonne série des livres d'Hervé Huguen, comme de beaucoup des parutions de Palémon.
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