Douze enquêtes d'autant plus saisissantes qu'elles décrivent des faits réels...
Douze enquêtes d'autant plus saisissantes qu'elles décrivent des faits réels...
Je pense que l'on ne présente plus David Grann. Si vous avez échappé à ses livres ces dernières années, vous n'avez pas pu les dernières semaines échapper à la bande annonce du dernier Scorsese, Killers of the flower moon, adaptation de la note américaine écrit par l'auteur. Il n'y a vraiment rien d'étonnant à ce que Hollywood s'empare des histoires de David Grann. Parce qu'il a le don pour trouver des histoires folles, des histoires vraies et pour les raconter de façon à ce qu'on les vive pleinement. le maitre de la non fiction américaine, génie narratif, nous le prouve une fois de plus avec « Les naufragés du Wager ».
Le Wager est un vaisseau britannique du XVIIIe siècle, parti avec d'autres navires, en pleine guerre contre l'Espagne, piller la flotte de l'ennemi. Mais le difficile passage du Cap Horn va rebattre les cartes… David Grann nous amène vivre la vie de ces marins (parfois malgré eux). Les tempêtes, la promiscuité, les naufrages, la maladie, la faim. En journaliste scrupuleux il a décortiqué toutes les sources existantes pour retracer le parcours totalement dingue de ceux qui sont monté à bord du Wager. le lecteur ne ratera rien de cette tragédie maritime. Il parait qu'il lui a fallu 7 ans pour écrire ce livre, et vu la somme d'informations qu'il contient, ça me semble presque peu.
Ça pourrait être un grand roman d'aventure, ça pourrait être un livre d'histoire sauf que c'est le meilleur du journalisme littéraire.
Suite à la sortie du film Killers of the Flower Moon, les éditions Globe ont réédité, en octobre dernier, La Note américaine de David Grann en édition de luxe, celle que j’ai eu le plaisir de lire et dont je vais vous parler aujourd’hui.
Il n’y a pas seulement du texte issu de la longue et fastidieuse enquête de l’auteur afin de retranscrire les faits ignobles commis envers les Osages, ce peuple indien qui s’est vu cantonné (pour ne pas dire parqué) en Oklahoma sur des terres arides dont aucun blanc ne voulait. Il y a également des photos d’archives qui nous font vivre plus intensément encore les évènements. Mettre un visage sur un nom et mettre un paysage sur un lieu, c’est, ici, s’ancrer pleinement au cœur de la tragédie et décupler nos émotions.
Comment ne pas ressentir de la tristesse face à ce qu’ont subi les Osages ? Comment ne pas haïr ces Hommes blancs assoiffés de pouvoir et de richesse, capables de tout pour parvenir à leurs fins ? C’est en effet une histoire réelle bien sombre qui est mise en lumière par David Grann.
Tout commence lorsque, comble de l’ironie, les terres attribuées aux Osages se révèlent finalement être des « mines » à pétrole, ce qui les rendra immensément riches. La jalousie ne tarde pas à tourner la tête à certains blancs qui commettront les pires agissements. Mariages avec des femmes osages, manipulations, meurtres, empoisonnements, mises sous curatelle…
Nous suivons les enquêtes menées par le Bureau Of Investigation qui deviendra quelques années plus tard le FBI que l’on connaît tous. Elles font suite aux premières investigations (si l’on peut les appeler ainsi…) locales qui n’ont, étrangement, rien donné. Désormais, les enquêteurs dont Tom White, feront tout leur possible pour résoudre cette terrible affaire et lever le voile sur les personnes à l’origine des sombres années de celui que l’on nomme le Règne de la terreur.
David Grann, suite à une multitude de recherches et aux rencontres avec certains descendants des personnes assassinées, reconstitue les faits, essaie de dénouer les fils et mettre au jour la vérité. Le travail est colossal et il doit composer avec les manquements de l’histoire. Nous en apprenons beaucoup et même si j’ai parfois dû me concentrer pour m’y retrouver (de multiples histoires et personnes se succèdent), tout cela est aussi intéressant que révoltant. Grâce à ce livre, c’est un pan de l’histoire américaine qui ne tombe pas dans l’oubli, et c’est d’une importance capitale.
En bref, La Note américaine fait partie de ces indispensables qui grave l’histoire des Hommes à jamais. Grâce au travail acharné de l’auteur, les meurtres des Osages, les traitements qui leur ont été infligés pendant toutes ces années ne sont pas tus. C’est un hommage à ce peuple indien qui a tant souffert.
Merci à Babelio pour cette Masse Critique Non-fiction ainsi qu’aux éditions Globe.
Egalement sur mon blog avec photos : https://ducalmelucette.wordpress.com/2024/03/01/lecture-killers-of-the-flower-moon-la-note-americaine-par-david-grann/
Aux Etats-Unis dans les années 1920, la plupart des tribus indiennes ont été décimées ou parquées dans des réserves dans lesquelles elles s’éteignent lentement. Une exception toutefois, les Osages. Un territoire leur a été donné en Oklahoma. Or, il se trouve que ce terrain est un réservoir à pétrole. Les Osages, qui profitent de ces gisements, sont donc devenus riches. Mais bientôt des morts suspectes surviennent : exécution, explosion, empoissonnement... Les meurtres se multiplient. Qui est responsable ? Dans quel but ?
L’enquête menée par la police locale piétine, les résultats se font attendre et la psychose s’installe au sein de la tribu. Les investigations vont alors être confiées aux équipes d’une certain Edgar J. Hoover et à ce qui s’annonce comme les prémices du FBI.
Alerte chef-d'œuvre ! Oui, n’ayons pas peur des mots, nous sommes ici en présence d’un bijou. Ce livre, que les Editions Globe ont réédité dans une version de luxe au mois d’octobre pour accompagner la sortie du film de Martin Scorsese, est tout simplement addictif.
David Grann a mené une enquête colossale pour retracer cette période noire de l’histoire américaine et nous emmener au cœur des investigations autour de ces crimes. Il a regroupé une somme astronomique de documents, d’archives et de témoignages (le récapitulatif des sources en fin de volume ne fait pas moins de 25 pages !).
L’ensemble se lit comme un polar, avec des rebondissements, des fausses-pistes, des secrets. Au centre du récit, une famille Osage dont tous les membres sont victimes de meurtres et dont il reste une survivante, Mollie et un enquêteur investi dans sa mission, Tom White appartenant au BOI (Bureau of Investigation), ancêtre du FBI.
C’est passionnant par ce que cela raconte de l’histoire des Etats-Unis et des populations indiennes victimes des pionniers et de l’Etat Américain. Par l’ampleur de la machination révoltante qui a finalement été révélée après des années d’entêtement des familles et des équipes de Tom White. Mais c'est aussi une mine d’informations sur la naissance de nouvelles façons d’enquêter et sur ce personnage quasi légendaire qu’est devenu Hoover, directeur du FBI pendant trente-sept ans et sur sa volonté de toute puissance dont on peut voir les débuts ici.
La dernière partie du récit nous emmène à la rencontre des descendants des victimes du terrible complot qui eut lieu presque 100 ans plus tôt. Une occasion pour David Grann d’explorer les traces que ces évènements ont laissé chez ces arrière-petits-enfants. L’amertume, la méfiance voire parfois la colère qui continue de les habiter. Il était indispensable d’avoir cette conclusion qui nous ramène à notre monde contemporain et qui montre que l’Amérique n’en a pas fini avec ses fantômes et son passé.
A lire absolument, en version de luxe ou pas !
Nul besoin d’inventer pour écrire des histoires plus extraordinaires que les plus formidables des fictions : le journaliste et écrivain américain David Grann, plébiscité et adapté par les plus grands noms du cinéma outre-Atlantique, a l’art d’exhumer de la réalité des aventures à ce point incroyables qu’il lui faut se battre, armé de l’irréprochable rigueur de sa documentation et de la précision sans concession de sa plume, pour que leur narration en paraisse plausible.
Il lui aura donc fallu cinq ans d’un minutieux travail d’enquête, à recouper les documents de l’époque, journaux de bord et rapports maritimes, à explorer ouvrages et précis de marine, de chirurgie ou encore d’horlogerie, sans compter les études universitaires sur Stevenson, Melville et Byron – les premiers s’étant inspiré de cette histoire pour leurs romans, le dernier des récits de son grand-père rescapé du naufrage –, à se rendre sur place aussi, sur l’île Wager – ce bout de terre désolée, battue par les tempêtes du Pacifique Sud au large de la Patagonie, où subsistent encore des traces du navire perdu –, pour insuffler la vie dans un récit époustouflant, aussi vrai que nature.
En 1740, le Wager et ses deux cent cinquante hommes appareillent au sein d’une petite escadre de la Couronne britannique, avec pour mission la capture d’un galion espagnol revenant des Indes chargé d’or. Retardée par les avanies d’un recrutement si difficile qu’il a fallu rafler l’équipage parmi les indigents, les repris de justice et les vétérans malades ou estropiés, l’expédition aborde l‘enfer du Cap Horn à la pire des saisons. Drossé sur les rochers d’un bout de terre surgi des ouragans, le Wager se disloque, laissant miraculeusement la vie sauve à une partie de l’équipage et de ses officiers. Habitués à la vie infernale du « monde de bois », cette prison flottante coupée du monde où sévissent sans merci promiscuité, épidémies – typhoïde, typhus, scorbut – et autorité de fer, les survivants vont pourtant passer, sur leur île déserte, par tous les cercles imaginables de l’enfer. Mutinerie, cannibalisme, meurtre, jalonneront les quelque six mois de la terrible robinsonnade, avant que le groupe, scindé en différentes factions, ne trouve le moyen d’embarquer sur des gréements de fortune pour plus d’un an d’une navigation hagarde vers la civilisation. La poignée de fantômes méconnaissables et à peine humains que le monde stupéfait verra surgir d’un presque au-delà n’en auront pour autant pas fini de se battre pour défendre leur peau. Commencera alors en effet l’heure des comptes, ceux à rendre à la Justice de l’Amirauté au regard de l’impitoyable code maritime britannique. Et l’on ne badine pas, ni avec l’abandon de poste, ni avec la mutinerie…
Loin de la seule restitution journalistique d’une colossale enquête mais sans pour autant s’autoriser la moindre facilité romanesque, la narration s’anime d’une vie qui se nourrit de la puissance d’évocation d’un style net et précis, capable de rendre en quelques mots le grain d’une atmosphère ou d’une situation. Sur un rythme vif et fluide superbement servi par la traduction de Frédérik Hel Guedj, le souffle du récit emporte ainsi le lecteur dans la découverte, passionnante de bout en bout, non pas seulement d’un fait divers hors du commun, mais d’un pan historique édifiant à bien des égards. A travers le microcosme du navire, condensé flottant de l’organisation d’une société et des rapports humains, délégation d’une « civilisation » avide et pressée de piller le monde par tous les moyens – assujettissement barbare de ses propres hommes, piraterie, anéantissement des peuples autochtones comme les malheureux Kaweskars des chenaux de Patagonie également évoqués par Jean Raspail dans Qui se souvient des hommes –, enfin espace clos où, pour leur survie, des hommes se font plus sauvages que des bêtes fauves, c’est un miroir bien peu flatteur que nous tend cette sinistre tragédie. Les autorités de l’époque ne s’y sont d’ailleurs pas trompées, qui ont étouffé l’affaire alors qu’elle faisait sensation, déjà à coup de « fake news » démultipliées par la publication des différentes versions de chaque protagoniste…
Après l’hallucinant The White Darkness, qui nous emmenait dans une mortelle traversée pédestre du contient antarctique, cette nouvelle et tout aussi véridique aventure se lit, elle aussi, le souffle suspendu, fasciné par cette réalité dépassant la plus débridée des imaginations. David Grann est aujourd’hui aux Etats-Unis une star du récit de non-fiction. Gageons que cette réputation ne sera pas démentie de ce côté de l’Atlantique. Coup de coeur.
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