"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
En 1740, le vaisseau de ligne de Sa Majesté le HMS Wager, deux cent cinquante officiers et hommes d'équipage à son bord, est envoyé au sein d'une escouade sous le commandement du commodore Anson en mission secrète pour piller les cargaisons d'un galion de l'Empire espagnol. Après avoir franchi le cap Horn, le Wager fait naufrage.
Une poignée de malheureux survit sur une île désolée au large de la Patagonie. Le chaos et les morts s'empilant, et face à la quasi-absence de ressources vitales, aux conditions hostiles, certains se résolvent au cannibalisme, des mutineries éclatent, le capitaine commet un meurtre devant témoins. Trois groupes s'affrontent quant à la stratégie à adopter pour s'en échapper. Alors que tout le monde croyait que l'intégralité de l'équipage du Wager avait disparu, un premier groupe de vingt-neuf survivants réapparaît au Brésil deux cent quatre-vingt-trois jours après la catastrophe maritime. Puis ce sont trois rescapés de plus qui atteignent le Brésil trois mois et demi plus tard. Mais une fois rentrés en terres anglicanes, commence alors une autre guerre, des récits cette fois, afin de sauver son honneur et sa vie face à l'Amirauté et au grand public.
Reconstitution captivante d'un monde disparu, Les Naufragés du Wager de David Grann est un formidable roman d'aventures et une réflexion saisissante sur le sens des récits. Un grand livre par l'un des maîtres de la littérature du réel.
Je pense que l'on ne présente plus David Grann. Si vous avez échappé à ses livres ces dernières années, vous n'avez pas pu les dernières semaines échapper à la bande annonce du dernier Scorsese, Killers of the flower moon, adaptation de la note américaine écrit par l'auteur. Il n'y a vraiment rien d'étonnant à ce que Hollywood s'empare des histoires de David Grann. Parce qu'il a le don pour trouver des histoires folles, des histoires vraies et pour les raconter de façon à ce qu'on les vive pleinement. le maitre de la non fiction américaine, génie narratif, nous le prouve une fois de plus avec « Les naufragés du Wager ».
Le Wager est un vaisseau britannique du XVIIIe siècle, parti avec d'autres navires, en pleine guerre contre l'Espagne, piller la flotte de l'ennemi. Mais le difficile passage du Cap Horn va rebattre les cartes… David Grann nous amène vivre la vie de ces marins (parfois malgré eux). Les tempêtes, la promiscuité, les naufrages, la maladie, la faim. En journaliste scrupuleux il a décortiqué toutes les sources existantes pour retracer le parcours totalement dingue de ceux qui sont monté à bord du Wager. le lecteur ne ratera rien de cette tragédie maritime. Il parait qu'il lui a fallu 7 ans pour écrire ce livre, et vu la somme d'informations qu'il contient, ça me semble presque peu.
Ça pourrait être un grand roman d'aventure, ça pourrait être un livre d'histoire sauf que c'est le meilleur du journalisme littéraire.
Nul besoin d’inventer pour écrire des histoires plus extraordinaires que les plus formidables des fictions : le journaliste et écrivain américain David Grann, plébiscité et adapté par les plus grands noms du cinéma outre-Atlantique, a l’art d’exhumer de la réalité des aventures à ce point incroyables qu’il lui faut se battre, armé de l’irréprochable rigueur de sa documentation et de la précision sans concession de sa plume, pour que leur narration en paraisse plausible.
Il lui aura donc fallu cinq ans d’un minutieux travail d’enquête, à recouper les documents de l’époque, journaux de bord et rapports maritimes, à explorer ouvrages et précis de marine, de chirurgie ou encore d’horlogerie, sans compter les études universitaires sur Stevenson, Melville et Byron – les premiers s’étant inspiré de cette histoire pour leurs romans, le dernier des récits de son grand-père rescapé du naufrage –, à se rendre sur place aussi, sur l’île Wager – ce bout de terre désolée, battue par les tempêtes du Pacifique Sud au large de la Patagonie, où subsistent encore des traces du navire perdu –, pour insuffler la vie dans un récit époustouflant, aussi vrai que nature.
En 1740, le Wager et ses deux cent cinquante hommes appareillent au sein d’une petite escadre de la Couronne britannique, avec pour mission la capture d’un galion espagnol revenant des Indes chargé d’or. Retardée par les avanies d’un recrutement si difficile qu’il a fallu rafler l’équipage parmi les indigents, les repris de justice et les vétérans malades ou estropiés, l’expédition aborde l‘enfer du Cap Horn à la pire des saisons. Drossé sur les rochers d’un bout de terre surgi des ouragans, le Wager se disloque, laissant miraculeusement la vie sauve à une partie de l’équipage et de ses officiers. Habitués à la vie infernale du « monde de bois », cette prison flottante coupée du monde où sévissent sans merci promiscuité, épidémies – typhoïde, typhus, scorbut – et autorité de fer, les survivants vont pourtant passer, sur leur île déserte, par tous les cercles imaginables de l’enfer. Mutinerie, cannibalisme, meurtre, jalonneront les quelque six mois de la terrible robinsonnade, avant que le groupe, scindé en différentes factions, ne trouve le moyen d’embarquer sur des gréements de fortune pour plus d’un an d’une navigation hagarde vers la civilisation. La poignée de fantômes méconnaissables et à peine humains que le monde stupéfait verra surgir d’un presque au-delà n’en auront pour autant pas fini de se battre pour défendre leur peau. Commencera alors en effet l’heure des comptes, ceux à rendre à la Justice de l’Amirauté au regard de l’impitoyable code maritime britannique. Et l’on ne badine pas, ni avec l’abandon de poste, ni avec la mutinerie…
Loin de la seule restitution journalistique d’une colossale enquête mais sans pour autant s’autoriser la moindre facilité romanesque, la narration s’anime d’une vie qui se nourrit de la puissance d’évocation d’un style net et précis, capable de rendre en quelques mots le grain d’une atmosphère ou d’une situation. Sur un rythme vif et fluide superbement servi par la traduction de Frédérik Hel Guedj, le souffle du récit emporte ainsi le lecteur dans la découverte, passionnante de bout en bout, non pas seulement d’un fait divers hors du commun, mais d’un pan historique édifiant à bien des égards. A travers le microcosme du navire, condensé flottant de l’organisation d’une société et des rapports humains, délégation d’une « civilisation » avide et pressée de piller le monde par tous les moyens – assujettissement barbare de ses propres hommes, piraterie, anéantissement des peuples autochtones comme les malheureux Kaweskars des chenaux de Patagonie également évoqués par Jean Raspail dans Qui se souvient des hommes –, enfin espace clos où, pour leur survie, des hommes se font plus sauvages que des bêtes fauves, c’est un miroir bien peu flatteur que nous tend cette sinistre tragédie. Les autorités de l’époque ne s’y sont d’ailleurs pas trompées, qui ont étouffé l’affaire alors qu’elle faisait sensation, déjà à coup de « fake news » démultipliées par la publication des différentes versions de chaque protagoniste…
Après l’hallucinant The White Darkness, qui nous emmenait dans une mortelle traversée pédestre du contient antarctique, cette nouvelle et tout aussi véridique aventure se lit, elle aussi, le souffle suspendu, fasciné par cette réalité dépassant la plus débridée des imaginations. David Grann est aujourd’hui aux Etats-Unis une star du récit de non-fiction. Gageons que cette réputation ne sera pas démentie de ce côté de l’Atlantique. Coup de coeur.
On entend régulièrement parler de l’appel du large, de cette nécessité pour celles et ceux qui l’on ressenti de retourner en mer, loin de la terre ferme.
Pour autant, difficile de partager ce besoin après la lecture de ce livre de David Grann.
Partons pour un voyage dans le temps, en 1740 exactement. L’Angleterre et l’Espagne sont en conflit, pour différents prétextes fallacieux, mais surtout pour étendre leur empire colonial et régner sur le commerce international.
C’est dans ce contexte qu’un navire, le HMS Wager est envoyé avec d’autres bateaux pour intercepter un navire espagnol empli d’or et d’argent. Mais pour ce faire, ils vont devoir passer une zone crainte à juste titre de tous les marins : le Cap Horn.
Et ce qui devait arriver, arriva : naufrage pour le Wager. Les survivants se retrouvent sur une terre inhospitalière, sans beaucoup de ressources. Mais surtout avec un terrible constat : le vernis de la civilisation n’est rien qu’une couverture et à la première difficulté, les règles sociales sautent et c’est le début des conflits entre les marins échoués.
Ce livre est le récit d’une histoire vraie, le Wager a bien coulé et les survivants ont dû affronter bien des tourments avant, pour une infime minorité, de retrouver leur terre natale.
David Grann reconstitue avec minutie, en se basant sur les récits des survivants, ce qui est arrivé à ce groupe d’hommes. Et pour autant, aucune lourdeur, le livre est trépidant, sans aucun temps mort.
Il donne une version plus que réaliste de la vie à bord d’un navire de cette époque : scorbut, promiscuité, hygiène déplorable, enrôlement forcé…
Mais surtout, il redonne une voix et parle des oubliés de l’histoire des grands empires : les peuples considérés comme sauvages, réduits en esclavage, opprimés et annihilés, les marins enrôlés de force, ceux que l’histoire n’a pas su écouté.
Ce récit est aussi d’une grande modernité : que faire, que reste-t-il quand les épreuves nous conduisent à affronter les tréfonds de l’âme humaine ?
Un coup de cœur que je vous invite à découvrir de toute urgence !
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