Le réel est plus incroyable que la fiction, la preuve par Le Diable et Sherlock Holmes (ed. du Sous-sol) de David Grann, douze enquêtes comme autant de nouvelles saisissantes, toutes garanties 100% réelles.
A première vue, on se dit qu’une enquête journalistique ne fait pas un recueil de nouvelles, mais plutôt un document. Ici ce ne sera pas le cas. David Grann est un maître en narrative journalism, un genre qui consiste à raconter le réel comme on raconterait une histoire, sans en rabattre sur les faits, mais avec une langue, un sens du suspense qui font courir le lecteur.
Dans Le Diable et Sherlock, David Grann a rassemblé une douzaine de ses meilleures enquêtes criminelles publiées dans des revues comme le New Yorker ou The Atlantic, qui raffolent de ce journalisme au temps long que maîtrisent si bien les Américains.
Ça fonctionne si bien qu’à la lecture, on ne se rend à peine compte qu’on est en train d’apprendre sur son époque. Exemple avec la nouvelle The Brand, qui retrace le fonctionnement du gang le plus dangereux des Etats-Unis sévissant… depuis les pénitenciers les plus sensibles, et plus exactement dans les quartiers de haute sécurité de ces prisons. Grann raconte comment le réseau s’est développé jusqu’à gangrener tout le territoire américain, en une mafia redoutable et déjà renfermée derrière les barreaux censément les plus inviolables.
Le journaliste s’intéresse à tous les sujets, privilégiant les enquêtes criminelles, leur appliquant le même rituel : enquête, rigueur, vérification, narration. C’est ainsi qu’il raconte l’histoire du pompier du 11 septembre retrouvé amnésique dans les décombres des Twin Towers, et qui ne cessera de vouloir savoir s’il a réussi à sauver des vies avant de sauver la sienne. Ou encore celle de Frédéric Bourdin, un Français connu sous le nom du Caméléon, capable d’emprunter les identités d’adolescents disparus dans plusieurs pays du monde, juste pour vivre une belle histoire de famille.
Sans oublier Sherlock Holmes, qu’on retrouve dans le titre et qui est le héros silencieux de la première nouvelle. Sherlock est sans doute le seul personnage de fiction qui a réussi à traverser le papier pour s’inscrire dans le réel. Allez donc faire un tour dans les archives de la légion d’honneur, à Paris, et vous y trouverez la curieuse mention d’un S. Holmes décoré du « vivant » de Sherlock. La nouvelle éponyme raconte comment Richard Lancelyn Breen, l’expert holmésien le plus réputé qui dirigeait la Sherlock Holmes Society of London, est assassiné alors qu’il est sur le point de retrouver les documents disparus de Conan Doyle.
Dans ce recueil David Grann joue à montrer de façon éclatante que le journalisme sait être un art, et que le réel est toujours plus inconcevable, incongru, inventif que ne l’est la fiction.
Super chronique, je me le note !!
Bonjour. De véritables enquêtes policières sous forme de nouvelles c'est vraiment une bonne idée .je vais noter ce livre dans mon carnet de lecture pour un achat futur. Merci pour cet article qui donne envie.
Cette chronique donne envie de découvrir ce roman et ses enquêtes réelles! Merci Karine!
Le fait que ça soit réel doit ajouter une certaine dimension au roman, très envie de découvrir ce que ça peut donner :)
Ces chroniques publiées dans les journaux aux US fut longtemps l'accessibilité d'une certaine littérature d'actualité à un grand nombre. De grand romans sont nés dans les colonnes de certains hebdo très connus. Des histoires de grands criminels au autres, j'adore l'idée
Bonjour, merci pour cette bonne et intéressante chronique. Effectivement ça doit être mortellement passionnant !