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Aurelie Levy

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    Couverture du livre « Queenie, la marraine de Harlem » de Elisabeth Colomba et Aurelie Levy aux éditions Anne Carriere

    Romain Ambrosini sur Queenie, la marraine de Harlem de Elisabeth Colomba - Aurelie Levy

    Bd.Otaku a tout dit sur cet album.

    Personnellement, je n'ai pas été convaincu par le rythme du récit. Je reconnais que de base, je ne suis déjà pas fervent des biopics et que je n'avais jamais entendu parler de Stéphanie St Clair, c'est maintenant corrigé...

    Bd.Otaku a tout dit sur cet album.

    Personnellement, je n'ai pas été convaincu par le rythme du récit. Je reconnais que de base, je ne suis déjà pas fervent des biopics et que je n'avais jamais entendu parler de Stéphanie St Clair, c'est maintenant corrigé...

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    Couverture du livre « Queenie, la marraine de Harlem » de Elisabeth Colomba et Aurelie Levy aux éditions Anne Carriere

    Bd.otaku sur Queenie, la marraine de Harlem de Elisabeth Colomba - Aurelie Levy

    Quand on évoque la pègre au temps de la prohibition aux Etats-Unis, tout le monde pense à Al Capone ou à Lucky Luciano qui apparaissent dans maints romans, films ou bandes dessinées mais qui citerait Stéphanie Saint-Clair ? Or, cette dernière d’origine martiniquaise émigra aux USA et s’imposa à...
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    Quand on évoque la pègre au temps de la prohibition aux Etats-Unis, tout le monde pense à Al Capone ou à Lucky Luciano qui apparaissent dans maints romans, films ou bandes dessinées mais qui citerait Stéphanie Saint-Clair ? Or, cette dernière d’origine martiniquaise émigra aux USA et s’imposa à Harlem comme la reine des Numbers, la loterie clandestine. Elle fut « la banquière » : elle prenait les paris, rémunérait les éventuels gagnants et surtout empochait les bénéfices et, tandis que les bandes mafieuses rivales s’entretuaient, elle réussit toujours à sortir son épingle du jeu et amassa une immense fortune. Les autrices Elisabeth Colomba et Aurélie Levy réparent cet oubli et redonnent sa place à « la marraine de Harlem » surnommée Queenie dans un somptueux roman graphique de 176 pages paru aux Éditions Anne Carrière.
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    Elles choisissent de se concentrer sur l’année charnière 1933. Pourquoi ? Parce que cela marque la fin de la Prohibition quand les mafieux notoires doivent se reconvertir car l’argent de l’alcool se tarit. Alors, l’affaire florissante de « numbers » de Stéphanie suscite la convoitise des malfrats et en particulier de Dutch Schultz qui lui déclare la guerre. Elle va devoir ruser pour survivre dans ce milieu d’hommes violents où l’on tire d’abord et on discute ensuite ! Cette concentration donne un rythme et de la tension puisque l’héroïne est pressée par le temps et évite ainsi l’écueil d’une biographie linéaire. L’album ressemble à une grande saga de gangsters et oscille entre polar et biopic.
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    On trouve ce côté polar dans l’utilisation du noir et du blanc qui donne à l’album la « patte » d’un film mythique hollywoodien façon Howard Hawks ou Preminger avec une élégance racée dans son utilisation de la ligne claire et d’un trait réaliste. On retrouve aussi un peu du Miller de « Sin City » dans son jeu d’ombres et de lumières. Certaines doubles pages sont également des clins d’œil au 7 e art et se présentent comme une séquence de film muet (« comment faire tourner un business de paris illégaux ») ou font preuve d’inventivité en prenant la forme d’un plateau de Monopoly. (« la manière Schultz »). On reconnaît l’art de la story-boardeuse qu’est Elisabeth Colomba dans cette grande maîtrise du découpage et du cadrage. Les autrices confessent sans façon que, profitant des nombreux « flous » dans la biographie de leur héroïne, elles ont inventé des personnages pour donner également du piment à l’histoire tel ce flic ripou fasciné par Stéphanie.
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    Mais au noir et blanc s’ajoutent également des nuances de gris utilisées pour approfondir l’aspect biographique. Grâce au tramé on reconnaît d’emblée les séquences de flash-backs sur son enfance qui vont expliquer son parcours. Le « gris » qui est ainsi introduit, récuse tout manichéisme : le personnage n’apparait plus ni noir, ni blanc mais tout simplement d’une complexe humanité. L’ensemble est très documenté. On découvre alors des pages passionnantes sur le mouvement de la « Harlem Renaissance » et l’on croise le patron du Cotton Club, l’ancien boxeur Jack Johnson, Thélonious Monk, Duke Ellington, le militant W.E.B Dubois ou encore le photographe James Van Der Zee. La scénariste est également documentariste et ça se voit dans son sens du détail et de la précision historique. Mais en même temps, elle choisit de mythologiser son personnage. Stéphanie St Clair est ainsi présentée comme une super héroïne car elle en a toutes les caractéristiques : elle est orpheline, a un mentor (son patron juif), un costume (elle porte fourrures, vison, chapeau et rang de perles été comme hiver), un don : celui des chiffres et elle choisit de défendre les humbles en œuvrant pour les droits civiques des noirs et en publiant des tribunes dans la presse afin de dénoncer – déjà- les violences policières perpétrées à leur encontre. Mais Aurélie Levy en fait également un personnage retors, vénal et manipulateur qui a tout compris de la force de l’image et du pouvoir des médias et a soif de revanche sociale…
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    On n’a donc pas de victimisation ni d’hagiographie dans cet ouvrage même s’il s’inscrit dans la continuité logique de la démarche de l’artiste peintre Elisabeth Colomba (Martiniquaise exilée à New York comme son héroïne) qui s’attache à restaurer les corps noirs oubliés de l’Histoire et en particulier les figures féminines dans de grands tableaux figuratifs et colorés. Elle avait au départ choisi de représenter Stéphanie Saint Clair sur l’une de ses toiles mais a rapidement jugé que cela ne lui rendrait pas suffisamment justice et décidé d’utiliser la bande dessinée pour pouvoir raconter sa vie au plus grand nombre. Avec son amie Aurélie Lévy, elles ont brillamment relevé ce défi pour leur entrée dans le 9e art (tout comme leur éditeur qui ne publie habituellement pas d’albums). Toutes deux ont choisi également de transcender parfois l’époque en dressant des parallélismes. Elles montrent ainsi combien la situation de Stéphanie St Clair et des Harlemites est semblable à celle des Afro américains du temps de James Baldwin (dont on trouve les propos dans certains dialogues des personnages dans un anachronisme voulu) ou créent des échos lors la scène glaçante de l’attaque du bus par le Klan avec les circonstances de la mort de George Floyd.
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    Sélectionné dans de nombreux prix Bds (Fnac-France Inter, Landerneau …), cet album est à la fois une biographie, un thriller, un documentaire sur un mouvement culturel et artistique, un récit d’émancipation et un manifeste antiracisme. Il devrait également être porté à l’écran puisqu’ un grand studio américain en a déjà acheté les droits. On a hâte de découvrir qui va incarner cette femme hors norme à qui Raphaël Confiant consacra naguère un récit passionnant et foisonnant et que le bédéaste Mikael a choisi également de mettre en scène dans le 3e volet de sa trilogie newyorkaise à paraître en janvier prochain.

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