La cure analytique, la psychanalyse, ça vous parle ou ça vous rebute ? N’en préjugez pas trop. Le nouveau roman de Dominique Dyens, Cet autre amour (Robert Laffont) partage les points de vue, mais fait consensus pour la qualité littéraire. Alors, partant ou pas pour entrer dans le secret du cabinet du psy ?
Une sélection de Karine Papillaud
Pour ?
Le titre de ce livre, Cet autre amour, ne m’a pas interpellée quand je l’ai découvert, parce que je n’aime pas les romances. Puis, j’ai lu la quatrième de couverture une première fois. La narratrice, qui n’est autre que l’autrice elle-même, et que je ne connais pas, entame une psychanalyse suite à un choc violent. Au fil des séances, elle tombe amoureuse de son psychanalyste et décrit dans ce roman le processus du transfert, chose qui m’est totalement inconnu. Je n’étais décidément pas emballée par ce livre ! Quelques jours plus tard, j’ai repris ce livre en main, la couverture me plaisant de plus en plus. J’y vois une femme en désarroi, ou peut-être en pleine rêverie, en tous les cas, elle m’intrigue. Après relecture du résumé, je suis curieuse de ce mécanisme de transfert et me plonge dans la lecture.
L’histoire démarre tout de suite. L’autrice assiste à la « fausse mort » de son mari. C’est un traumatisme qu’elle vit très mal. Son mari, qui a lui-même suivi une thérapie, l’invite à entamer une psychanalyse. D’abord réticente, elle finit par céder quand elle comprend qu’elle met en péril son couple, sa famille et qu’elle ne pourra pas s’en sortir seule.
L’autrice utilise une écriture très fluide, douce, avec des phrases relativement courtes et un vocabulaire parfaitement adapté. Les chapitres sont brefs, ce qui donne une certaine légèreté au récit, on a l’impression de butiner des souvenirs de la narratrice à ses séances et compréhension de ses souvenirs.
On découvre ainsi le mécanisme du transfert, que l’on comprend rapidement, mais on se heurte à l’incompréhension, voire au déni, de la narratrice pour ce processus. J’ai trouvé extrêmement intéressant de voir comment cela a été interprété par l’autrice, quel a été le cheminement de ce transfert, ce que cela peut provoquer, et de se rendre compte aussi que c’est un phénomène normal et perturbant.
Cependant, il n’y a pas que cela dans ce témoignage. La narratrice nous narre des évènements de son enfance, apparemment anodins, mais qui ont finalement eu des répercussions dans sa vie. J’ai aimé passer de ses souvenirs à l’analyse de ses souvenirs mais aussi à ses rêves, suivre sa réflexion sur ces événements et leurs répercussions dans sa vie. Le seul point négatif qui m’a un peu dérangée, sans que cela ne m’ait pour autant gâché la lecture, c’est qu’il n’y a pas vraiment de chronologie. L’autrice raconte une séance six mois après le début de sa psychanalyse avant de revenir sur une séance ayant eu lieu précédemment. Cela n’est pas un problème en soi puisqu’au final cela est cohérent avec sa réflexion mais un peu perturbant.
J’ai donc été happée par la lecture. Il a été difficile de me détacher de ce livre. Je ne lis jamais de témoignages, hormis les témoignages historiques, mais j’ai beaucoup aimé ce livre. Je n’ai pas eu l’impression d’être intrusive dans la vie de l’autrice et j’ai été curieuse d’en apprendre d’avantage sur le mécanisme du transfert.
© Mélanie Duponchel
Ou Contre ?
La narratrice, l'auteur elle-même, mène une vie parfaite avec son mari qu'elle aime depuis 27 ans, quand lors d'un malaise grave ce dernier est laissé pour mort. Elle voit alors son univers basculer. La nouvelle vulnérabilité de cet homme qu'elle admire et qui la protège la terrorise et lui fait perdre tous ses repères. Bien que méfiante, voire même réticente, elle consent à aller voir un psychiatre afin qu'il lui apporte une aide médicamenteuse dans sa mauvaise passe. Mais ce praticien se révèle être un psychanalyste et à son corps défendant elle accepte d'entamer un processus d'analyse. Très rapidement, elle tombe amoureuse de cet homme. Il occupe toutes ses pensées, prend possession de ces rêves : elle découvre de plein fouet le phénomène du transfert.
Tout au long du livre elle va s'efforcer de détailler, voire de disséquer la progression de cette étrange forme d'amour sans réciprocité qui fait naître en elle à la fois euphorie et angoisse. Elle relate également l'envahissement progressif de ce transfert dans son quotidien et le trouble que cela génère. Face à ces bouleversements, elle a le souci de témoigner au plus près de son expérience qu'elle décrit avec une précision quasi chirurgicale.
Dans ce récit très intime, elle évoque également les traumatismes refoulés de son passé que l'analyse fait remonter à sa mémoire et elle explique comment la résurgence d'un événement traumatique l'aidera peu à peu à « guérir » de ce transfert. Enfin, en guise de délivrance elle explique la genèse de ce livre : jusqu'alors très réticente à se livrer ou à mettre des éléments autobiographiques dans ses écrits, cette analyse fera surgir en elle un besoin impérieux de témoigner et changera sa vision de l'écriture.
La langue de Dominique Dyens est belle, chaque mot est juste et l'écriture est fluide. Les chapitres courts accompagnés de titres rendent la lecture aisée. J'ai apprécié la précision de l'écriture et l'aisance, de l'auteur à analyser finement chacun de ses ressentis, chacune de ses émotions aussi versatiles soient-elles (« C'est à ce moment-là que je comprends que notre relation, dont j'ai longtemps cru qu'elle demeurerait unilatérale, revêt en réalité une réciprocité jusque dans son assymétrie, et que c'est ce qui la rend unique et paradoxale »).
Mais cela n'a pas suffi hélas à me rendre ce livre intéressant. J'ai trouvé ennuyeuse cette longue introspection et je n'ai pas trouvé d'intérêt dans cette lente description du processus de l'analyse et des émois si particuliers produits par le transfert. A aucun moment, je n'ai réussi à m'intéresser vraiment à ce récit ou à ressentir de l'empathie pour l’héroïne. J'ai trouvé cette lecture trop autocentrée et j'ai parfois même été gênée par certains passages qui m'ont paru presque impudiques. Peut-être tout simplement ne suis-je pas le « bon public » pour cet ouvrage étant moi-même trop étrangère au monde de la psychanalyse ?
Tout naturellement, c'est un livre que je recommanderai aux analysants, aux analystes ou à ceux tentés par ce long cheminement.
© Florence Mur
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Merci Karine d'avoir mis en lumière ma chronique. J'en suis toute émue...