Vous aviez envie de les lire, pas encore eu le temps ? Allez, c'est le moment...
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Cette semaine, nos deux explorateurs ont lu L’ombre de nos nuits de Gaëlle Josse (Noir sur blanc)
L'introduction de ce roman est tellement empreint de nostalgie ! Les derniers jours d'Ellis Island, puis la retraite à venir pour le directeur, le dernier gardien, dans l'appartement de Brooklyn hérité de ses parents avec tous leurs souvenirs incrustés par tant d'années qui pourtant semblent si peu importants à côté de la fermeture de ce lieux plein de l'histoire des États-Unis : "Encore neuf jours à errer dans les couloirs vides, les étages désaffectés, les escaliers désertés, les cuisines, l'infirmerie, le grand hall où depuis longtemps seuls mes pas résonnent."
Ce lieu est rempli de fantômes, de tous ces migrants arrivés là après des semaines en mer, observés, scrutés, et pour certains, marqués à la craie, d'une lettre, une unique lettre qui correspond à la partie du corps soupçonnée d'être malade. Cette marque qui leur refusera peut-être l'entrée sur cette terre de tous les possibles. Pour les autres, vingt-neuf questions, déterminantes.
Pendant quarante-cinq ans cet homme a vécu là, a vu passer quantité d'êtres humains ayant abandonné une vie pour une autre. Il est le détenteur de la mémoire de ces lieux et de ces êtres égarés, épuisés mais prêts pour la liberté, et du cimetière, terre des morts d'Ellis Island, de ceux qui ne sont pas allés plus loin.
Cet homme a eu une vie, sur cet îlot, et il nous la raconte. C'est très étrange, un peu comme ces gardiens de prison qui sont en prison eux aussi d'une certaine façon. Parallèlement il raconte le contraste énorme des joies de la vie New yorkaise, Coney Island et sa fête perpétuelle, où encore les comédies musicales où ils allaient lui et sa femme, mais aussi l'histoire du monde. Et puis quelques vies passées par Ellis Island. Il nous parle de la perte, du deuil, de la solitude, de la fatalité. L'espérance, la peur, la souffrance, ce trio chevillé au corps et à l'esprit des migrants ayant tout quitté, tributaires d'un coup de tampon des fonctionnaires de l'immigration. Pour lui, Ellis Island est une espèce de navire avec ses règles et son équipage, amarré non loin de Manhattan. Il en est le capitaine.
J'ai énormément aimé l'écriture de Gaëlle Josse, très poétique, qui a su si bien retranscrire cette solitude, seule compagne du gardien, et faire apparaître dans mon esprit les fantômes du passé de cet "îlot délaissé, au bord du monde", ces silhouettes d'un temps révolu, qui nous raconte en même temps une page de l'histoire des États-Unis.
Un roman court et dense, Gaëlle Josse y parlera de la violence d'un père dont la conscience est rongé depuis sa jeunesse suite à un événement traumatique. Un père emmuré dans le silence, on plonge dans les souvenirs d'un homme en colère et imprévisible. Une plume juste mettant en scène une famille meurtrie, pudeur, amour et relation filaire. Une histoire dans un vase clos.
Une histoire intime poignante, percutante, bouleversante, des échanges et de la réflexion.
Une lecture que je vous conseille afin de découvrir les secrets de cette famille.
"Je lui ai demandé pourquoi on appelait cet endroit la Croix-Haute, alors qu’il n’y avait aucune croix visible alentour.
Il y a eu une croix, ici, mais elle a été descellée, arrachée il y a de nombreuses années. Je crois que c’est mieux comme ça. Si c’est Dieu qui a créé ces merveilles, ce n’est pas la peine de défigurer son œuvre avec une ferraille tarabiscotée. Et s’il n’existe pas, si tout cela est le résultat d’un assemblage aléatoire d’atomes, alors c’est encore moins nécessaire."
" Je me souviens de la force de ses doigts plaqués sur la céramique, sur sa poitrine, difficile de la lui faire lâcher sans forcer, j'avais peur de lui faire mal. Derrière nous, l'appariteur passait d'un pied sur l'autre, vaguement impatient, blasé. Je me souviens du crissement de ses semelles en caoutchouc sur le sol en ciment, avec quelques brins d'herbes égarés entre les joints. Elle avait fini par déposer elle-même la sphère bleue, ses mains tremblaient, j'avais touché son bras et senti combien son tremblement venait de loin, de très loin sous la maigreur de ses épaules. Nous sommes repartis tous les deux, elle pas très assurée et moi le bras accroché au sien, je ne savais que faire d'autre."
Je viens de refermer ce roman de Gaëlle Josse et je reste K.O.
On ne peut rester insensible à une histoire comptée par cette autrice, même la plus banale.
Elle nous émeut, nous tord les boyaux dans tous les sens avec son style bien particulier que je qualifierais par un oxymore : une splendide noirceur.
Dans « La nuit des pères », Isabelle a quitté son village de montagne natal à la fin de son adolescence, elle y revient très épisodiquement.
Un jour elle reçoit un appel téléphonique de son frère Olivier : « ça serait bien que tu viennes, depuis le temps. Il faut qu’on parle de papa. Et puis ça lui fera plaisir ».
Isabelle est une écorchée vive, cela lui vient de son enfance, de sa difficulté à communiquer avec son père, guide de montagne. Un papa coléreux, ténébreux telles les cimes des hauteurs qu’il aime côtoyer. Un papa sans amour qui se réfugie dans ce monde alpestre pour fuir la pesanteur du passé, comme s’il avait une épine dans le cœur qui l’empêche de vivre et le rend invivable.
Mais là, sur le trajet de la gare à la maison de son père, Olivier lui explique que ce dernier est victime de la maladie de l’oubli, à son début certes, mais qu’un jour il ne reconnaitra plus les siens. Isabelle ressasse ses souvenirs, prise de remords des rapports tronqués. Surtout, qu’aujourd’hui il semble heureux de sa visite : « je vois de l’attention dans tes yeux, une attention que je n’ai jamais connue. Je respire, et je parle, je te raconte ce que je peux de ma vie. C’est ta fille froissée qui est là, qui essaie de se tenir droite dans le vent. Ta fille qui tremble. Ta fille qui t’a attendu, tous les jours, tout le temps. ». Et ses retrouvailles délient les langues, le papa conscient du mal qu’il a fait, par son attitude, à son épouse aimante mais soumise, décédée maintenant, et à ses deux enfants. Il raconte l’innommable de ce qu’il a vécu, jeune homme, ces atrocités qui l’ont rendu dur et impénétrable et soudain Isabelle comprend la raison des cris qu’elle l’entendait pousser la nuit, victime de cauchemars, et qu’on ne lui avait jamais expliqués.
Un roman d’une rare sensibilité, à l’écriture « jossetienne » prenante, simple et belle. Du grand art.
Je suis conscient que beaucoup d’entre vous connaissent, déjà, Gaëlle Josse, si ce n’est pas le cas j’espère que cette petite chronique vous donnera l’envie de la découvrir.
La nuit est un moment particulier de face-à-face avec soi-même. L’occasion de se plonger dans ses souvenirs, l’heure des choix et des bilans. Chacun de nous à sa nuit, ses rêves et ses réveils difficiles. Dans son nouveau livre « À quoi songent-ils, ceux que le sommeil fuit ? », Gaëlle Josse s’intéresse à ces femmes et ces hommes de tous les âges dont le point commun est d’être traversé à un moment de la nuit par une émotion lancinante.
Un père songeant à sa fille partie vivre à l’autre bout du monde, un cadre qui se retrouve découragé dans un hôtel banal, un célèbre pianiste arrêtant sa carrière car la mémoire lui fait défaut, un homme repensant à la plus belle fille du lycée.
Dans une série de microfictions, Gaelle Josse s’intéresse à des histoires, à des anonymes, à des villes, à des silhouettes, à des situations, de tous âges, ceux qui veillent alors que tout sommeille.
Il y a tout d’abord la forme : de tout petits textes, de deux à six pages à peine. Sur ce plan, ça pourrait faire penser au joli « La première gorgée de bière... » de Philippe Delerm.
Puis, il y a le style qui se distingue immédiatement par la densité de ses sujets. Dès les premières lignes, on retrouve toute l’étendue du talent de Gaëlle Josse, à commencer par sa plume si délicate, si mélancolique, si sensible et juste. Sa spécificité réside en ce qu’elle arrive à décrire des histoires banales, même de quelques lignes, pour en faire ressortir toute la poésie.
Le fil rouge de ces 34 (très) courts récits réside dans cette ambiance nocturne. Cette atmosphère si particulière, propice à l’introspection, aux doutes, aux rêveries. Un temps suspendu qui précède ou qui suit, l’heure des choix et des bilans.
C’est une formidable idée que Gaëlle Josse exploite - comme à chaque fois - avec brio, offrant un livre kaléidoscope, riche d'histoires humaines qui explore la solitude, les blessures de l'enfance, la vieillesse, la mort, l'amour et son pendant naturel, le désamour…
Un recueil délicat, sensible et poétique sur les pensées de ceux qui veillent alors que tout sommeille. Chacun retrouvera un sentiment connu, de l'angoisse à l'insomnie, du remord au deuil, de la maladie à la rupture… L’ensemble se démarque par sa justesse et sa poésie.
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