Comme une balle envoyée à travers le temps, Un certain M. Piekielny, ce personnage censément réel de la vie de Romain Gary qu’on retrouve sous la plume de l’écrivain, a été attrapé au vol par François-Henri Désérable. Il lui consacre un roman, accomplissant plus que le vœu de cet homme qui se rêvait une postérité dans les pages de son petit voisin de Vilnius.
Le roman, remarqué, n’a pas laissé nos Explorateurs de la rentrée littéraire 2017 indifférents. Marion et Isabelle, deux lectrices, argumentent, portant chacune un regard très différent sur le roman.
Karine Papillaud
Pour ?
Le narrateur, comme beaucoup d'entre nous d'ailleurs, a lu « la promesse de l'aube » de Romain Gary car ce livre était au programme de son bac de français. C'est d'ailleurs le seul, sur la vingtaine de livres au programme, qu'il ait lu et « Miracle », comme il le dit lui-même, c'est sur celui-ci qu'il a été interrogé. Cependant sa relation avec ce livre va aller au-delà d'une simple lecture et il va s'en approprier certaines émotions, le renvoyant à sa propre histoire. Aussi lorsque le hasard de la vie va l'amener à Vilnius et qu'il a quelques heures de libres devant lui avant de prendre son train il va partir à la recherche d'un personnage cité dans « La Promesse », un certain Monsieur Piekielny, qui ressemblait à « une souris triste » et à qui le jeune Roman Kacew, son jeune voisin qui n'était pas encore Romain Gary, avait fait promettre de dire aux grands personnages lorsqu'il rencontrerait un jour, qu'au n°16 de la rue Grande Pohulanka à Vilno (pas encore Vilnius), habitait ce M. Piekielny.
Et nous voici donc partis à suivre l'enquête menée avec humour, parfois dérision mais tout en soulignant avec sérieux la tragédie vécue par la Lituanie et les juifs de Vilnius lors de la seconde guerre mondiale.
Le livre est également une biographie tout en humour sur Romain Gary que l'on va suivre depuis sa petite enfance à Vilnius, puis à travers ses missions de diplomates et d'écrivain, ses différentes rencontres. Il nous mène à travers la mystification littéraire qui le conduisit, dans les années 1970, à signer plusieurs romans sous le nom d’Émile Ajar, les faisant passer pour l'œuvre de son neveu, ce qui lui vaudra d’être le seul romancier à avoir reçu deux fois le prix Goncourt. J'ai beaucoup apprécié cette enquête menée avec humour et candeur qui permet de suivre comprendre l’œuvre de Romain Gary, ses inspirations, l'importance de sa mère, sa place dans la société. Et ce petit côté ironique qui fait que l'on ne sait pas vraiment où est la vérité.
Ou Contre ?
Alors que certaines circonstances l'ont amené dans une rue de Lituanie, le narrateur tombe sur la maison d'enfance de Romain Gary. De là, il se souvient alors de cette fameuse phrase "Au n°16 de la rue Grande-Pohulanka, à Wilno, habitait M. Piekielny" et décide d'en savoir plus sur ce mystérieux M. Piekielny. Il enquête, il affabule souvent et crée toute une histoire à ce personnage. Saura-t-il retracer sa vie ? Existe-t-il seulement ? Nous le suivons et espérons en savoir plus.
Que dire sur ce livre ? Autant dans les premiers chapitres, je l'ai trouvé très prometteur, autant, j'ai fini par me lasser de l'histoire, mais surtout de la narration.
L'idée de départ m'a beaucoup plu, enquêter sur ce M. Piekielny que Romain Gary avait, semble-t-il, croisé un jour et dont il aurait cité le nom partout et à tous. Le narrateur, François-Henri Désérable souhaite alors en savoir plus sur celui-ci et c'est ce qui semble être le cas dans les premiers chapitres. Mais rapidement, c'est l'auteur lui-même qui devient le personnage principal du roman. Tout semble à chaque fois se rapporter à lui, tout est bon pour faire le rapprochement entre Romain Gary et lui-même, au détriment de l'histoire de M. Piekielny finalement.
Je partais dans l'optique de tout savoir sur M. Piekielny, même si tout cela pouvait être que supposition ou imaginaire et la tournure qu'a prise le roman m'a vite lassée. François-Henri Désérable entre les pages de son livre, parle de lui, de son enfance et de ses écrits. Le ton du narrateur se veut humoristique parfois, mais c'est d'une lourdeur... Je n'y ai vraiment pas adhéré ayant le sentiment qu'il voulait sans cesse en faire trop. Heureusement, les chapitres sont courts, insufflant un peu de rythme à la lecture, mais ce livre n'est décidément pas pour moi.
Un certain M. Piekielny plaira certainement à bon nombre de lecteurs, je n'en doute pas, mais j'ai l'impression d'être totalement passée à côté. Peut-être, attendais-je autre chose après la lecture de la quatrième de couverture ? Peut-être l'humour de l'auteur n'est-il pas pour moi ? Mais qu'importe, ce fut tout de même une découverte.
Retrouvez tous les articles et les avis de nos lecteurs :
Pour ou contre le nouveau roman de Dominique Dyens "Cet autre amour" ?
Ne passez pas à côté de Vincent Delecroix, lisez "Ascension"
"Mercy, Mary, Patty" le roman flamboyant de Lola Lafon
Pourquoi "Une fille dans la jungle" de Delphine Coulin ne vous laissera pas indifférent ?
Lire "Un certain M. Piekielny" pour découvrir l'écriture singulière de François-Henri Désérable
"La disparition de Josef Mengele" le roman-récit sans concession d'Olivier Guez
Un grand secret, une famille...lisez "Toutes les familles heureuses" d'Hervé Le Tellier
A prime abord, j’avais trouvé ce sujet de discussion bizarre car défendant ce livre griffe et croc, je ne comprenais pas l’allusion et était prête à répondre que cette bio est sérieuse et culturellement riche. Ce qui m’a retenue est qu’en fait je ne connais pas si bien Gary et suis loin d’être une « gariste » chevronnée. C’est en allant à la dédicace de FH Désérable à la librairie Delamain, que j’ai alors compris et fus surprise. Par exemple, Gary à l’émission ‘Apostrophe’ de B. Pivot, n’a jamais eu lieu. C’est pure invention de l’auteur qui a mélangé du faux au vrai… Comme l’a fait Gary dans « La promesse de l’aube ». Donc cela tend à prouver qu’il faut toujours se méfier de nos lectures…
Pour répondre à la question de Lecteurs.com, je préfère une vraie bio mais j’aime quand elle est sous forme de roman ce qui en facilite la lecture (j’adore celles écrites par S. Zweig ou celles d’Edmund White ou O’Brien).
Dans le cas de « Un certain M. Piekielny », FH Désérable a inséré des petits mensonges pour souligner le côté mystificateur de Gary et s’en amuser. Toutefois on apprend beaucoup sur l'auteur car FH Désérable est d'une générosité incroyable quand il s'agit de faire partager son savoir.
D'autre part, ce livre génial, n'est pas seulement une biographie mais natte 3 sortes d'écrivains à doses égales : le biographe, l'historien et l'écrivain voyageur...
Comme tout art, la littérature peut tout se permettre et surtout réinventer la réalité…
Voici ce que j'aime, des avis divergents... Cela titille ma curiosité et je crois, car j'ai apprécié une lecture précédente, même plus qu'apprécié que je lelirai
Deux beaux points de vue. Je partage celui d'Isabelle mais j'ai apprécié aussi celui de Marion fort bien argumenté. Mais je peux vous assurer que rencontrer l'auteur et échanger sur son roman fut un moment très agréable !
Si c'est pour découvrir la vie d'un auteur que je ne connais pas particulièrement, je préfère quelque chose de "sérieux" qui m'instruira vraiment. Mais s'il s'agit d'un auteur que je connais très bien c'est toujours agréable de voir l'histoire de sa vie et de ses oeuvres traité d'une façon plus originale !
Les biographies, sérieux ou divertissement ? François-Henri Désérable écrit dans ce roman une biographie "à sa façon" de Romain Gary. Êtes vous attiré par ce type de lecture ou préférez-vous simplement une biographie "sérieuse" d'un auteur que vous aimez ? Et pourquoi un choix ou l'autre, dites-nous tout !