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Interview de Brigitte Giraud : "L’adolescence est la rencontre avec la solitude, l’inquiétude et la peur de l’avenir"

"Jour de courage" fait partie des 5 romans préférés de la rentrée sur Lecteurs.com

Interview de Brigitte Giraud : "L’adolescence est la rencontre avec la solitude, l’inquiétude et la peur de l’avenir"

Brigitte Giraud est un écrivain de la délicatesse, du corps et des failles. Elle s’est employée à raconter l’adolescence dans plusieurs romans, ainsi que dans ce nouveau roman, Jour de courage (Flammarion) dont le héros, Livio, rappelle notamment Olivio de Nous serons des héros.

 

Le livre fait partie des 5 romans préférés de la rentrée sur lecteurs.com, et les explorateurs qui ont eu la chance de lire son livre cet été, ont eu des questions à poser à son auteur. Brigitte Giraud a eu la gentillesse de se prêter à l’exercice.

 

- Pourquoi avoir voulu nous parler de l'homosexualité chez les jeunes ?

Parce qu'il est très difficile, y compris aujourd'hui en Occident, d'assumer le fait d'être homosexuel, face au groupe, et d'autant plus quand il s'agit d'un groupe d'adolescents. J'ai voulu regarder de très près ce qu'est un coming-out, et ce que cela implique de se révéler, intimement et socialement. J'ai voulu parler de la responsabilité des adultes, les parents, les enseignants, dont on pourrait espérer qu'ils accompagnent, qu'ils protègent celui qui prend le risque de se dévoiler. Ce qui n'est hélas pas toujours le cas.

 

- Avez vous vécu ou vu des situations aussi difficiles que celles de Livio ?

Mais bien sûr, et cela est bouleversant. L'association Le Refuge reçoit et apporte une aide aux jeunes qui se sont fait mettre à la porte de chez eux après avoir révélé leur homosexualité à leurs parents. Les chiffres sont alarmants. Ce n'est pas parce que le Mariage pour tous a été voté que l'acceptation des homosexuels est acquise. Les pères notamment ont du mal à accepter que leur fils soit gay, comme si cela remettait en question leur propre virilité. Quant aux actes et paroles homophobes, ils sont en progression dans notre pays. L'homophobie ordinaire est très présente dans le langage de tous les jours.

 

- Comment choisissez vous vos personnages ?

Mes personnages sont le plus souvent des adolescents. Parce que cette période de l'existence permet d'aborder la question de la fragilité et de l'identité, de la construction de soi. L'adolescence est comme une période de déséquilibre parce qu'il faut être capable de se séparer de l'enfance, c'est la rencontre avec la solitude et avec l'inquiétude et la peur de l'avenir. En même temps, c'est un passage traversé par une énergie maximum, une inventivité totale.

 

- Pourquoi pour cette histoire avoir choisi un enfant sage, sans histoire, qui n'est pas flamboyant mais juste très bon élève ?

Je voulais mettre en scène un garçon de 17 ans, fils unique, qui ne sait pas comment exister face à ses parents. Je le voulais talentueux, vibrant, mais discret. Il n'est pas flamboyant mais il sait jouer de la guitare et chanter, et il est doté d'une sensibilité et d'une intelligence vives. Avec un secret encombrant qu'il a décidé de révéler. Pour finir par sortir du mensonge et cesser de "tromper" la fille qui est amoureuse de lui.

 

- Pourquoi ce choix de parents émigrés ?

Il fallait que ses parents soient des parents de la classe moyenne/ouvrière en banlieue. Ses parents sont des émigrés italiens de la deuxième génération, donc des Français venus d'ailleurs, comme une grande partie de la population vivant en banlieue. Je voulais que Livio puisse se questionner sur les raisons de l'exil, le passé de ses parents, et le fascisme italien, comme un écho au nazisme allemand dont il est question dans son exposé.

 

- Vous êtes-vous demandé comment parler à nos enfants ?

Je me demande comment leur transmettre l'Histoire, leur raconter les horreurs dont les hommes ont été capables par le passé. Ce livre pose cette question : c'est une tâche qui revient aux professeurs d'Histoire, puisque le plus souvent, cette transmission ne se fait pas dans les familles. Comment parler à nos enfants de l'homosexualité me semble assez simple, c'est plutôt l'homophobie qu'il faudrait regarder de près.

 

- Est-ce que les émotions vous guident quand vous écrivez ?

Non, pas les émotions, jamais. J'essaie d'être juste, au plus près de la logique de la situation.

 

- Est-ce que vous répondez à toutes vos inquiétudes en écrivant vos livres ? Là entre autres sur la difficulté à être soi, à être entendu…

Je ne crois pas, mes livres posent des questions sans y répondre. Jour de courage mène une enquête : qu'est-ce qu'un coming-out, quelles sont ses conséquences, pourquoi est-il une mise en danger ?

 

- Est-ce que vous avez participé à des ateliers d'écriture ?

Non, jamais.

 

- Est-ce qu'il vous arrive de mettre des avis sur les livres que vous lisez ?

 Il m'arrive souvent d'échanger avec des proches ou professionnellement, sur les lecture, oui. C'est intéressant de savoir ce qui se passe à la lecture d'un livre, pour soi-même et pour les autres.

 

- Est-ce que vous aimez tous vos livres ?

Pas forcément. Il y en a certains que je regrette de ne pas avoir écrit différemment. Mais l'insatisfaction est un moteur.

 

- Dans quelles conditions écrivez vous ?

Le plus souvent chez moi, sur un ordinateur. Dans le calme le plus complet.

 

- Que faites vous une fois que votre dernière page est écrite, vous vous détendez, ou vous réfléchissez à ce que vous avez écrit encore et encore ?   

La fin d'un livre est un moment très difficile à écrire. J'ai toujours beaucoup de mal à écrire la fin. J'aime me surprendre, découvrir quelque chose d'inattendu, sinon cela n'a pas grand intérêt. Une fois que le livre est terminé, je suis le plus souvent soulagée, un peu sonnée. J'aime les jours qui suivent, à ne rien faire. Ne rien faire, parfois, quel privilège !

 

Avec les questions de Dominique Bernard et Kryan Soler.

Et la complicité de Karine Papillaud.

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