"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Une quarantaine de peintures qui sont autant d'instantanés de films imaginaires. Des images qui, avec leur sous-titre, créent l'impression troublante de connaître ces films qui n'existent pourtant que dans l'esprit du dessinateur. Le lecteur projette ses propres amours cinéphiliques. Se raconte des histoires. Se prend à rêver. Dans Version originale, Jean-Claude Götting me tout son talent, sa sensibilité et sa puissance, au service de ce qui se révèle, au final, une véritable - et merveilleuse - déclaration d'amour au cinéma, à ces scènes qui nous émeuvent, nous bouleversent, nous restent en mémoire. En contrepoint, des scénaristes de cinéma jouent aussi le jeu du fragment, offrant à lire de courtes scènes de films... qu'ils n'ont pas encore écrits.
7EME ET 9 EME ART : UNE HISTOIRE D'AMOUR
7e et 9 e arts sont souvent associés : dans des adaptations d'albums célèbres plus ou moins réussis, dans des hommages indirects aux grands films qui nourrissent les oeuvres des bédéastes (on pensera par exemple au travail de Laurent Astier sur les westerns mythiques dans « La Venin » ou au livre « Vintage and Badass» qui, sous la plume de Nury et Brüno eux-mêmes, explicite l'inspiration cinématographique à l'oeuvre dans la série « Tyler Cross »). Il existe également des hommages assumés tels le « Pour en finir avec le cinéma » de Blutch, ou le « Ciné-club » de Simon Roussin à cheval entre artbook et bande dessinée… En apparence, « Version originale » paru chez Virages graphiques ( la jeune et prometteuse collection BD des éditions Rivages) est de ceux-là.
En apparence seulement, car cet album/artbook est « original » à plus d'un titre ! D'abord par sa composition : 40 images qui ont donné et donnent lieu à des expositions. La première eut lieu en décembre dernier en « avant-première » à la galerie Huberty-Breyne de Bruxelles tandis que la seconde, qui se déroule dans la belle et nouvelle galerie Les Arts dessinés (d'après le magazine du même nom) accompagne la parution de l'ouvrage. L'album se mue alors aussi en catalogue d'exposition.
LE CINEMA D'ANTAN
Chaque tableau ressemble à un photogramme extrait d'un film américain des années 50-60 ou des joyaux de la nouvelle vague. On y retrouve des éclairages, cadrages, angles de prise de vue très cinématographiques. D'ailleurs, l'auteur confesse qu'il aurait rêvé de faire du cinéma :
Quand j'étais jeune, je rêvais de faire du cinéma. Je pensais que ça arriverait facilement, mais, quand je vois l'énergie qu'il faut, ne serait-ce que pour « lancer » un projet … Quatre ans pour mettre en place un budget c'est trop pour moi (rires). Si les choses n'avancent pas assez vite, ça a tendance à me cou¬per dans mon élan et à me démotiver. Il en va de même pour mes scénarios, je ne peux pas rester penché dessus pendant trop longtemps, sous peine de devenir très critique vis-à-vis de mon travail. Je dois rester dans l'euphorie de l'écriture. »
Il n'y a pas de réelle chronologie dans ce livre, pas de fil narratif non plus. Seule indication : les « sous-titres français » placés en superposition sur une bande en rhodoïd conçus par le dessinateur. On a ainsi des extraits de dialogues décontextualisés et on ne peut s'empêcher de lier les images entre elles, de les faire se répondre, de créer des histoires ou plutôt notre propre film ! Ces hommes et ces femmes prodiguent un sentiment de « déjà vu « ( en français dans le texte ! ). On a l'impression de revoir les programmations du « Cinéma de minuit » qui faisaient la part belle aux élégantes telles Ava Gardner, Gene Tierney, Rita Hayworth ou plus tard Audrey Hepburn ou encore Jean Seberg ou Romy Schneider... Mais les bribes de films qui s'égrènent au fur et à mesure que l‘on feuillette le livre sont des films qui n'existent pas, des « films du crayon » nés de l'imagination de l'artiste. Et c'est magnifique et troublant à la fois car le lecteur/spectateur fait sien l'imaginaire de Gotting dans un échange de références partagées . Comme le déclare l'artiste lui-même :
« Ils représentent des oeuvres fictives, mais avec un jeu de sous-titres sur celluloïd, sous chaque dessin, afin de permettre à chacun.e de s'imaginer son propre film. C'est assez vague pour ne pas être trop indicatif et à la fois empreint de tellement de codes d'une forme de cinéma que j'aime et qui m'a marqué, de la nouvelle vague avec Truffaut et consorts aux vieux polars US »
VIRAGES GRAPHIQUES
Une somptueuse déclaration d'amour au 7e art et au 9e …. Mise doublement en relief et en écho : d'abord par ce que le livre, format à l'italienne, reprend la taille exacte des tableaux (17 x 22,9 cm) dans un magnifique écrin à l'épais grammage et refuse le principe de la double page. L'oeil du lecteur/spectateur est attiré uniquement sur la page de droite cernée de noir comme un écran. La page gauche restant blanche et ne proposant, en une superposition de blancs presque filigranée, qu'une reproduction d'une bribe du dialogue inséré sur le rhodoïd créé comme un écho diffracté également par les « fragments » de textes de Diastème, Vincent Farasse, Charlotte Lagrange et Pauline Peyrade auteurs, metteurs en scène et parfois même réalisateurs qui traitent de l'amour, la haine et la passion sous forme de scène de théâtre, de notations de choses vues , de bribes de dialogues qui sont comme une mise en abyme des tableaux ….
chronique augmentée ( compte-rendu de l'expo et photos) sur www.bulles2dupondt.fr
VOSTFR, c'est souvent un choix assumé, celui de découvrir un film dans sa sa version originale, avec les vraies voix, les vrais mots, les vraies émotions. Ici Jean-Claude Götting nous livre des arrêts sur images de films que nous aurions aimé voir... Des images que l'on imagine tout droit tirées du cinéma de Jean-Luc Godard. Mais il n'en est rien. Ce sont des images de cinéma de l'auteur lui-même. En une seule prise "Sous-titrée français" et avec quelques mots, il nous parle d'amour, de manque, de solitude, de rupture et de rêves.... Et en une seule image, il nous envoûte et l'on réalise, à notre tour, nos propres scènes de films... Les instants qui suivent, ceux qui précèdent... Bref, nous devenons nous-mêmes des réalisateurs.
Beau, imaginatif, sensible, une très belle déclaration d'amour au cinéma comme on n'en fait plus.
Le 9ème art prend un joli « virage graphique » (!) avec ce très beau livre de Jean-Claude Götting. Un beau format à l’italienne et les dessins sublimes, comme d’habitude, d’un auteur touche à tout : peinture, illustration de presse et d’édition, couverture de romans (Harry Potter notamment) et BD…
Ici on est d’avantage sur un livre d’art parlant. Conçu comme un hommage au cinéma, cet ouvrage original nous offre une galerie de dessins en noir et blanc, du Götting pur jus, des hommes et des femmes, des instantanés de vie quotidienne, des moments pris sur le vif auxquels l’auteur a ajouté des sous-titres.
Le décor est ainsi planté, à chaque page sa scène qui nous projette d’un coup dans un film imaginaire. On rembobine mentalement, se créant toute une histoire, ce qui s’est passé avant, ce qui se passera après. Tels les personnages de Edward Hopper, ceux de Götting attendent l’amour, le cherchent, le fuient … ils ont souvent un air de solitude même s’ils sont accompagnés.
Chaque page pourrait donner un récit complet, une histoire, et chaque lecture peut donner lieu à une interprétation différente. Ce sont donc 40 dessins à voir et revoir, des scènes à jouer et rejouer dans sa tête, certaines vous parleront sûrement plus que d’autres… peut-être sont elles inspirées de nos propres
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