"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Je n'ai pas oublié les heures passées sur la route, les villes traversées et les librairies visitées, les voies à sens unique et les impasses, les arrêts forcés et les parkings souterrains, les chambres d'hôtel et les repas pris la plupart du temps en solitaire, la couleur des ciels du nord et l'odeur du bitume l'été, les moments joyeux et les doutes, les rencontres ratées et les attentes, les musiques écoutées et les phrases en boucle, les décisions à prendre et les questions ressassées, les prénoms, les noms et les pronoms à attendre, à entendre, à comprendre, à saisir, à retenir ou à oublier. Pendant un an, il sillonne les routes et les librairies comme représentant pour le compte d'un éditeur indépendant, le plus souvent en musique. Comment vit-on l'itinérance quand on passe son temps à quitter tout le monde ? À moins que ce soit précisément le contraire, et que chaque jour apporte son lot de nouvelles rencontres ? Road-trip intime et professionnel prolongé par les photos de Nathalie Jungerman comme autant d'horizons possibles, Va-t'en, va-t'en, c'est mieux pour tout le monde est une aventure littéraire doublée d'une réflexion sur les conditions de diffusion (et de dispersion) de la littérature aujourd'hui.
Partir sans hasard, besace d’incertitudes. Essentiel, sociologique, intime « Va-t’en, va-t’en, c’est mieux pour tout le monde » est une échappée manichéenne. Christophe Grossi en l’occurrence le narrateur, dévoile chaque jour le tracé de ses heures. Asphalte dévorante et imprévisible sur les routes de France. Ce récit est aussi une échappée intérieure. Détournant les distances, tel un pêcheur glissant son filet sous les eaux, mailles émancipatrices, les mouvements de la vie, ses interrogations, ses doutes et écueils sont pris au piège. Remontées des eaux, kilomètres carnivores, Christophe Grossi démêle les nœuds. Observe. Les champs intérieurs, les rencontres professionnelles, libraires attentifs, réceptifs, doués de cette indépendance. Christophe Grossi est là. Sur le seuil de chaque étape, pas de côté, l’écologie de la littérature dans ses bras, porteur de raison et d’authenticité et de glorification du travail. Dire, prouver aux frileux la formidable opportunité d’une visite, Babel littéraire. Détourner le Rocher de Sisyphe, prouver l’importance du fragile, du moins, et du summum éditorial, signature d’indépendance. Mais voilà, Christophe Grossi est romantique, en proie aux tourments, ses écarts sur les routes, figés par de splendides photographies de Nathalie Jungerman signent la dualité dévorante. Des rencontres riches, piliers, librairies, fronton d’hospitalité, d’autres aux diktats avérés. Des ombres sur les bords de route, autant de rappels des mains aimées et dont chaque volupté est nostalgie. Des sourires effacés, lignes blanches en continue, disparues. Ce temps de route, de destinée initiatique, sont porteurs car empreints d’épreuves. Ce récit où la croisée des chemins est un but pour Christophe Grossi est touchant car sincère. Diffuser un livre, donner à voir, sentir, aimer, plus qu’un challenge c’est une conviction absolue. Ne pas flancher sous la folie d’un système qui est certes le géant mais le pauvre des cœurs et du réel littéraire. « Va-t’en, va-t’en, c’est mieux pour tout le monde » est un cri de guerre (pacifique). Un écrin de tendresse et de foi en l’homme et en la vie. Une vocation révélée. Publié par les Editions Publie.Net.
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