"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
- Un homme tente de se suicider avec entrain parce que son médecin vient de lui annoncer qu'un requin nage dans son corps. Partout, il essaie : dans son immeuble, dans la rue, dans sa voiture, à l'enterrement de ses amis.
Heureusement, pour lui changer les idées, un quatuor de Mexicains apparaît régulièrement pour lui interpréter une chanson.
Un livre très très particulier.un livre qui a un petit pied dans la réalité matérielle et le reste du corps dans l'état d'âme. C'est un exercice âpre mais libérateur.
Martin Page décrit ainsi mille et une façons d'attenter à ses jours, dans une poésie permanene.
J'ai personnellement beaucoup aimé,je reconnais cependant qu'il est difficile à recommander.
« Le radio-réveil s'allume deux minutes avant le journal du matin. C'est une vieille habitude, cela me laisse le temps de m'asseoir sur le bord de mon lit, d'ouvrir le tiroir de ma table de nuit et d'en sortir le 357 Magnum chargé que j'ai soigneusement préparé la veille avant de m'endormir. Je laisse tomber un comprimé d'aspirine effervescent dans le verre d'eau posé près de ma lampe de chevet. Le comprimé se dilue dans un frétillement de bulles ; je vide la moitié du verre en une seule gorgée. Je mets le canon argenté du revolver dans ma bouche et j'appuie sur la détente. Ma tête explose ; des dizaines de petits morceaux d'os s'incrustent dans les murs du papier peint bleu sombre constellé d'étoiles que j'ai posé l'été dernier ; un bout de mon hypophyse atterrit dans le verre ; Le sang nettoie ma chambre d'une propreté rouge. Quitte à perdre quelques minutes de sommeil, je préfère me tuer avant les informations. Après, ça va mieux. »
Le ton est donné, il va falloir s’y faire et…. Pas besoin de pistolet sur la tempe pour apprécier.
IL, puisqu’il n’a même pas de nom, anonyme chez les anonymes, vit seul dans un appartement aseptisé qu’il « retapisse » à sa façon ….. « J’ai toujours la même surprise en m’apercevant qu’il n’y a personne pour m’aimer et me trahir
« Il y a des anniversaires de mariage et de rencontre amoureuse : c’est charmant ces cadeaux, ce gâteau. Il y a aussi des anniversaires quotidiens de célibat : c’est charmant ces riens, ce rien. »
Son travail lambda ne lui procure aucun plaisir : « Je m’emballe dans mon costume de travail. La cravate est le ruban du paquet cadeau que j’offre chaque jour au capitalisme mondial. C’est très frustrant car je suis un cadeau que personne ne déballe »
Nous avons droit à une réflexion sur l’eugénisme industriel concernant le carrelage. Moi qui n’avais jamais envisagé la chose, je vais surveiller le carreleur lorsqu’il viendra poser la faïence dans ma nouvelle salle de bains ! Il faut ABSOLUMENT faire quelque chose !!!!
La complainte du grille-pain, la théorie sur la terre ronde, y aviez-vous pensé…… LUI, oui.
Lorsque vous allez aux toilettes, vous pouvez avoir une conversation avec vous-même tranquillement. LUI, non, les siennes sont hantées et il écoute Clinton préparant ses discours
« Le pantalon baissé, j’ai bien été obligé de l’admettre le personne qui parle à l’autre bout du tuyau, c’est le président des Etats-Unis. »
Son toubib lui découvre une maladie, ou plutôt, un parasite interne. Un grand requin blanc l’habite, cause de ses vives douleurs. Pensez, lorsqu’il bouge, l’aileron, les grosses dents…. Lui touillent les intestins !
« Les analyses confirmèrent son diagnostic : j’ai bien un grand requin blanc qui nage dans mon corps. Il mesure cinq mètres douze. Ça aurait pu être pire, certains mesurent plus de sept mètres. » Pour la médicamentation, ça se déguste !!
Et les morceaux de bravoure publicitaire qui ponctuent certains chapitres : un régal
« La civilisation, c’est la domestication et l’élevage de la peur. »
« Si vous appréciez que l’on vous souhaite votre anniversaire, faites une grosse croix sur les calendriers »
« Il y a une astrophysique de la pensée qui restera pour toujours à faire, des fusées intergalactiques et des télescopes à construire pour la connaissance de l’espace humain. »
« On peut démolir une pyramide ; on ne peut ébrécher la musique. Ce qui fait que la musique est la seule architecture qui peut se mesurer à l’infini. »
Ce bouquin est de la dynamite en page, de la poésie en absurdité !
Sous de belles phrases, de bons mots, Martin Page parle de la solitude du travailleur trentenaire, solitaire dans une société dirigée par l’apparence, du stress…. Mais IL a un jardin secret et quel jardin, ainsi qu’un orchestre de musiciens mexicains, quoi de plus normal !!!
J’ai vraiment adoré le ton pince-sans-rire, les bons mots, les phrases où l’absurde se dispute à la poésie.
En nous parlant de phantasmes de tentatives de suicide, Martin Page nous montre son comparse essayant, à tout prix, de vivre, de survivre dans ce monde de requins (ils ne sont pas qu’à l’intérieur de LUI). Et si le plus dangereux n’était pas de se suicider mais d’essayer de vivre en société ?
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