Il a une photo, Isaac. Sa seule possession, je crois. On est pauvre, quand on est en asile, on est pauvre quand on est en exil. Exilés de la vie, mis sur la touche comme moi, au nom d'une folie au nom compliqué. Il a une photo Isaac, une photo de nuages.
Il y a longtemps de cela Isaac prend son vélo le matin pour couvrir les quelques kilomètres qui le séparent de son travail. Son chemin passe au travers des champs et de la campagne, sur des routes mal entretenues, plein de cailloux. Ça fait des lustres qu'il prend ce chemin. Ça fait des années qu'il travaille là-bas. Et ce jour-là, au beau milieu du chemin, une crevaison. Une légère brise dans les feuillages et un pneu à plat : pas moyen de le réparer. Le beau temps et les champs en fleur. Un après-midi sur le dos, à contempler des nuages tout en mâchant des brindilles d'herbe. Puis il y a comme un déclic, comme un sentiment qui se réveille. Une forme se dessine sur le ciel. Une flèche en matière nuage. Une direction pour un destin. Le voilà qui part en direction du Nord, parce qu'un nuage lui a donné une direction, un nuage en forme de flèche.
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