Découvrez les avis des jurés sur les 21 romans sélectionnés pour la 13e édition du Prix Orange du Livre
« On ne peut pas inventer les photos qui n'existent pas, on ne peut pas boucher les trous de la mémoire. Non il n'y a rien pour ça. Je pourrais inventer ces images dans un roman mais rien qu'à y penser cela sonne creux, faux, comme un théâtre de pacotille, avec trop de couleurs et de bruit et de mauvais acteurs. Je sais bien, non je sens, que tout cela est à jamais perdu, car on ne peut créer à partir de rien. [...] L'histoire aurait dû s'écrire ainsi, ce serait mon éternité, mon destin : un fils sans mémoire, errant au fil de ses angoisses. Père manquant, fils manqué. C'était sans compter les mots, l'écriture, le langage, bois des humains qui construit et rassemble les êtres séparés, permet parfois l'amour. Ce livre raconte cette histoire. Comment un fils est parvenu à aimer son père. ».
C'est une quête éperdue. Celle d'un nom, d'une origine et d'une reconnaissance. Celle d'un enfant, Valentin, qui pendant des années a eu un fantôme pour père, Le Doc. Un fantôme qui menait une vie professionnelle et médiatique hors normes. Pendant des années, Le Doc a endossé le costume du père pour des centaines de milliers de jeunes, libérant leur parole et leur permettant de découvrir sans tabous, grâce aux radios libres, leur corps et leur sexualité.
Mais nul n'est prophète en son pays. Et les pères ne sont pas toujours au rendez-vous de leurs propres enfants.
Véritable cri d'amour, ce livre est le plus personnel de Valentin Spitz, le plus déchirant aussi.
Découvrez les avis des jurés sur les 21 romans sélectionnés pour la 13e édition du Prix Orange du Livre
Le jury, enthousiaste et passionné, a choisi 21 romans français
« Ce livre raconte cette histoire. Comment un fils est parvenu à aimer son père. »
Valentin Spitz, dans un récit intime, nous parle de sa famille et plus particulièrement de l’absence de son père. « Je me suis souvent demandé dans ma vie comment expliquer l’absence. Enfant, je pensais que c’était ma faute. Que j’étais un mauvais petit garçon. »
Il vit avec sa mère, qui l’envoie chaque été chez sa sœur dans le sud de la France. Il y passe toutes ses vacances avec sa cousine Jeanne. Il écrit des lettres à sa mère, restée à Paris pour travailler. Le roman alterne ainsi avec des lettres de sa cousine et de sa mère. Et là encore, même constat, il y a reçu beaucoup de lettres, sauf de son père.
Mais qui est-il ce père ? C’est le Doc, celui qui passe à la radio, Christian Spitz. « Assez vite, les autres, ses auditeurs, ses téléspectateurs, l’ont connu mieux que moi. »
Et puis soudain vers l’âge de 11 ans, son père apparaît dans sa vie. Sa voix est différente de la radio, plus froide, « il irait désormais un weekend sur deux chez lui ». Son père n’est jamais à l’heure, toujours à l’hôpital pour une urgence. Dans ces moments d’attente, il écrit des petits romans.
« Pour me souvenir de ces années « avec » mon père, je suis obligé de regarder sa biographie sur wikipédia ; ma mémoire familiale est ainsi, indexées au temps de sa lumière. »
Père et fils n’arrivent pas se parler. Entre eux il n’y a pas de complicité, que des silences et de la gêne. Valentin ne se sent pas intégré à la famille, il n’y a pas de place pour lui chez son père. Il décide alors d’écrire au juge et demande de ne plus aller chez son père. Ce dernier le vit comme une trahison. Ce n’est que vers ses 15 ans qu’il reprendra contact avec lui. Son père lui manque. Il retourne alors sa colère vers sa mère et la tient responsable de la situation. Il faut dire qu’il était un objet, un otage entre ses parents.
A sa petite amie qui lui dit qu’elle ne le connaît pas, qu’elle ne sait pas ce qu’il ressent, il se livre alors :
« Je lui ai raconté que, lorsque j’étais enfant, ma gorge se nouait. Les mots ne sortaient plus, je m’étouffais. Il suffisait que j’aie à entendre la voix de mon père au téléphone pour que l’angoisse m’envahisse. […] A l’école, quand je devais prendre la parole, ou au sport, partout, j’étais hanté par une conviction inaltérable : le monde ne m’aimait pas. Je ne valais pas assez pour être reconnu de lui. Ma sensibilité était si exacerbée que le moindre mot, le moindre geste me faisaient vaciller. Pendant des années, j’avais combattu cette violence intérieure. »
En 2017, il effectue des démarches pour porter officiellement le nom de son père : « Derrière chaque demande de changement de nom, il y a un roman qui sommeille, des années de silence sans doute, de larmes réprimées, de luttes, tout cela résumé en trois lignes sur un journal. »
La quête de son nom et la possibilité de devenir père éveillent en lui un nombre infini de questions. Il ne veut pas transmettre des silences.
« Reste l’absence, l’absence, c’est ce qui jamais ne s’effacera. C’est ce qui me fait craindre parfois de faire comme lui un jour. Fuir. »
Il y a aussi ces moments incroyables lorsqu’ils écrivent un livre ensemble, un dialogue père-fils sur l’éducation et la psychologie des enfants (« Eloge de l’imperfection parentale » paru en 2019). Il apprend alors par bribes pourquoi son père est si « avare de mots et d’amour ». Son père lui parle de son propre père, un homme autoritaire, médecin lui aussi.
« Mon père était très mystérieux, tu sais. Le non-dit, chez lui, c’était sa façon de régler le problème. »
Valentin veut en savoir plus sur son histoire familiale. Il part en Autriche faire des recherches. Pour vous résumer rapidement, voici les jalons de cette histoire : l’exil vers l’Alsace au XVIIIe siècle, le déracinement, les fuites répétées, la conversion au catholicisme, la 1e et 2nde guerre mondiale, le nazisme, l’amputation (« comment tout cela nous avait marqués d’une trace invisible ? ») et le mythe du « juif errant ».
« En vérité, on fait tous comme on peut, on tâtonne dans l’obscurité avec nos blessures, on trébuche ; on essaie de vivre. »
Dans ce roman, il parle aussi de son rapport à l’écriture et des différents romans qu’il a écrits ; un homme qui fuit, tourne autour du sujet qui le concerne. « Je crois qu’on écrit d’abord pour deux ou trois personnes, autour de nous. Dans la solitude du roman qui naît, on pense à eux. On espère les toucher, on espère qu’ils comprendront. Mon père fut toujours mon premier lecteur imaginaire.
Je sens aujourd’hui qu’il est fier de chaque ligne que je publie. Il les envoie à toute la famille et me demande de les dédicacer. »
« Ce livre, je ne voulais pas l’écrire, pourtant au moment de le conclure je mesure à quel point il m’a libéré de ce que j’étais et m’a permis de devenir qui je suis.
N’est-ce pas cela au fond, écrire ? »
Quand il donne la première version de ce texte à son éditrice, elle lui répond qu’il est passé à côté du texte : « tu me fais penser à un petit garçon qui se cache sous des dizaines de couvertures et qui finit par s’étouffer lui-même ».
Ce roman raconte la vie de ce petit garçon blessé. C’est sincère et touchant. J’ai beaucoup aimé ce récit intime.
Merci à Netgalley et aux éditions Stock pour cette lecture.
« On ne pense pas à l’amour ou plutôt on n’y pense que quand il vient à manquer. C’est dommage, c’est idiot. Pourquoi l’amour n’a-t-il de valeur que par l’absence ? »
Le témoignage d'une enfance sans père ou plutôt avec un père présent dans les médias et absent pour ce fils. Comme se construire alors ?
J'ai beaucoup aimé la sincérité et la sensibilité qui transparaissent entre les lignes. La bienveillance envers ce père défaillant mais surtout empêché. L'optimisme du ton et du message délivré sans pathos: même mal engagé le lien peut se créer grâce aux mots et à la patience !
Un livre très intéressant sur la relation au père, sur la construction autour de l'absence du narrateur et auteur et de son célèbre père. Avec sincérité , tendresse parfois pour le petit garçon qu'il a été l'auteur nous raconte sa difficile construction avec ce manque et comment les mots lui ont permis de se réapproprier son passé et de tisser un lien avec ce père fantôme. Histoire filiale, autofiction, réflexion sur la paternité, un récit rondement mené avec ses courts chapitres qui font réfléchir sur la famille. Merci à Lecteurs. com pour la découverte, ce récit est dans la sélection du prix Orange de cette année.
Il est difficile de ne pas adhérer à la quête d'un fils négligé par son père et pourtant ... aller jusqu'au bout de ce livre m'a demandé beaucoup d'efforts.
La construction tout d'abord : ce pêle-mêle d'incessants aller-retours m'a rapidement lassé, agacé même.
Et, c'est peut-être une conséquence, je n'ai que rarement été ému par ces moments.
A lire les autres avis, je me dis que je suis passé à côté.
Enfant, il commençait à l’écrire. Elle était un vrai personnage, elle l’accompagnait nuit et jour, en silence, en souffrance. L’absence. Ecrire était un soin palliatif.
« L’absence, c’est ce nom, S., qui jamais ne sera accolé sur cet acte de naissance, au prénom du fils, faute de reconnaissance paternelle ».
Le temps de l’enfance et de l’adolescence est ponctué de rendez-vous manqués, de paroles marmonnées, de regards fuyants de ce père, par ailleurs pédiatre célèbre sur les ondes d’une radio qui s’adresse avec emphase aux ados.
C’est en déroulant le fil d’Ariane que Valentin va libérer la parole de son père en partie enfouie sous les traumatismes de l’Histoire. L’écriture, libératrice, plus que jamais présente, va s’imposer et nouer la relation.
Ce bref résumé est loin de refléter la profondeur de ce récit. Si d’autres écrivains et psychanalystes ont déjà écrit sur la famille recomposée, le récit de la bataille que livre Valentin pour renaître, tout empreint de pudeur, est particulièrement émouvant. Il ne tombe jamais dans la facilité des accusations ou du jugement, il cherche à se positionner lui-même dans cet espace entre lui et son père où l’amour ne parvient pas à circuler, jusqu’à fendre l’armure.
Dans cette situation de rejet ou plutôt, de non-acceptation, les liens entre lui, ses demi-frères et sœur, leur mère, ne se construisent pas d’une façon linéaire. L’émotion est vive lorsque, grands ados, ils se retrouvent et expriment mutuellement leurs sentiments. A ce moment, l’écriture devient poésie.
Ce récit, construit à l’image des soubresauts des relations et des méandres de la communication, sur des allers et retours dans le temps et dans les événements, m'a beaucoup touchée, comme les membres du jury du Prix Orange du Livre qui l'ont sélectionné dans leurs premiers choix.
« Pourquoi l’amour n’a-t-il de valeur que par l’absence ? »
Un fils sans mémoire, c'est le récit que fait Valentin S., fils d'un célèbre docteur ayant officié à la radio, de leur relation.
C'est le récit d'une absence, d'une difficulté à trouver sa place auprès de l'homme qui vous a donné la vie, mais également à trouver sa place dans une famille, en tant que fils, petit-fils, frère...
C'est suivre le fil conducteur d'une demande de changement de nom, afin de relier la personne que l'on est dans la vie publique à la personne que l'on est pour l'état-civil, afin de relier son histoire à celle de son père.
C'est aussi un fils qui court après son fantôme de père, le rattrape parfois, pour le perdre à nouveau, un fils qui l'admire, l'aime et le hait, sans parvenir à lui dire, un fils qui emprunte des chemins détournés pour lui parler, et qui écrit les réponses qu'il aurait aimé entendre.
Ce qui m'a frappée dès les premières lignes, c'est la sincérité que j'ai ressentie dans les mots de Valentin Spitz, ces fêlures d'enfant qui ne se résorbent pas, cette quête d'un père.
Un récit émouvant, servi par une très belle plume, une belle découverte.
L'absence. L'absence d'un père, pourtant père fantasmé par de nombreux adolescents des années 90... Premier roman de Valentin Spitz publié sous le patronyme paternel. Quelle belle écriture émouvante et fluide. Un vrai bel hommage à son père tout en arrivant à écrire ce qu'ils n'ont pas su se dire. Très beau. 4,5 /5
Comment se crée une légitimité lorsque tout porte à croire que l’on existe pas, puisqu’exister c’est s’identifier dans le regard des autres ? Ce sont les autres qui vous inscrivent dans une histoire, une lignée.
Or l’ironie du sort a voulu que cette demande obsessionnelle d’une reconnaissance de son père (même si elle existait sur les papiers) s’adressait à un homme connu et même célèbre pour l’aide qu’il pouvait apporter à un grand nombre d’enfants de tous âges et spécialement les ados, puisqu’il s’agit du Doc de fun radio !
Le premier combat et non des moindres fut celui du nom de famille , utilisé depuis toujours en pratique mais ignoré des services administratifs : quête laborieuse, course d’obstacle ressentie comme injuste :
« Pourquoi mes parents n’ont-ils pas, une fois leur longue guerre judiciaire achevée, régler les choses ? Pourquoi est-ce à moi de me battre une nouvelle fois pour porter ce nom officiellement ? Pourquoi dans cette famille rien n’est simple ? »
L’accueil dans la famille recomposée, les innombrables attentes d’un père qui ne vient pas, l’absence d’échanges, les questions sans réponses, émaillent cette enfance presque fantomatique. Mais l’enfant puis l’homme sont pugnaces et plutôt que d’abandonner cette lutte, Valentin cherche à comprendre. En s’interrogeant sur les racines de ce problème de communication massif, que ne laissent pourtant pas apparaitre les interventions radiophoniques du célèbre Doc ! Et ce qu’il découvre dans l'histoire familiale peut expliquer les choses.
Ce qui est très fort, dans ce livre, c’est la détermination, non pour pardonner, mais pour que le cours de l’histoire familiale se modifie. Pour que les erreurs soient reconnues mais surtout pour que le lien se fasse malgré les impasses relationnelles. Le père fut absent, soit. C’est cette absence qui contribue à la reconstruction.
« Il m'a construit de son absence ; il n'existait pas, alors je l'ai écrit. C'est parce qu’il n’existait pas que j'écris. Malgré lui, il m'a appris à faire cesser le silence, à ne plus « fermer sa gueule ».
Magnifique combat d’un fils, qui s’est obstiné à se faire une place dans sa famille.
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