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Ce roman raconte l'histoire de la rencontre entre deux hommes à Détroit au cours d'un week-end. L'un, Gilles, est pilote, l'autre, Luc, conservateur de musée, ils ont vingt ans d'écart, ils ne se reverront peut-être pas mais c'est dans ce creux que se joue leur intimité furtive. Autour d'eux, il y a Détroit, l'architecture, le monde, les questions de l'enfance et de la perte, du corps et de la religion, du doute aussi.
Écrit en vers libres, Tout s'écoule évoque les blessures du temps, les souvenirs qui remontent à la surface, l'immensité architecturale d'une des plus grandes villes américaines. Antoine Vigne a su crééer un univers d'une tonalité particulière qui confère à ce roman son originalité, pleine de charme. Tout en grâce, il a su exprimer le mystère d'une relation faite de différence et d'incommunicabilité dans une mégalopole américaine à l'histoire mouvementée. Détroit joue ici un rôle essentiel dans l'amitié complice entre les deux protagonistes.
Tout s'écoule, aussi bien le fleuve, le temps que l'amitié ou l'amour.
«Detroit est comme un conte et un abîme»
Dans son premier roman, Antoine Vigne raconte la vie de Gilles, pilote d'avion, qui atterrit à Detroit. Cette ville décadente, dans laquelle il déambule avec son Luc, son nouvel amant, est à l'image de sa vie.
Gilles n'est plus dupe. En prenant les commandes de son long courrier, il sait que ses rêves d'enfant se sont évanouis, que l'aventure et la découverte du monde se sont dissous dans une société consumériste qui voyage toujours plus, qui enfile les destinations comme les photos dans leurs smartphones, sans véritablement chercher un sens à ses déplacements. Aujourd'hui il retourne à Detroit, ville qu'il a découverte au temps de sa splendeur dans les années 1990 et qu'il retrouve balafrée, défigurée par le déclin de l'industrie automobile.
«Cette friche n’en est pas une
Cette campagne n’en est pas une
Ces étendues vertes au long des avenues — il y avait des maisons là et là, partout, sur tous ces espaces vides, ces terrains
vagues, ces pelouses improvisées
Des populations, des tramways, des cafés, des théâtres, des familles, des histoires sordides ou gaies ou solitaires, des parades des véhicules, des amoureux, des enfants courant après un chien
La vie
D'une métropole
décomposée»
Au hasard de ses déambulations, il croise les stigmates d'une destinée, échange quelques mots avec des habitants désabusés et finit dans un bar où il trouve Luc, un autre Français venu convoyer des œuvres d'art. Il finira la nuit en sa compagnie. Puis partagera avec lui les quelques jours qui lui restent dans le Michigan.
«Ils parlent
longtemps
du Michigan d'abord puis de Trump, de l'Amérique contemporaine,
de ses travers, de ses errements,
du capitalisme mondial,
le désastre écologique,
et la violence,
les grands combats de l'époque».
Ensemble, ils revisitent la ville, parcourent les musées, se dévoilent. Pourtant ils pressentent que leur liaison ne durera pas, savent que le temps des belles promesses est terminé. Que l'avenir s'assombrit. Que cette parenthèse est désenchantée.
Ce choix de composer son roman en vers libres permet à Antoine Vigne de séquencer son texte en impressions, sentiments, émotions. Mais ce travail sur la langue lui permet aussi de trouver des images fortes – des punchlines, comme on dit aujourd'hui – qui résument en quelques mots cette Amérique divisée, cette ville qui est passée en quelques années de la grandeur au désastre, et sa vie construite autour de la figure du père parti trop vite et dont il a sans doute plus fantasmé les leçons que réellement apprises.
«Les bars en Amérique sont des gueuloirs»
«L'homme est une dérive, un virus,
tout ce que nous touchons est abîmé»
«Sans le doute il n'y a que la violence».
Après Là où nous dansions de Judith Perrignon, nous voilà une nouvelle fois invités à arpenter les rues de Detroit, devenue malgré elle la ville symbole des excès du consumérisme et de ses conséquences. Mais là où la romancière mêlait les voix et les époques, Antoine Vigne préfère les images et les sensations. Comme cet étage d'un étage qui s'effondre et ne laisse derrière lui, après un instant de sidération qu'un nuage de poussière. Cette poussière où nous retournerons tous...
Mais en filigrane, un second thème apparait, l’homosexualité, qui semble être un sujet récurrent en cette rentrée littéraire avec notamment Un empêchement de Jérôme Aumont, Plexiglas d’Antoine Philias ou encore La prochaine fois que tu mordras la poussière de Panayotis Pascot, sans oublier La vie nouvelle de Tom Crewe. Ici le romancier l’aborde avec tendresse. Mais il paraît qu’il faut prendre garde à la douceur des choses…
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