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«Marat est un homme à secrets. La Résistance exigeait qu'on s'avançât masqué, il s'y est montré à son avantage. Ainsi il n'avait jamais avoué à quiconque qu'il avait été l'ami de Brasillach en khâgne à Louis-le-Grand et qu'il lui avait, à la fin du mois d'août 1944, proposé de le planquer en Normandie. De même, il s'était gardé de dire à Héloïse ce qu'il est en train de rappeler à Maréchal : "Drieu doit mourir, c'est écrit d'avance, mais pas fusillé, pas exécuté, pas comme un collaborateur ordinaire."»
Ce n’est pas une biographie de Drieu la Rochelle que nous livre Gérard Guégan. Non, dans ce livre où apparaît sur la couverture le mot « fable » en dessous du titre, c’est une apostrophe adressée à l'écrivain, dont les passages en italique peuvent refléter les différents états de conscience de Drieu, ou ceux du rédacteur de la fable, lui-même. L’ouvrage se focalise plus spécialement sur la période 1944-1945.Il débute au moment qui suit la première tentative de suicide de l’écrivain, survenue en août 1944, au luminal. L’ouvrage de Gérard Guégan tente d’éclairer l’attitude de Drieu, face au fascisme, au communisme, à la littérature, et il y parvient en confrontant l’écrivain avec des personnages issus de la Résistance, qui procèdent à son interrogatoire, avant sa mise à mort, que Drieu croit inévitable en raison des circonstances.
C’est le choix, entre fascisme et communisme, qui suscite les propos les plus significatifs, on sait que Drieu a longtemps hésité entre ces idéologies avant de basculer au mitan des années Trente, vers le fascisme : « C’est bien là la faiblesse des fascistes. Il leur faut constamment dialoguer avec d'imaginaires forces invisibles. (…) Tout autres sont les communistes de chez Staline qui dédaignent l’abstraction, qui honnissent le mysticisme. Avec eux, un innocent doit se déclarer coupable dans le seul but d'innocenter le tribunal qui va le rayer de l’histoire. »
Un autre aspect sur les prises de position de Drieu est soulevé ; il n’est pas moins significatif et concerne l’attitude de Drieu vis-à-vis de l’antisémitisme. On sait que Drieu a, dans sa jeunesse, a publié un essai intitulé Mesure de la France, dans lequel il apparaît très philosémite : « Je te vois tirant et mourant derrière le tas de briques ; jeune Juif, comme tu donnes bien ton sang à notre patrie. » L’un des interrogateurs, Maréchal, tacle Drieu sur ce point, en évoquant un personnage de l’un des romans, Gilles : « Quoi qu’il en soit, avec Carentan, on tient peut-être la clé de votre antisémitisme. (…) C’est Carentan qui s’adresse à Gilles : Je ne peux pas supporter les Juifs parce qu’ils sont par excellence le monde moderne que j’abhorre. Mais le monde moderne, s’exclame Drieu, c’est moi, et le Juif, c’est encore moi. »
Le récit de Gérard Guégan nous fait découvrir, ou redécouvrir, la vie et l’œuvre de Pierre Drieu La Rochelle ; il s’insinue avec grande efficacité dans les méandres de sa conscience et le juge avec recul et lucidité, même si ce tribunal est imaginaire.
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