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Jean D'Ormesson a écrit des romans tels que La gloire de l'Empire, Au plaisir de Dieu; des essais, Au revoir et merci; une biographie de Chateaubriand, Mon dernier rêve sera pour vous. Tous les hommes en sont fous est le deuxième volume d'une trilogie dont le premier volume, Le evnt du soir, s'est vendu à 600 000 exemplaires.
Non, sérieusement, je ne l’ai pas fait exprès. Quoi donc ? De venir vous parler un 1er janvier de ce florilège d’invitations aux voyages et aux plaisirs en compagnie de quatre très jolies filles peu farouches, parsemé de dîners fins, de très bons vins, et de joie de vivre dans des endroits paradisiaques. On ne travaille pas, on s’occupe, on vit, la belle et la grande vie. Franchement, je viens d’en terminer la lecture à l’instant et pour l’année qui commence, je ne peux que vous souhaiter d’en connaître une comme celle que raconte Jean, le narrateur.
Il faudra serrer votre budget car vous allez mettre le paquet sur le tourisme. On commence par Venise, on poursuit à Capri, on excursionne un peu en Bavière devant des lacs de montagne et on s’embarque pour une croisière en mer Egée. Vous voyez la couverture spéciale du FigMag sur papier glacé ? Là, à la proue (ou à la poupe selon votre goût) du voilier, face au soleil, les yeux fermés, c’est vous, oui, c’est bien vous. Vous sentez la brise marine et…d’accord, je m’arrête, je rends la parole à l’auteur, c’est plus raisonnable.
« Le soleil tapait comme un fou sur les îles de l'Egée. Nous grimpions des marches blanches entre des maisons bleues. La mer, tout à coup, apparaissait derrière l'église, entre les oliviers. Nous courions vers la plage brûlante et nous nous jetions dans l'eau. »
Mykonos, Santorin, Delos, Patmos, Rhodes, et dans le charmant port de Castellorizo, l’une des quatre sœurs trouve un mari...sur le yacht d’à côté. Rassurez-vous, il en reste trois et puis, de toute façon, ça ne durera pas. Qu’est-ce qui ne durera pas ? Le mariage, bien sûr. La belle vie, je vous dis. Enfin, pas tout à fait, une parenthèse plutôt comme le dit l’auteur car c’est l’Entre-deux-guerres qu’il dépeint…
« En Allemagne, en Russie, en Espagne, en Autriche, l’Europe se précipitait vers son destin sanglant. Nous nous en moquions bien. Nous plongions dans les vagues, nous dormions sur le pont, nous montions à dos d’âne jusqu’aux chapelles des monastères perchés sur les collines. Toutes les îles se ressemblent. Elles sont ce que les vacances sont dans le temps. Une espèce de lieu clos ouvert à tous les vents, un arrêt dans la course, un paradis illusoire creusé au cœur du monde. Le bonheur est une parenthèse. Nous la fermions sur nous-mêmes. Nous nous retranchions dans la mer bleue et vide à perte de vue, comme dans un château-fort, nous remontions nos ponts-levis. Nous naviguions dans l’insouciance et sur la mer des dieux. »
Autant dire que certains des personnages et des événements décrits ailleurs dans le roman n’ont rien des paysages idylliques que Pandora et ses sœurs fréquentent. De la nuit des longs couteaux à la guerre d’Espagne en passant par l’Anschluss et l’Abyssinie, l’arrière-plan est bien présent car Jean d’O glisse toujours un de ses dix personnages là où il faut. Aux quatre sœurs, il faut ajouter le narrateur, les quatre frères argentins ainsi que leur oncle. S’il fallait illustrer l’expression « danser sur un volcan », il serait difficile de faire mieux que Tous les Hommes en Sont Fous.
Alors, on peut être un peu exaspéré par la « réunion » des quatre sœurs organisée dans un Barcelone à la veille de tomber aux mains des nationalistes. On peut trouver un peu trop fabriqué l’affrontement idéologique qui sépare deux des sœurs. On peut s’offusquer de les écouter confier leurs problèmes de … disons de cœur, confortablement installées dans une taverne au milieu de leurs admirateurs qui n’ont d’autres choses à faire que de les admirer, pendant que la ville et le pays sont à feu et à sang. Mais si on a lu quelques témoignages directs du Barcelone de 1917 (Orwell ou S. Koch dont je recommande l’excellent Adieu à l’Amitié), on doit reconnaître que ce que décrit Jean d’O éclaire assez bien l’aspect jouisseur-voyeur qui était également présent dans ces heures tragiques.
Concluons ce billet avec une ultime révélation. Le héros principal, pour moi, c’est la Jeunesse et pour vous en convaincre, redonnons la parole à l’auteur… qui la cède sur le champ à un de ses illustres collègues :
« La jeunesse, écrit quelque part Chateaubriand, la jeunesse est une chose charmante ; elle part, au commencement de la vie, couronnée de fleurs comme la flotte athénienne pour aller conquérir la Sicile et les délicieuses campagnes d’Enna. J’ai conquis, moi-aussi, un certain nombre de Siciles et de délicieuses campagnes d’Enna. »
Je vous souhaite donc, cher(e)s ami(e)s lecteurs ou lectrices, de conquérir vous-aussi votre Sicile et vos délicieuses campagnes d’Enna.
Pour la toute petite histoire, je suis passé un jour à Enna dont je n’ai pas fait la conquête puisque ma conquête était déjà à mes côtés. Nous en fûmes chassés par des trombes d’eau qui menaçaient de nous engloutir dans les rues étroites et très pentues. Nous trouvâmes donc refuge plus bas…dans sa campagne qui, je le confirme, est délicieuse.
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