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En 1936, Elizabeth von Arnim vit retirée à Mougins, dans le Midi, ne recevant que fort peu, mais entretenant une correspondance considérable. C'est alors que l'idée lui vient d'abandonner pour un temps son Journal, et de rédiger son Autobiographie, mais une autobiographie particulière qui lui permettrait de retracer sa vie - tout en s'en défendant -, de dessiner le portrait de ses amis, de ses amants, de ses enfants, au travers de celui des chiens qui l'ont accompagnée dans son existence, depuis sa plus tendre enfance.
Au travers de cette « vie en chiens », c'est le monde de la Prusse des Hohenzollern, de l'Angleterre de l'entre-deux-guerres, d'une société disparue, qu'elle ressucite avec ce ton moqueur qui séduisit tant E.M. Forster, l'ancien précepteur de ses enfants au temps de son séjour en Poméranie.
Tous les chiens sont présentés : Bijou, Bildad, Cornelia, Ingraban, Ingulf, Ingo et Ivo, Prince, Coco, Pincher, Knobbie, Chunkie, Woosie et Winkie.
Avec Tous les chiens de ma vie, Elizabeth von Arnim referme la boucle d'une carrière littéraire ouverte, précocement, avec Elizabeth et son jardin allemand, dont ce livre est le pendant.
Les Anglais ont trois passions : les jardins, les chevaux et les chiens.
Pour les chiens, cela date depuis des siècles. Il suffit de regarder les tableaux des plus grands maîtres britanniques pour en prendre conscience. Vous trouverez donc des chiens chez William Hogarth (Le peintre et son dogue, 1745), chez Thomas Gainsborough (La promenade du matin, 1785) ou même chez John Constable (A dog watching a rat in the water at Dedham). Au XIXe siècle, il y eut même des peintres animaliers, spécialisés dans les portraits de chiens. Le plus célèbre d’entre eux est Edwin Landseer (1802-1873). Mais cet amour pour l’animal touche tout le monde, même les membres de la famille royale. Le roi d'Angleterre Charles II, grand amateur d’épagneuls de petite taille, donna son nom à une race, celle des King Charles. Et Elisabeth II nourrit une véritable passion pour les corgis.
Il n’est donc pas étonnant qu’Elizabeth von Arnim, romancière anglaise (en dépit de son nom d’épouse), consacre un récit aux quatorze chiens qui l’ont accompagnée tout le long de sa vie. Depuis l’enfance et le pauvre Bijou - dont elle ne se souvient guère - jusqu’ à Woosie et Winkie, elle nous raconte les différentes circonstances qui ont permis à ces compagnons de partager ses jours avec plus ou moins de bonheur. Certains ont disparu corps et biens. D’autres furent victime de la violence des hommes. Enfin, il y a ceux qui jouirent des moments de bonheur, très étrangement, pendant les périodes de solitude d’Elizabeth.
Nous rappelant régulièrement que ce n’est pas une autobiographie, mais bien un livre sur ses chiens, photographies à l’appui, il lui est impossible de faire l’impasse sur plusieurs événements, et surtout sur les hommes de sa vie (un certain nombre seulement). Tout d’abord, son père, autoritaire et très souvent absent. Puis son premier mari, von Arnim, allemand, noble mais désargenté. Et ainsi de suite, elle égrène la naissance de ses enfants, la rencontre de Frank Russell, les déménagements successifs, les paysages sans cesse renouvelés. Au fil de pages, se dessine un destin aménagé pour la circonstance : Elizabeth von Arnim triche sur son âge, sur les caractères de ses « hommes », sur leurs sentiments envers elle. Si bien que les pages consacrées aux chiens, à leurs manies, à leurs jeux ou à leurs bêtises, deviennent des moments nourris par le sens de l’observation de l’auteur, même si elle n’échappe pas à un certain anthropomorphisme.
Une lecture bien agréable, rafraîchissante, pour le seul plaisir de décrypter ce qui peut lier à jamais un être humain et son animal de compagnie.
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