"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Voilà un texte qui aborde de front, et pourtant, ce n´est pas la génération d´Isabelle Rèbre comme ça peut être considéré l´être de la mienne, la fracture symbolique que reste la guerre d´Algérie, et tant de silence encore de notre côté, tant de non dit et de secret, de Charonne à Sétif. On sait comme tout cela résonne dans l´inconscient d´aujourd´hui, et tant d´enjeux en partage :
Histoires liées. Je l´ai exploré pour moi-même (voir La face vierge du Monument aux morts.
Et c´est aussi l´histoire de tant de croisements dans la langue.
Pour les deux extraits ci-dessous, j´ai choisi un fragment pris à chaque côté du texte : le camp du Struthof, et les hommes des Vosges incorporés dans la Wehmarcht, et symétriquement, côté Sétif, retrouver Nedjma de Kateb Yacine.
Ce texte fait partie de ceux qui m´ont été adressés pour la collection Déplacements : on sait immédiatement, à les lire, qu´il n´y a pas à se positionner comme juge, ou à appréhender même ces surgissements comme objets littéraires. Il faut, à nous tous, des écritures qui aillent à cet endroit-là, en brassent la matière, le vocabulaire, les visages, fassent lien de l´histoire à nos mots, nos corps. Format trop bref pour un livre, hésitation ?
Et si Internet pouvait justement inaugurer ici un nouveau pacte ? Je laisse ce texte dans ces formes brèves parce que je souhaite qu´il circule largement. Je le laisse dans cet espace de téléchargement payant, parce qu´il s´agit d´un travail d´auteur, d´un format travaillé comme tel. Et qu´il s´agit quand même d´un processus d´édition : non pas abandonner des mots à l´immense océan du web. Et ce texte s´y prête d´autant mieux que l´auteur, comme d´autres sur ce site, pratique la radio et l´image, conduit à Montreuil un lieu d´expérimentation : en s´ancrant dans un réel différent pour nos pratiques d´écriture, les textes qui naissent appellent aussi à d´autres cinétiques, d´autres modes de lecture ou de scène.
Ci-dessous présentation par Isabelle Rèbre, et un extrait.
FB présentation, par Isabelle Rèbre Le 8 mai 1945, l´Allemagne nazie capitulait face aux Alliés. Le même jour, l´armée française tirait sur les manifestants à Sétif et Guelma, faisant des milliers de victimes parmi ceux qu´on nommait les indigènes qui avaient osé crier "Vive l´Algérie libre !".
" Qu´est-ce que tu faisais le 8 mai 1945 ? " demande une jeune femme à son père : L´homme, allongé dans un lit d´hôpital, sort d´un long coma et d´une vie de silence. Il raconte comment son père l´emmenait la nuit, regarder les lumières du camp de concentration du Struthof. Tous les soirs, sur la montagne d´en face, ils se tenaient là, debout dans le silence. Il dit qu´enfant il a tout vu.
Comme un échos au " Tu n´as rien vu à Hiroshima ", on lui dit que c´est faux, qu´il n´a rien vu au Struthof, qu´il a dû imaginer cela.
Un adolescent du même âge en Algérie, au même moment, debout au milieu des cadavres à Sétif a fait de cette vision de l´horreur, le point de départ, de retour et d´appui de sa vie d´écrivain.
sur l´auteur Isabelle Rèbre explore la parole. Elle travaille depuis 15 ans à une écriture à dire :
Pour la radio, elle a réalisé une trentaine de documentaires radiophoniques pour France Culture ; Ton 8 mai 1945 et le mien y a été mis en ondes en novembre 2002 par Jacques Taroni avec les voix de Maurice Garrel, Evelyne Didi, Sid Ahmed Agoumi et Marie Payen.
Pour la scène, elle a écrit Moi, quelqu´un (Actes Sud Papiers, 1998) et elle anime des ateliers d´écriture théâtrale en milieu scolaire et auprès d´adultes amateurs.
Pour la télévision, elle a réalisé plusieurs documentaires et notamment des portraits (Lucien Israël, André S. Labarthe, Jean Rustin).
En 2002, avec 5 artistes, elle a créé le collectif (CAP)* qui expérimente les rapports théâtre/cinéma/danse/écriture/arts plastiques dans un laboratoire implanté à Montreuil et ouvert à tous les publics.
Elle écrit actuellement Fin, une pièce de théâtre sur un célèbre cinéaste suédois.
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