"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Alors qu'elle rentre d'une journée en forêt, Miên, une jeune femme vietnamienne, se heurte à un attroupement : l'homme qu'elle avait épousé quatorze ans auparavant et qu'on croyait mort en héros est revenu. Entre-temps Miên s'est remariée avec un riche propriétaire terrien, Hoan, qu'elle aime et avec qui elle a un enfant. Mais Bôn, le vétéran communiste, réclame sa femme. Sous la pression de la communauté, Miên retourne vivre avec son premier mari.
Au fil d'une narration éblouissante, l'auteur plonge dans le passé de ces trois personnages, victimes d'une société pétrie de principes moraux et politiques, tout en évoquant avec bonheur la vie quotidienne de son pays, ses sons, ses odeurs, ses couleurs...
Terre des oublis, roman de l'après-guerre du Viêtnam, est un livre magistral.
Miên est une jeune femme, elle mène une vie simple et heureuse avec son mari Hoan et leur fils Hanh.
Un jour, alors qu'elle rentre d'une journée en forêt avec les autres femmes du village, elle voit un attroupement devant chez elle. Bôn, son premier mari et porté disparu depuis de nombreuses années est revenu.
Elle n'a pas le choix, la pression de la communauté est grande. Elle doit retourner avec son premier mari. Elle doit quitter richesse et bonheur pour la pauvreté. Ainsi elle gardera l'honneur et honorera la société.
Un récit qui se situe après la guerre du Vietnam.
C'est un roman d'amour vu par ces trois personnages principaux : Miên, Bôn et Hoan. Un roman choral où les pensées de chacun alternent au fil des chapitres.
On peut noter la grande présence de la nature et de ces descriptions tout au long du récit.
Je ne connais pas le Vietnam. Ce fut une première approche et une première découverte pour moi. J'ai été immergée dans ses traditions et ses paysages. La place importante de la hiérarchie, des repas et de la gastronomie, de la médecine traditionnelle.
Une écriture très poétique qui développe les cinq sens.
Je note un bémeol. Le récit est très lent et répétitif. J'ai eu régulièrement l'impression de tourner en rond. J'ai eu régulièrement de la lassitude.
Un voyage, une plongée dans le Vietnam.
"Les feuilles saines protègent les feuilles déchirées et celui qui boit au fleuve se souvient de la source."
"Lui, l'homme éduqué, capable d'imaginer les jouissances de la vie, était devenu insensible à la vie réelle."
Bon est parti à la guerre juste après son mariage avec Mien.
Ayant disparu, il est déclaré mort et c'est 2 ans après cette avis de décès que Mien contracte mariage avec Hoan dont elle aura un garçon.
Lorsqu'il revient de la guerre, la culture vietnamienne veut que l'épouse retourne avec son premier mari.
Cette histoire est écrite avec beaucoup de poésie, elle nous fait découvrir la culture vietnamienne.
L'histoire est bouleversante et déchirante.
A lire.
Vietnam, hameau de la Montagne, cette journée est particulière pour Miên, partie avec d’autres femmes faire la récolte du miel. La journée est étouffante, il a beaucoup plu et la nature est plus présente que jamais. Mais Miên a un pressentiment qui se confirme quand elle arrive à proximité de sa maison, il y a un attroupement.
Elle pense immédiatement à son fils Hanh qui est gardé par sa tante et à son mari Hoan parti faire ses livraisons qui ne rentrera que dans quelques jours. Est-il arrivé malheur à l’un de ces êtres qui lui sont chers ?
Mais qu’elle n’est pas sa stupeur de découvrir que son premier mari, celui qu’elle a épousé lorsqu’elle avait quinze ans et qui est mort à la guerre, est là devant elle.
Elle ne veut pas le croire, tout en elle refuse.
« Comme si elle avait perdu l’esprit, Miên répète les paroles de l’homme :
— Oui, c’est moi, Bôn, je suis revenu…
Miên reste figée, éperdue. »
Quatorze années se sont écoulées, elle avait reçu l’avis de décès. Elle est mariée avec Hoan, a un petit garçon Hanh et est heureuse.
Mais nous sommes au Vietnam où les affaires privées ne le sont pas vraiment. Les autorités sont déjà là ainsi que tous les voisins, avides de savoir ce qui va se passer.
« Ecoutez, Bôn, reposez-vous pour reprendre des forces. Nous verrons ce qu’il y a lieu de décider. Comme je l’ai dit, Miên ne s’est remariée que deux ans après avoir reçu l’avis de votre décès. Elle a rempli toutes ses obligations morales envers vous. Votre femme n’est pas fautive. »
Un trio qui n’aurait pas dû exister. La guerre a fait des victimes collatérales.
La communauté a tr anché, elle s’organise pour venir en aide à Bôn, elle va former une brigade d’aide à la réparation de sa masure, qu’il partageait avec sa sœur et qui est dans un état épouvantable.
Hoan, homme généreux et hospitalier, pendant ce temps de latence, subit la double peine, il se retrouve seul, les voisins ne viennent plus partager le jeu d’échecs et les friandises offertes…
« Tout le monde traite le jeune couple comme des condamnés à mort attendant l’exécution. »
Les derniers instants en tête à tête entre Mien et Hoan montre l’osmose qu’il y a entre eux, l’amour dans les moindres gestes qu’ils ont l’un envers l’autre.
Elle doit laisser derrière elle son fils, elle lui rendra visite chaque jour. Elle doit le préserver et le laisser dans le cocon qu’ils ont formé pour lui.
Mien va vivre comme encagée dans cette masure avec son ancien mari complètement dépassé par la vie, il n’est qu’obsessions, posséder sa femme est la principale. Pas d’échanges, juste son obsession. Chaque voisin, chaque arbre, chaque plante ont des yeux d’espion, chacun a un avis sur cette situation.
Rien n’est tranché, tout est sous-entendu. Cela fait masse, un coup de massue sur le crâne de Mien qui la laisse vide.
Et pour cause,
« Au Hameau de la Montagne, tout ce qui se passe dans une famille est soumis à la discussion dans les clubs familiaux. Quels qu’ils soient, qu’ils le veuillent ou non, les personnages en vue de la foule sont décrits, analysés, disséqués et, finalement, doivent se soumettre au verdict. Les clubs familiaux sont les plus anciens tribunaux des villages. »
C’est un roman long, dense, tout est là sous les yeux du lecteur pour lui faire vivre cette histoire exceptionnelle, douloureuse et lui faire connaître les us et coutumes d’un pays qui n’est pas le sien.
La violence de la guerre et ses séquelles, les victimes collatérales, les carcans, les préjugés servant de moral. La vie des femmes.
L’écriture est luxuriante comme les paysages, le récit maîtrisé tendu vers l’inexorable, comme les ravages faits par un ouragan qui après avoir tout détruit, laminé, voit la nature reverdir mais différemment.
Un panorama sociologique et psychologique si fouillé et en même temps très accessible, l’art de dire beaucoup sans morale superflue.
Un voyage inoubliable qu’il faut prendre le temps de savourer, une histoire qui reste gravée.
©Chantal Lafon-Litteratum Amor 14 mai 2020.
Une histoire émouvante avec des personnages attendrissant.
Quelle histoire !...
…que celle de cette « Terre des oublis » titre énigmatique dont la signification n’est révélée qu’à l’avant-dernière phrase d’un livre qui se dévore comme un polar.
Le Vietnam a retrouvé la paix. La « libération » a mis fin aux combats qui ont déchiré le pays pendant plus de trente ans. Mien est belle…à 17 ans elle a épousé Bôn qui est parti faire la guerre quatre mois plus tard. Comme beaucoup il y est mort. Mien a pris le deuil, honoré son défunt époux et puis sept ans plus tard a rencontré et épousé Hoan, l’amour de sa vie, qui lui a donné un fils et une existence très confortable dans ce pays très pauvre. Elle est heureuse…
Un soir, la foule des voisins est attroupée devant sa maison quand elle rentre de la forêt ; Qui est cet homme ? « Mien ! C’est moi, je suis revenu… »… « C’était son mari quatorze ans plus tôt. L’âme errante qu’elle honore sur l’autel depuis si longtemps s’est soudain réincarnée dans ce corps noir, cette peau et ces lèvres cadavériques. Bôn est revenu. Mien comprend qu’elle est piégée. Elle ne sait plus comment elle va vivre depuis que l’âme errante est descendue de l’autel honorant le héros de la patrie pour s’assoir devant elle et boire goulûment le thé en la fixant de son regard passionné »
Hoan est un commerçant avisé ; il arrive au port avec une cargaison de marchandises nouvelles et des cadeaux pour sa femme mais la nouvelle est déjà là : « ton oncle va perdre sa femme ; le mari de Mme Mien est revenu, l’homme dont on avait annoncé le décès il y a bien longtemps ». Il va devoir renoncer à sa femme adorée… le malheur s’abat sur lui comme la foudre « (il avait) l’air d’un poussin égaré loin de la couvée »
Bôn est toujours amoureux de Mien qu’il a rêvé de retrouver depuis quatorze ans. Il n’a plus rien, mis à part une masure et une friche incultivable. Comment va-t-il réussir à reconquérir l’amour de sa bien-aimée ?
Nous suivons ces trois victimes à retardement de cette guerre terrible et le lecteur ne peut que compatir à chacun de leurs malheurs et tourments. On découvre comment et pourquoi Bôn a été considéré comme mort, comment il a survécu et a erré si longtemps, comment et pourquoi Hoan n’est pas allé faire la guerre, pourquoi il ne peut pas « refaire sa vie » après le départ de Mien et comment cette dernière vit ou survit au traumatisme qu’elle subit en abandonnant son mari et son fils pour retourner vivre avec Bôn.
Au fil du récit de ces trois vies saccagées, les sentiments défilent superbement décrits : l’amour, la passion, la jalousie, la grandeur d’âme, la pitié, le sacrifice, la solidarité, la soumission, l’isolement, le malheur. Le dénuement et la pauvreté extrême de ceux que le Ciel a punis côtoient l’aisance de ceux qu’il a choyés. La description de la dureté de la condition féminine ne se limite pas aux malheurs de Mien mais traverse toute la société au travers des personnages secondaires.
Cela n’empêche pas une de ces femmes de river leur clou aux hommes médisants « j’envie Mien, mais je ne la déteste pas. Qui n’envierait pas une personne aussi chanceuse ? Mais quand le Ciel nous refuse la beauté, nous nous résignons à épouser des hommes sans talents ni générosité, des poulets estropiés condamnés à chercher pitance autour de la meule… »
Ce roman magnifique qui nous emmène dans la jungle de khop, dans la forêt et sur les plages de la cote est rempli de couleurs et de senteurs ; il éclaire le contraste, voire le conflit, entre les habitants de la montagne et ceux de la plaine côtière et donne envie d’aller découvrir tous ces paysages.
Un choc ! Ce livre est une pure merveille.
L'histoire se déroule sous la forme d'un roman choral à trois voix. Un triangle amoureux, qui n'en n'est pas un, mais qui touche pourtant trois innocentes victimes.
Le lecteur plonge alternativement dans les pensées de chacun des acteurs de cette tragédie et se voit impliqué dans leurs introspections grâce à un jeu d'écriture en italique qui ponctue les paragraphes.
Le "Sergent" est là aussi de temps en temps. Personnage d'ombre, sorti de terre, mort au combat dans les bras de Bôn. Il revient quand son meilleur ami ne parvient plus à faire surface et devient le confident, le conseiller, comme les héros imaginaires le sont pour les jeunes enfants.
Un livre intense donc, dans une période d'après guerre où la majeure partie de la population a pour préoccupation principale de trouver le bol de riz qui nourrira sa famille. Un univers de pauvreté, de dénuement, de prostitution dans un Vietnam encore meurtri des suites de la guerre, mais aussi enfermé dans des principes et des traditions archaïques.
Se pose alors la question du libre arbitre. Peut-on, et doit-on accepter les facéties cruelles du destin ? L'amour ou l'honneur ?
J'ai beaucoup aimé l'approche de l'auteur, car le schéma comportemental et psychologique de chacun des personnages est admirablement bien dépeint.
Chacun des protagonistes m'a touché : Miên pour son admirable abnégation, Hoan pour son comportement digne et exemplaire, et Bôn parce qu'il est probablement celui pour qui la vie s'est montrée la plus sévère et la plus injuste.
Pourtant, je me suis quand même posée cette question : et si... ?
Miên était mariée à Bôn avant la guerre du Vietnam. Mais il n'est jamais revenu et elle a refait sa vie avec Hoan, riche commerçant, l'amour inconditionnel de sa vie. Et voilà qu'un jour, quatorze ans plus tard, Bôn réapparaît, réclamant le retour de sa femme auprès de lui...
Terre des oublis est un livre magnifique, poétique et triste à la fois. Je ne connaissais pas l'auteure Duong Thu Huong mais elle a le talent de transmettre tout l'attachement qu'elle porte pour son pays. Malgré ses 700 pages, le livre est très agréable à lire et l'intrigue prenante.
Au finale, une histoire d'amour bouleversante et un cadre renversant. Une vraie découverte.
Parfois au hasard de vos lectures vous tombez sur un roman dont le sujet est à mille lieux de vos préoccupations, de vos habitudes et de votre mode de vie et pourtant la magie opère. Vous vous trouvez happer dans un monde différent du votre dont les émotions sont pourtant ressenties comme votres. Ces émotions-là passent le filtre de la traduction, dépassent les clivages sociaux des civilisations pour ne laisser subsister qu’une sensation universelle, brute et pure à la fois.
Ce roman est une jolie démonstration qui nous permet d’entrapercevoir l’universalité de l’être humain.
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L’auteur Duong Thu Huong, de nationalité vietnamienne, nous raconte une histoire d’amour et surtout de souffrances. Au fil des pages, elle nous dévoile comment cette histoire est indissociable de l’histoire politique de son pays, sans toutefois sombrer dans une critique forcenée ou exagérée du régime. Pourtant comme ses personnages, elle est muselée, elle aussi, en tant qu’auteur, jusqu’à l’empêcher de publier en mettant ainsi à mal sa propre liberté.
Elle choisit de nous raconter l’existence de Mien qui a perdu son premier mari Bôn lors de la guerre opposant son pays aux américains. Mien, qui, passé un long temps de deuil, retrouve l’amour auprès de Hoan dont elle aura un fils. Or Bôn après plus d’une dizaine d’années d’errance dans la jungle laotienne revient au village retrouver sa femme Mien et reprendre sa place auprès d’elle. Le poids des convenances sociales étant ce qu’il est dans cette société du Sud-Est asiatique, la jeune femme cède à la pression de sa communauté. Trois vies d’adulte sont alors brisées d’un seul coup, inexorablement. Chacun de ces trois personnages voit, à sa manière, son destin basculer et s’enfoncer dans une misère affective sans fond. Cette détresse, l’auteur, l’évoque si justement et si sensiblement qu’elle nous remue jusqu’au fond des entrailles pour nous atteindre en plein cœur.
Ainsi, dans ce roman, où tout nous dépayse : que ce soient par l’évocation d’innombrables détails olfactifs, visuels ou sonores relatifs à la culture de ce pays ou par la façon très imagée et particulière d’écrire, l’auteur nous immerge totalement mais tout délicatement dans son univers au-delà des continents et des océans. Et par-dessus tout, elle parvient à nous transmettre successivement les différents ressentis de ces trois personnages sans jamais les trahir ou tomber dans une espèce de caricature vulgaire dominée par toutes sortes d’excès.