"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Jusqu'où peuvent mener les bons sentiments, ceux d'un simple salarié qui croit pouvoir sauver sa boîte en difficulté avec pour seul objectif la satisfaction du devoir accompli ?
D'un devoir que personne n'a jamais évoqué devant lui. Pour François, la question ne se pose pas, il se sent chargé d'une vraie belle mission. Même si la mort est au rendez-vous? Il ira au bout. Tant pis...
Un roman noir au cheminement bien original que nous offre l’auteur. Une vie de grisaille à laquelle son héros aimerait bien échapper …jusqu’au jour où il aura une idée folle pour sauver des emplois , pour que « la petite » reste…elle est son seul espoir en une vie meilleure…jouer un peu à être Dieu en somme!
De l’humour, de la poésie , de la dérision pour cacher peine et tristesse qui affleurent , tout cela soutenu par une écriture talentueuse … l’auteur a eu le prix Renaudot et ce n’est pas un hasard
En dehors des sentiers battus, voici un roman noir magistralement surprenant. Ca commence dès l’introduction qui vous prend à contre-pied. Vous avez lu deux pages, vous avez compris que… et puis, à la page suivante, vous réalisez que vous avez été malicieusement berné. Une entrée en matière époustouflante. La suite est une histoire hallucinante qui a pour cadre le monde de l’assurance. Difficile de résumer l’intrigue sans déflorer le sujet. Confions donc cette tache à l’auteur et à son (anti)héros, inspecteur corporel, chargé d’évaluer et de négocier les indemnités réparatrices de ce qu’on appelle en assurance « les accidents de la vie » :
« Le rêve, c’est le célibataire. Jeune de préférence. Imagine un jeunot tétraplégique : pas drôle pour lui, dramatique pour l’assureur. Entre les frais divers et la tierce personne vingt-quatre heures sur vingt-quatre, une fortune. A s’arracher les cheveux. Le même rend l’âme : personne à charge, préjudice moral des parents, des frères et sœurs, quelques bricoles, de la rigolade. Je sais, ça peut choquer, mais il faut regarder les choses en face. La dure loi du marché. Que vaut la vie humaine ? Moins cher qu’une jambe coupée ? Ca remet les pieds sur terre. Celui qui reste, du moins. »
La compagnie d’assurance va mal, et notre inspecteur de se demander s’il n’est pas en son pouvoir de rétablir les comptes, de sauver les emplois de ses collègues et celui surtout de la jolie Sylvette. A quel prix ?
Vous y êtes ? Un roman noir très original, à l’humour encore plus noir, baignant dans l’autodérision glaçante de l’inspecteur. C’est déjà formidablement bien écrit et suffit à vous tenir en haleine. Mais en traitant de sujets graves et douloureux avec de grands moments d’intense émotion, ce roman sort de sa catégorie pour n’être plus qu’un grand roman, un de ceux dont les thèmes vous poursuivent bien après que vous les ayez refermés.
-la fragilité du bonheur qu’on n’imaginait pas quitter si rapidement.
-les faux semblants derrière lesquels nous dissimulons parfois nos sombres pensées et actions.
-la détresse et l’impuissance des accompagnants devant la déchéance physique ou mentale d’un proche.
-la culpabilité de ne pas en faire assez et les questions sans réponse qu’on se pose sur l’euthanasie.
« J’ai posé le brumisateur, l’ai soulevée d’un bras pour replacer l’oreiller. Il faisait chaud, il faisait sombre, à la radio un quatuor de Schubert, je n’avais pas entendu lequel, peut-être La jeune fille et la mort, ce serait drôle, je transpirais, au lieu de replacer l’oreiller, je m’en suis emparé, maman dodelinait de la tête sur mon bras, il me suffisait de l’allonger et d’écraser l’oreiller sur la bouche édentée, sur la peau aux reflets jaunâtres, cela ne prendrait pas longtemps, je regardais l’arme et la victime, j’ai eu l’impression qu’un bourdon venait d’entrer dans la chambre, c’était curieux, et puis maman a ouvert son œil valide, elle l’a ouvert et son regard s’est fixé sur moi, il ne m’a pas traversé comme à l’accoutumée, il m’a vraiment fixé, sans méfiance, sans hargne, j’y ai vu, j’ai cru y voir une exhortation, un appel au secours, j’ai cru entendre les cris d’un enfant perdu dans le noir. Les doigts crochés dans la plume de l’oreiller, je restais là à bercer ce qui restait d’une mère. Je me suis accordé un délai, j’essayais de me calmer par de longues inspirations, et puis ma main gauche s’est lassée de ma couardise, elle est entrée en action, elle a affermi sa prise, je regardais comme au spectacle l’oreiller s’approcher de sa proie.
Comme au spectacle, on a toqué à la porte… »
Derrière l’humour noir ravageur qui vous fait sourire pour mieux vous horrifier ensuite, il est difficile de ne pas penser à certains faits divers assez médiatisés. Mais comme c’est un roman noir que vous avez en main, vous voilà soudain à tourner les pages de plus en plus vite car vous vous en doutez… une dernière pirouette vous attend !
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