"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Un roman noir au cheminement bien original que nous offre l’auteur. Une vie de grisaille à laquelle son héros aimerait bien échapper …jusqu’au jour où il aura une idée folle pour sauver des emplois , pour que « la petite » reste…elle est son seul espoir en une vie meilleure…jouer un peu à être Dieu en somme!
De l’humour, de la poésie , de la dérision pour cacher peine et tristesse qui affleurent , tout cela soutenu par une écriture talentueuse … l’auteur a eu le prix Renaudot et ce n’est pas un hasard
En dehors des sentiers battus, voici un roman noir magistralement surprenant. Ca commence dès l’introduction qui vous prend à contre-pied. Vous avez lu deux pages, vous avez compris que… et puis, à la page suivante, vous réalisez que vous avez été malicieusement berné. Une entrée en matière époustouflante. La suite est une histoire hallucinante qui a pour cadre le monde de l’assurance. Difficile de résumer l’intrigue sans déflorer le sujet. Confions donc cette tache à l’auteur et à son (anti)héros, inspecteur corporel, chargé d’évaluer et de négocier les indemnités réparatrices de ce qu’on appelle en assurance « les accidents de la vie » :
« Le rêve, c’est le célibataire. Jeune de préférence. Imagine un jeunot tétraplégique : pas drôle pour lui, dramatique pour l’assureur. Entre les frais divers et la tierce personne vingt-quatre heures sur vingt-quatre, une fortune. A s’arracher les cheveux. Le même rend l’âme : personne à charge, préjudice moral des parents, des frères et sœurs, quelques bricoles, de la rigolade. Je sais, ça peut choquer, mais il faut regarder les choses en face. La dure loi du marché. Que vaut la vie humaine ? Moins cher qu’une jambe coupée ? Ca remet les pieds sur terre. Celui qui reste, du moins. »
La compagnie d’assurance va mal, et notre inspecteur de se demander s’il n’est pas en son pouvoir de rétablir les comptes, de sauver les emplois de ses collègues et celui surtout de la jolie Sylvette. A quel prix ?
Vous y êtes ? Un roman noir très original, à l’humour encore plus noir, baignant dans l’autodérision glaçante de l’inspecteur. C’est déjà formidablement bien écrit et suffit à vous tenir en haleine. Mais en traitant de sujets graves et douloureux avec de grands moments d’intense émotion, ce roman sort de sa catégorie pour n’être plus qu’un grand roman, un de ceux dont les thèmes vous poursuivent bien après que vous les ayez refermés.
-la fragilité du bonheur qu’on n’imaginait pas quitter si rapidement.
-les faux semblants derrière lesquels nous dissimulons parfois nos sombres pensées et actions.
-la détresse et l’impuissance des accompagnants devant la déchéance physique ou mentale d’un proche.
-la culpabilité de ne pas en faire assez et les questions sans réponse qu’on se pose sur l’euthanasie.
« J’ai posé le brumisateur, l’ai soulevée d’un bras pour replacer l’oreiller. Il faisait chaud, il faisait sombre, à la radio un quatuor de Schubert, je n’avais pas entendu lequel, peut-être La jeune fille et la mort, ce serait drôle, je transpirais, au lieu de replacer l’oreiller, je m’en suis emparé, maman dodelinait de la tête sur mon bras, il me suffisait de l’allonger et d’écraser l’oreiller sur la bouche édentée, sur la peau aux reflets jaunâtres, cela ne prendrait pas longtemps, je regardais l’arme et la victime, j’ai eu l’impression qu’un bourdon venait d’entrer dans la chambre, c’était curieux, et puis maman a ouvert son œil valide, elle l’a ouvert et son regard s’est fixé sur moi, il ne m’a pas traversé comme à l’accoutumée, il m’a vraiment fixé, sans méfiance, sans hargne, j’y ai vu, j’ai cru y voir une exhortation, un appel au secours, j’ai cru entendre les cris d’un enfant perdu dans le noir. Les doigts crochés dans la plume de l’oreiller, je restais là à bercer ce qui restait d’une mère. Je me suis accordé un délai, j’essayais de me calmer par de longues inspirations, et puis ma main gauche s’est lassée de ma couardise, elle est entrée en action, elle a affermi sa prise, je regardais comme au spectacle l’oreiller s’approcher de sa proie.
Comme au spectacle, on a toqué à la porte… »
Derrière l’humour noir ravageur qui vous fait sourire pour mieux vous horrifier ensuite, il est difficile de ne pas penser à certains faits divers assez médiatisés. Mais comme c’est un roman noir que vous avez en main, vous voilà soudain à tourner les pages de plus en plus vite car vous vous en doutez… une dernière pirouette vous attend !
Classique mais original. Original parce qu’écrit à quatre mains par quatre copains d’adolescence réunis à l’époque par un ballon de rugby et retrouvés autour de cet essai d’écriture fort bien transformé.
Classique parce qu’on pense immédiatement au Dumas de « Vingt Ans Après ». Ici, nos quatre mousquetaires n’ont pas pris vingt ans mais quarante. Exit, les exploits, les aventures et les projets. Restent les souvenirs, les regrets, et l’amertume. Hier, ils triomphaient à l’orée de leurs vingt ans, aujourd’hui, ils battent en retraite devant une vieillesse qui les oppresse aussi implacablement qu’ une quinzaine de All Blacks déchaînés. Que s’est-il donc réellement passé dans la nuit radieuse où tout aurait du commencer et où tout semble avoir dérapé pour nos jeunes champions de rugby. La vérité (ou plutôt celle de chacun des protagonistes) ne nous est révélée que très parcimonieusement, de telle sorte que l’intrigue reste assez mystérieuse jusqu’au bout. Pourquoi se sont-ils quittés, qu’ont-ils à se reprocher ?
J’imagine que les quatre amis, co-auteurs ont pris du bon temps pendant la rédaction de ce roman, alors autant leur dire que le lecteur que je suis a apprécié de naviguer quelques heures dans les pensées et les souvenirs de leurs personnages.
Bref, un bon roman d’atmosphère sur la jeunesse et son insouciance disparue et sur la vieillesse, ses renoncements et ses regrets. Sur les années soixante aussi, ces objets et ce mode de vie qui nous semblent si proches et si lointains, perdus à jamais dans l’océan de nos regrets et de notre jeunesse évanouie.
« Et je me suis retrouvé à l'intérieur (du café). J'ai eu un coup d'oeil circulaire. Bien des choses avaient été changées (mobilier, sol, éclairages, etc.) mais la géographie des lieux était restée la même. S'il avait été rénové, le comptoir n'avait pas été déplacé. Il a connu le temps du Cinzano, du 421, du cendrier en opaline, du présentoir d'oeufs durs. Il a entendu dire un grand nombre d'inexactitudes. D'exagérations aussi, particulièrement à la saison des cèpes et des palombes. Sa patine maîtrise le patois landais, connaît la légende et la poésie locales. Un zinc immuable. Peut-être même immortel. Seuls les anciens se sont effacés du décor. Partis avec leur béret. »
Voilà un roman sur l’espoir et le dépit, la corruption de l’innocence d’un enfant qui, après s’être entiché d’espoir, sombrera peu à peu au fil des ans dans la vengeance et le cynisme des plus sordides. Un roman douloureux.
Pour les amateurs d’intrigues ambigües, de fausses pistes, de personnages ambivalents... et de belle plume.
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