Dans ces récits de Gilles Ortlieb, nous savons peu de celui qui raconte, mais nous pressentons qu'il est le même à chaque fois, d'un mois, d'une année à l'autre. À travers son regard distancié et solitaire, nous le suivons dans divers lieux et villes (une caserne, des hôtels, le mont Athos, Marseille), dont il nous transmet l'atmosphère à la fois intemporelle et concrète, remplie de détails du quotidien, qui deviennent aussi précis et essentiels que de grands événements : des événements du quotidien.
Ainsi, Soldats, le récit d'ouverture, nous décrit la vie routinière d'appelés au service militaire, dans la caserne d'une petite ville d'Allemagne.
L'absurdité de cette expérience pèse sur les soldats, qui aiment à se rappeler leur vie passée et leurs projets d'avenir. Le narrateur est, quant à lui, perdu, abattu, et c'est dans les détails d'un fleuve, d'une salle obscure à l'aube où les soldats ne se devinent qu'à leur silhouette, tandis que par la fenêtre la nature commence à paraître, ou d'enfants jouant ensemble, qu'il semble pouvoir redonner un peu de poids à un temps qu'il ressentait comme « sans épaisseur ». Mais, dans les autres récits de ce recueil, c'est un narrateur libéré de son abattement, ayant trouvé le chemin vers l'écriture, qui évoque les personnages étranges et chaleureux qui l'accompagnent au long de ses voyages, de ses errances.
Deux odyssées miniatures plus récentes, « Noël à Ithaque » (2006) et « En pays gommé » (2011) ont été ajoutés, pour la présente édition, aux cinq récits du recueil de 1991.
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