"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
« Je crevais d'être vue par eux, voulue par eux, admirée d'eux. Leur approbation conditionnait ma vie. Alors je les flattais et leur donnais ce qu'ils attendaient, je croyais ainsi m'émanciper, m'éloigner de ma mère, défier des règles ancestrales ou religieuses. J'étais en vérité leur esclave. » Quand Lila emménage à Paris pour y étudier le droit, tout lui semble à portée de main. Pourtant, à la faculté, la réalité des rapports sociaux la rattrape. Ses camarades des beaux quartiers respirent l'assurance et la sécurité, elle enchaîne les petits boulots pour payer son loyer. Une situation qui la rend invisible. Alors, protégée par un pseudonyme, Lila commence à se prostituer sur Internet. Elle fixe le prix, rencontre des hommes choisis, aidée par ses consoeurs de la « putosphère ». D'abord enivrée de sa puissance, la jeune femme perd peu à peu le contrôle sur ce corps dangereusement étranger. En mettant en scène les rapports de domination et les fractures sociales sous le prisme de la prostitution, puis de la pornographie, Aure Hajar signe un roman bouleversant sur le conditionnement et la liberté de choisir sa vie.
Pouvoir choisir sa vie est très difficile et c’est encore plus difficile quand on est une femme.
Aure Hajar qui enseigne le droit à Paris, publie son premier roman : Sentir mon corps brûler. Dans ce livre, elle plonge dans la vie de Lila, fille d’une mère marocaine et d’un père français qui a disparu. Elle aussi est étudiante en droit dans la capitale et elle est vite confrontée aux problèmes d’argent. Aussi, elle décide de passer sa première annonce de putain ou plutôt d’escort car les petits boulots comme les gardes d’enfants ne suffisent pas pour vivre et étudier au cœur de Paris.
Voilà donc celle qui raconte, qui se raconte, dans la putosphère, comme elle l’écrit, et tout de suite elle éprouve de la haine pour les clients. À chaque rendez-vous, une fois payée, son corps est disponible à volonté. Pour pouvoir supporter cela, elle qui dit s’appeler Fleur se dissocie de ce corps.
À la fac de droit, elle retrouve Andrea, une amie d’enfance, se lie avec Agathe dont les parents financent les études. Elle tombe amoureuse de Victor, le frère d’Andrea, qui la délaisse assez vite, se rabat sur Arnolphe… sans trouver le parfait amour qu’elle recherche.
Avec beaucoup de sincérité, Lila se confie, livre ses impressions, ses doutes, ses angoisses mais c’est de plus en plus pénible, même si je comprends la nécessité de telles confidences accompagnées d’hésitations, de retours en arrière, de fâcheries, de réconciliations…
De temps en temps, ses souvenirs d’enfance remontent à la surface et les relations compliquées avec sa mère ne facilitent pas son parcours de vie.
D’étudiante qui tente de s’appliquer à une prostitution sélective, Lila bascule de plus en plus vers le sexe tarifé, vite sordide. La rencontre avec Candice est une véritable introspection, une profonde recherche à propos de leur prostitution qui semble légère au début mais peut mener très loin et saboter la personnalité de celle qui s’y livre. Cela, Aure Hajar le démontre très bien.
Tout au long de ce livre, c’est l’attitude des hommes vis-à-vis des femmes qui est stigmatisée. Ils sont pratiquement tous des « bêtes » comme c’est écrit et répété à de nombreuses reprises. Dans ce livre, qu’ils soient étudiants ou installés dans la vie, célibataires ou mariés, ce ne sont que des profiteurs, des jouisseurs sans scrupule, sans le moindre respect pour celles qu’ils rencontrent.
Le comble de l’ignoble est atteint lorsque Lila se laisse entraîner dans le tournage de films pornos. C’est une spirale infernale et les hommes qui sont aux commandes ne méritent même pas le nom de « bêtes ».
Enfin, pour exister, il faut être toujours jeune et belle : Aure Hajar dénonce bien cette injonction omniprésente dans les émissions, les chaînes d’infos, les films, les magazines et… chez les putes. C’est un engrenage dans lequel les femmes s’engouffrent volontairement ou malgré elles. L’âge qui avance inexorablement fait alors des ravages et exclut sans pitié celles qui ont cédé à cette loi du système.
Alors, revient sans cesse cette haine des hommes qui, si elle est justifiée pour certains, ne peut s’appliquer à tous alors que ce livre ne fait aucun détail. Que ce soit à l’université, en politique, chez les clients des travailleuses du sexe – expression revendiquée par Candice -, le constat sans nuance est trop exclusif pour être juste. Il faut bien sûr défendre la cause des femmes mais est-ce la meilleure solution d’exclure les hommes alors qu’il faut d’abord et surtout les rappeler à l’ordre, au respect, afin de pouvoir partager des relations et même un amour permettant un épanouissement commun ?
J’ai reçu Sentir mon cœur brûler, version poche, en service presse, de la part des éditions Eyrolles que je remercie.
Chronique illustrée à retrouver ici : https://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/2024/11/aure-hajar-sentir-mon-corps-bruler.html
Aure Hajar nous fait entrer dans la tête d’une étudiante quelconque en quête de reconnaissance. Et pour pouvoir exister aux yeux des filles et des garçons d’une classe sociale supérieure et surtout être désirée par ses derniers, cette jeune fille tombe dans une spirale nocive qui la détruit à petit feu.
A travers le parcours intérieur de Lila, à travers les différentes rencontres qu’elle fait, le lecteur est confronté à toutes les mécanismes employés par la gente masculine afin de contrôler les femmes. Ils leur mentent, ils les méprisent, ils les manipulent, ils les violent et bien sûr ils les jugent. Et comme l’ensemble de la société est conditionnée pour accepter ces faits, ces filles, ces épouses, ces amantes, ces mères se retrouvent prises dans un engrenage qui va dicter leurs comportements.
Dans cette histoire en apparence insouciante, l’autrice met parfaitement en exergue ce rapport de domination. Elle creuse même un peu plus le sujet, en se concentrant sur les femmes fragilisées par leur passé. Elle développe l’idée d’amnésie post-traumatique qui protège le cerveau des conséquences psychologiques d’un drame mais qui devient ensuite une vulnérabilité qui annihile les émotions. Les personnes ayant vécues une agression se retrouvent alors sans défense face aux différents prédateurs et elles subissent leur sort.
Vous aurez donc compris que ce texte va beaucoup plus loin qu’il n’y paraît. Mais « Sentir mon corps brûler » n’est pas un essai. Grâce à une écriture fluide et incarnée, Aure Hajar utilise le romanesque pour analyser le rapport de force entre les femmes et les hommes. Avec des scènes parfois dures, elle nous livre une aventure existentielle aussi captivante qu’anxiogène. Elle nous ouvre les yeux sur une réalité impitoyable qui perdure dans le temps. Pour la force de son message, ce livre est donc à mettre entre toutes les mains, surtout des plus conservateurs, à qui il fera le plus grand bien !
https://leslivresdek79.wordpress.com/2024/10/28/972-aure-hajar-sentir-mon-corps-bruler/
Cette jeune étudiante en première année de droit se trouve dans une situation de précarité que la garde d’enfants ne parvient pas à résoudre. C’est ainsi qu’elle en viendra à louer son corps pour subvenir à ses besoins. Louer, ou vendre ?
Quelles que soient les motivations invoquées pour s’adonner au commerce sexuel, le constat est terrifiant, c’est son âme que l’on brade.
Avec la découvert de ce milieu, Lila découvre la bestialité des hommes, leur violence, leur cupidité, insoutenables autant que le sont les odeurs. Tombant dans les pièges qui lui sont tendus, malgré le soutien et les avertissements de ses compagnes d’infortune, elle en arrivera à proposer ses services pour le tournage de films X.
Le ton employé laisse entrevoir une rédemption pour la jeune femme. Mais c’est plutôt à sa descente aux enfers que l’autrice nous convie.
Pas de surprise sur les faits révélés, l’ambiance sordide ne surprendra personne.
Il est dommage cependant que le roman n’ait pas consacré une part plus importante à la reconstruction, qui ne peut se résumer à une bourse de précarité et des APL. Sans compter les moments de découragements inhérents à la situation.
Ce roman pourrait constituer une aide précieuse pour les jeunes étudiantes qui n’ont parfois d’autre choix que ces chemins de misère pour parvenir à leur but, au risque de se perdre.
260 pages Eyrolles 9 février 2023
Des fois il est difficile de trouver les mots tellement vous désirez arriver à convaincre les autres de lire un roman qui vous a tellement plu, surtout quand le sujet est assez difficile. Et dans ce cas, « difficile » est un euphémisme car il va être question de prostitution et de pornographie.
Lila vient de rentrer en fac de droit à Paris, elle a grandi dans une cité de banlieue avec sa mère et la différence de milieu social avec les autres étudiants va lui sauter au visage. Au milieu de ses camarades financièrement à l'aise, elle va avoir du mal à s'intégrer et ceci, ajouté à la précarité de sa propre situation, va la pousser à prendre une mauvaise décision. Sous le couvert d'un pseudonyme, Lila décide de se prostituer en ligne.
Bien évidemment, au départ, elle pense maîtriser la situation en mettant en place une certaine routine, mais petit à petit elle perd le contrôle et c'est une longue descente aux enfers qui va commencer pour elle…
Je ne sais pas si c'est le fait que le roman soit écrit à la 1ère personne du singulier ou bien si c'est le fait d'être une femme mais j'ai ressenti une profonde empathie pour Lila qui va finir par dissocier son esprit de ce corps complètement déshumanisé et avili.
Ce livre m'a bouleversée, certaines scènes sont vraiment très difficiles à lire, certaines m'ont même donné envie de vomir…
Clairement dans ce roman les hommes ne se taillent pas la part belle : ils abusent et profitent de femmes en détresse psychologique, ils sont misogynes, violents, pervers…
L'auteure nous a expliqué lors d'une rencontre visio que l'idée du roman lui était venue d'un constat qu'elle avait fait : autour d'elle, plusieurs femmes détestaient les hommes. Elle a donc cherché à comprendre pourquoi.
C'est un roman coup de point qui dénonce de nombreux comportements à travers le prisme d'une victime. Car oui, malgré le fait qu'elle se soit retrouvée à emprunter ce chemin, Lila est une victime : on n'arrive pas là par choix, il y a souvent une fragilité, une fêlure que certains arrivent à déceler et à exploiter.
J'ai aimé le style et la manière dont le sujet est traité, je ne peux que vous encourager vivement à lire ce livre.
C'est le 1er roman de Aura Hajar et c'est une belle réussite !
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