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Lorsque l'Académie suédoise distingue Imre Kertész, le communiqué disait ceci :
"Le prix Nobel de littérature pour l'année 2002 est attribué à l'écrivain hongrois Imre Kertész pour une oeuvre qui dresse l'expérience fragile de l'individu contre l'arbitraire barbare de l'histoire.
L'oeuvre d'Imre Kertész examine si la possibilité de vie et de pensée individuelles existe encore à une époque où les hommes se sont subordonnés presque totalement au pouvoir politique. Son oeuvre revient continuellement sur l'événement déterminant de sa vie : Auschwitz, où il fut déporté adolescent lors des persécutions nazies des juifs hongrois. Pour l'écrivain, Auschwitz ne constitue pas un cas d'exception, tel un corps étranger qui se trouverait à l'extérieur de l'histoire normale du monde occidental, mais bien l'illustration de l'ultime vérité sur la dégradation de l'homme dans la vie moderne." La reconnaissance de l'Académie suédoise est au centre de ce journal de 2001 à 2003. La vie d'avant - la vie d'après. Finalement pas si différentes qu'on l'imagine.
L'auteur s'amuse avec beaucoup d'autodérision de ses premiers pas dans le monde de l'informatique et du traitement de texte, mais il est rapidement rattrapé par ce qui l'a pourtant poussé à écrire sur un clavier : la maladie de Parkinson, qui handicape sa main droite. Comme on le sait, cette maladie n'altère pas les facultés mentales, et Kertész se voit confronté, avec toute la lucidité qui le caractérise, à sa lente déchéance physique.
Les réflexions que lui inspire l'écriture de son roman Liquidation (Actes Sud, 2004 ; Babel n° 707), qui avance à grand peine, sont un des leitmotive du journal de ces années. Kertész est insatisfait de son travail et se demande s'il a encore des facultés créatrices, qu'il associe au plaisir d'écrire à la main. D'abord amusant, l'ordinateur devient le triste compagnon de ses longues nuits d'insomnie où il ressasse son impuissance, ses idées noires. La maladie soudaine de son épouse le fait s'enfoncer encore plus profondément dans les ténèbres.
Son texte est également jalonné de remarques (quasi-prophétiques) sur la situation intérieure hongroise et la montée inexorable des idées néo-fascistes et de l'antisémitisme, qui amène Kertész à quitter le pays pour s'installer à Berlin.
Le prix Nobel de littérature le fait connaître du grand public hongrois, mais lui attire aussi des inimitiés. Il poursuit néanmoins l'écriture de Liquidation dont la parution clôt ce journal.
Sauvegarde est un texte remarquable de sincérité : au-delà des réflexions sur la politique, l'histoire et la littérature, on peut lire le "portrait véritable" d'un vieil homme dont le sens aigu de l'observation n'épargne ni le monde qui l'entoure, ni lui-même.
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