Une sélection de vos lectures préférées de la rentrée !
« Ma rue raconte l'histoire du monde avec une odeur de poubelles. Elle s'appelle rue Le´on, un nom de bon Franc¸ais avec que des me´te`ques et des visages bruns dedans ».
Abad, treize ans, vit dans le quartier de Barbe`s, la Goutte d'Or, Paris XVIIIe. C'est l'a^ge des possibles : la se`ve coule, le coeur est plein de ronces, l'amour et le sexe torturent la te^te. Pour arracher ses de´sirs au destin, Abad devra briser les re`gles. A` la manie`re d'un Antoine Doinel, qui veut re´aliser ses 400 coups a` lui.
Rhapsodie des oublie´s raconte sans concession le quotidien d'un quartier et l'odysse´e de ses habitants. Derrie`re les cliche´s, le crack, les putes, la violence, le de´sir de vie, l'amour et l'enfance ne sont jamais loin.
Dans une langue explosive, influence´e par le roman noir, la litte´rature naturaliste, le hip-hop et la soul music, Sofia Aouine nous livre un premier roman e´blouissant.
Une sélection de vos lectures préférées de la rentrée !
« Ma rue raconte l’histoire du monde avec une odeur de poubelles. »
La Goutte d’Or, Barbès, rue Léon,le magasin Tati, Paris 18ème arrondissement. Pas le 18ème de Montmartre, non, le populeux, le coloré, celui qui fait un peu peur. « Une planète de martiens, un refuge d’éclopés, de cassos, d’âmes fragiles de « ceux qui ont réussi à dépasser Lampedusa » »
C’est là que vit Abad et sa famille, partie du Liban pour vivre dans ce quartier. Un immeuble où l’on entend tout chez les voisins. Il a treize ans, un goût prononcé pour les grosses poitrines, les petites, les nichons… Bref, il est en pleine crise, le sexe le démange, l’amour l’interroge. Lorsqu’un groupe de femen logent en face de chez lui, c’est la masturbation assurée , bon prince, il loue ou prête, selon les garçons, sa fenêtre.
Ce gamin est éveillé, intelligent, un titi parisien nouveau genre, genre Momo du livre de Romain Gary-Emile Ajar. Dans son quartier se côtoient les putes, les intégristes que les gamins appellent les Barbapapas, tout comme les femmes voilées, surnommées « Batman »
Les adultes les pensent mauvais, mauvais élève, sale, menteur, méchant alors « que dans la vraie vie, celle qui pue la merde, c’est la rue qui nous appelle et non l’inverse. Et pour ceux qui n’ont pas de mère, il n’y a qu’elle pour les comprendre, les aimer, et donner un sens à leur vie. Ceux qui habitent là où ça sent les fleurs ne peuvent pas piger. »
Plusieurs femmes lui ont donné tout l’amour et la confiance qu’il recherche. Il y eut d’abord, Gervaise (coucou Zola!), la pute au grand cœur qui arrive du Cameroun et rêve de retrouver sa fille restée au pays. Tous les deux se tapissent le coeur de petits moments de tendresse glanés ça et là ; elle mourra sous les coups de son mac et ou de sa bande.
Odette fut sa chance. Cultivée, archiviste à la Maison de la Radio, elle lui fait faire ses devoirs, lui ouvre son univers culturel et qu’Abad rapproche un peu de sa grand-mère tant chérie.
Ida, la psy, qui lui est imposée par l’Aide Sociale à l’Enfance, celle qui nomme « la dame d’ouvrir dedans ». « Comme tous les mardis à 18 heures, je suis assis sur la petite chaise en bois inconfortable en face de la dame d’ouvrir dedans . Il faudra parler ». Pourtant parler, il ne le veut pas ; par son obstination, « Pourquoi toi, dans ton fauteuil tu comprendrais quelque chose à ce qui m’arrive ? On n’a pas la même vie.. En pus je te l’ai dit, je cause qu’aux belles, pas à des vieilles comme vous qui ont des têtes de crapaud moisi ». Ce dot être difficile à entendre alors, elle lui raconte son histoire et l’ouvre-boîte fonctionne et… Il parle et, peut-être grandit.
Ce gamin et sa bande des « Apaches du dimanche » font les quatre cents coups comme tout gamin. Ils vivent, s’amusent dans la rue et Sofia Aouine s’en fait la porte-parole (Il y a un peu du Momo du roman de Romain Gary). Ce quartier polyphonique, multiracial est dur. La bande y côtoie la drogue, le sexe, les barbapapas, les batman.
Tiens, je ne résiste pas à recopier le passage concernant « la secte » qui a capté son meilleur pote Slobodan Radovitch qui « s’était transformé en marionnette de carnaval pour mecs du Jihad ».
« La secte des moitié qamis moitié jogging Philippe Plein pailleté, baskets Louboutin cloutées à mille K, moitié din moitié bicrave, un pied dans les go fast et l’autre dans la Hijra, moitié rap moitié tajwiq, une oreille chez Kaaris et l’autre dans l’application islam-pro d’Apple Store. Génération étrange allant à la mosquée après la sortie chicha night-club du vendredi, rêvant du combo Phuket, Marrakech, Dubaï et de faire la oumra en même temps, du cul de Kim Kardashian et d’épouser une fille en niqab labellisé halal -mais si possible avec le corps d’une escort de Vivastreet ».
Ce passage donne le ton du livre, à la fois savoureux, piquant, ironique, tragique, très réaliste et touchant (lorsque Abad ouvre son cœur.)
Un très bon premier livre et une autrice à suivre.
https://zazymut.over-blog.com/2022/06/rhapsodie-des-oublies-sofia-aouine-editions-de-la-martiniere-208-pages-29-aout-2019-isbn-9782732487960-4eme-de-couverture-ma-rue-raconte-l-histoire-du-monde-avec-une-odeur-de-poubelles-elle-s-appelle-rue-le-on-un-nom-de-bon-franc-ais-avec-que-de.h
Je viens de terminer ce premier roman haut en couleur de Sofia Aouine.
Abad, treize ans, d’origine Libanaise, vit à Barbès à Paris.
Ce roman, c’est le quotidien d’Abad, la rue, la misère, entre les barbus, les prostituées, la drogue, le quartier, les trafics, les voisins et la famille vous allez être servis ! Cet ado nous parle de tout et de rien, de son intimité, son quotidien...
C’est une lecture entraînante, moderne, tendre, réaliste ! Une lecture un peu brutale mais lumineuse.
Le langage de cette auteure est argotique, soutenu, cru, elle s’est mise à la place de ce gamin ce qui apporte une touche réaliste du quotidien de ces quartiers. Sa plume est magnifiquement bluffante ! L’auteure entre avec brio dans la peau de cet ado (l’attitude, les réactions d’Abad... Tout y est...)
On passe par une multitude d’émotions, on rit, on pleure,on vit voire on survit avec Abad et on ne peut pas les oubliés. C’est une claque ! Un récit authentique, décapant, puissant et percutant !
Pour mon avis personnel, c’est juste une belle explosion littéraire ! Un premier roman réussi bravo à Sofia Aouine.
Retrouvez ma chronique détaillée sur mon blog juliechronique.fr
Prix des Lecteurs du Livre de Poche 2021 - Sélection de Février
La promesse d’un livre
Ici, c’est Paris, mais pas le chant du stade un jour de match. Ici c’est Paris, la rhapsodie des oubliés. Et le rhapsode, slameur moderne, c’est Abad, 13 ans, Libanais, "primo-arrivant", "primo-délinquant" entraîné par ses hormones dans des situations rocambolesques.
Les oubliés ce sont :
Ida, enfant juive cachée qui a échappé aux camps mais vécu comme un fantôme dont l’ombre plane dans le cabinet de sa fille, la psy qui aide Abad « à regarder en dedans ».
Gervaise, la prostituée camerounaise avec qui il partage des petits pains chauds chapardés chez le boulanger, qui rêvait d’être blanchisseuse et d’élever sa fille Nana.
Nour, son premier coup d’amour, déguisé en "Batman" par les "Barbapapas" qui prennent peu à peu le contrôle dans le quartier et prônent le djihâd moins par conviction religieuse que soif de pouvoir.
Enfin Odette, comme une seconde grand-mère, qui lui transmet le goût de la culture.
J’ai découvert Rhapsodie des oubliés lors du passage de Sofia Aouine dans La Grande Librairie et j'ai eu très envie de le lire. J’étais prête à parier sur un coup de cœur mais au final c’est comme on dit un "rendez-vous manqué".
En terme de style, c’est vivant , j’ai souri lorsque j’ai entendu des phrases telles que " je ne suis pas un Emmäus de l’amitié !" et j’ai apprécié les déambulations lyriques nocturnes d’Abad sous le ciel de Barbès éclairé par les néons roses et bleus de Tati.
Sofia Aouine parle avec poésie " de la république des sans sommeil, ceux qui ne veulent pas sentir la lumière parce qu’ils ont peur de se voir eux-mêmes. " Mais ce livre qui s'inscrirait dans la lignée des Misérables et de Zola m’a parfois paru superficiel : le bar-PMU qui s’appelle le Titanic, la rhapsodie qui tourne au requiem…
En refermant ce livre, j’ai surtout repensé au pétillant Kiffe kiffe demain de Faïza Guène, lu il y a quelques années, qui offrait une vision de la vie dans une cité avec beaucoup d’humour mais sans pathos.
Rhapsodie des oubliés, c'est une immersion dans le Paris des bas-fonds, à travers le regard cru et sans filtre d'Abad, un adolescent de 13 ans qui a du fuir le Liban avec ses parents et qui vit désormais dans le quartier de Barbès : « une planète de martiens, un refuge d'éclopés, de cassos, d'âmes fragiles, de « ceux qui ont réussi à dépasser Lampedusa », de vieux Arabes d'avant avec des turbans sur la tête et des têtes d'avant, de grosses mamans avec leurs gros culs et leurs chariots qui te bloquent le passage quand tu veux traverser le boulevard. Des gens honnêtes qui ont toujours l'air de voleurs et qui rasent les murs pour pas qu'on les voie … Ma rue a la gueule d'une ville bombardée, une gueule de décharge à ciel ouvert, une rue qui ne dort jamais, où les murs ressemblent à des visages qui pleurent ».
Dès les premières pages, le ton est donné, et Abad va raconter son quotidien et celui de sa bande des « quatre fantastiques » avec laquelle il fait les 400 coups.
Même si la première partie m'a moyennement convaincue car un peu trop axée à mon goût sur les émois sexuels adolescents, je me suis laissée entraîner dans l'histoire de ce personnage malicieux et attachant. J'ai aimé sa rage et son grand cœur, ainsi que la maturité et l'impertinence avec lesquelles il évoque le sort des habitants de son quartier, ces déracinés à qui la vie ne fait de cadeau.
L'auteure décrit d'une plume très juste la violence de la rue, gangrenée par l'intégrisme, la prostitution et la drogue. Au milieu de la misère, elle a su insuffler de la beauté et de l'humanité avec de beaux portraits de femmes. Il y a notamment Gervaise, la prostituée africaine prise au piège d'un réseau et qui rêve de retrouver sa petite fille restée au pays, Odette, sa voisine âgée qui rappelle à Abad sa mémé Jémayel et qui lui fait aimer la culture et les livres, et Ethel, la psychologue au lourd passé qu'Abad est contraint de consulter sur décision du juge des enfants et qui l'aide à « ouvrir dedans ».
J'ai tout de même un petit regret : la chute du livre, assez brutale et qui m'a laissée sur ma faim...
Lu dans le cadre du prix des lecteurs du livre de poche 2021
Sofia Aouine, je ne la connaissais pas du tout et n’avais jamais vu son roman. Je suis donc très contente d'avoir pu la découvrir et la lire avec ce prix. C’est un premier roman, j'ai trouvé le style très original, l'auteure a réussi à se mettre à la place d'un ado de treize ans, avec son langage et sa façon de parler, ses attitudes, ses réactions, tout sonne vrai et rien que pour ça seulement, ce roman est remarquable.
J'ai donc fait la connaissance de ce garçon, Abad, il a treize ans, il vit à Paris, dans le quartier de Barbès, il est d'origine libanaise, avec une mère renfermée et silencieuse, et un père qui a quitté le domicile familial suite à un accident qui l'a rendu invalide. Voilà Abad devenir l’homme de la famille. Abad va ainsi nous raconter son quartier, la vie de chacun, de ses voisins, au collège avec ses copains. Il est très lucide sur le monde qui l'entoure, et ainsi nous parle de la violence qui existe, la drogue, le sexe, la radicalisation. Et puis, ce sont aussi les premiers émois, les premières œillades pour guetter des filles qui se déshabillent. La vie n'est pas facile pour Abad, qui a un regard très mature sur sa situation et celle des gens qui l'entourent.
Finalement, quand on regarde bien ce garçon, il est entouré de beaucoup de femmes qui auront de l'importance pour lui, dans sa construction. Il y a une jeune fille qu'il surnomme Batman, dont il tombera amoureux, sa psychologue, Ethel Frutterman, dont on apprendra également le passé douloureux et qui poussera Abad dans ses réflexions ; il y a la vieille voisine, Odette, qui lui fera prendre goût à la lecture et à la musique ; et Gervaise, une prostituée africaine qui espère pouvoir retourner au Cameroun où elle a laissé sa fille Nana. Ces personnages féminins sont très importants pour Abad, et bien qu'il joue les gros durs, ces femmes permettront de révéler sa grande sensibilité. On va ainsi suivre Abad dans sa vie de tous les jours, avec les bêtises que peut faire un adolescent, et en même temps soumis aux dures réalités de la vie.
Je me suis vite attachée à ce jeune homme. On n'a qu'une envie en le lisant, c’est de le protéger, de lui venir en aide, même si on se doute que sa forte personnalité refusera que l'on vienne à son secours. Il est débrouillard, n'a pas sa langue dans sa poche, dit ce qu'il pense même si ça ne plaît pas. Il m'a fait penser à tous ces gamins qui poussent tout seuls, où la rue est leur seconde maison, ils savent tout sur tout le monde, connaissent pas mal de combines et semblent n'avoir peur de rien.
On s’attache également à d'autres personnages, surtout que l'auteure nous raconte leurs vécus, je pense à la psychologue, Ethel, au passé familial lourd, et aussi à Gervaise. Le parallèle d'ailleurs avec la Gervaise de Emile Zola est à faire, elle aussi a une petite fille qui s'appelle Nana, elle aussi vit dans la rue, elle aussi vient de milieux défavorisés. J'ai beaucoup aimé ce rapprochement très significatif.
L’attachement aux personnages se fait notamment grâce au choix narratif de l'auteure, qui est à la première personne du singulier. Je suis toujours plus sensible à ce « je » qui me permet de me mettre dans la peau du personnage et de me sentir au plus près de ses pensées et de ses envies. Je ressens alors très intimement ses émotions. Je trouve cette façon d’écrire plus intimiste, et cela donne un autre rendu de lecture.
Et surtout, ce qui frappe tout de suite le lecteur dès les premières pages, c’est le style de Sofia Aouine. Comme je le disais plus haut, elle a très bien réussi à se mettre dans la peau de son jeune héros, mais à tel point, qu'elle a exactement retranscrit sa façon de parler, ses mots, son argot. Le style est donc parfois très cru, à la limite de la vulgarité, comme le peuvent être des jeunes entre eux. C’est percutant, corrosif, ça remue, ça questionne. Je n'ai pas toujours compris tous les mots d'argot, mais je devinais facilement leur signification selon le contexte. Tout est savamment dosé par l'auteure, des phrases longues mélangées à des phrases plus courtes, des descriptions juste ce qu’il faut pour bien se mettre dans l'ambiance, pas de lourdeurs. Des émotions dans les mots. Quand elle parle d'un autre personnage que Abad, le style est plus éloquent. J'ai déjà lu des romans parlant de la situation de ces gamins dans les rues, mais je ne me souviens pas en avoir lu un du point de vue direct de l'un d'entre eux. Et ce qui marque surtout cette lecture, c’est le style, la façon de parler plus vraie que nature. Certains n’aimeront pas et ne trouveront pas ça très « littéraire » mais je trouve justement que c’est ce qui fait la force de ce livre et ce qui fait qu'on a du mal à l'oublier.
C’est avec un mélange de tendresse et aussi de virulence, que Sofia Aouine nous fait passer des messages importants sur la vie de ces quartiers en marge de la société, avec tout un panel de personnages qui ne veulent qu'une chose, vivre. J'ai été souvent bien émue devant leur histoire personnelle, quand on connait leur passé, on ne peut que comprendre leur présent, mêlé parfois de haine et de violence. Le récit n'est jamais larmoyant ou dramatique, l'auteure décrit tout cela avec tellement de naturel et de poésie, avec des touches d'humour, cela donne un récit très juste et agréable à lire. De tels sujets n'ont pas dû être faciles à aborder par l'auteure, et elle s'en sort très bien. C'est son premier roman, et je trouve que c’est une plume très prometteuse, elle a beaucoup de potentiel.
Le roman est assez court, et il se lit très bien et très facilement. On est vite embarqués dès le début dans la lecture, on suit Abad et ses aventures et on a vite envie de savoir ce qui va lui arriver. Des chapitres sont consacrés à la vie d'autres personnages, ils pourraient même servir de base à un nouveau roman, je pense notamment à la psychologue et à Odette ou encore Gervaise et ce qu'elle a vécu au Cameroun. La fin reste ouverte, on arrive à un moment important de la vie d'Abad, qui va être complètement transformée, j'aurais aimé en savoir plus, mais je la trouve tout de même porteuse d’espoir.
Pour conclure, j'ai passé un très bon moment avec ce roman, je n’oublierai pas de sitôt ce jeune garçon et surtout je note Sofia Aouine dans mes auteurs à suivre. J'aimerais beaucoup la lire à nouveau, je suis curieuse de savoir de quel sujet elle parlera et comment elle le fera. C’est une auteure au talent très prometteur, que je vous recommande de lire.
Dans un premier temps, Sofia Aouine plante le décor et décrit l'ambiance dans laquellevit Abad, ce jeune adolescent de 13 ans, exilé du Liban il y a seulement trois ans, mais qui a "déjà l'impression d'avoir vieilli de dix piges", rien qu'en se posant sur le banc du square Léon. Il vit avec ses parents dans le quartier de Barbès, La Goutte d'Or, à Paris XVIIIe et sa rue est la rue Léon.
C'est lui qui est le narrateur, un narrateur philosophe, inoubliable.
À cause de bêtises commises avec sa bande des "Apaches du dimanche", il sera considéré comme primo-délinquant et sera astreint par les services sociaux à des séances chez une psychologue qui va, comme il le dit si bien "l'ouvrir dedans". Elle s'appelle Ethel Futterman. Très rétif au départ, il ne dit mot, et lorsque la psychologue change de méthode lui disant : "Pose-moi des questions, si tu ne veux pas répondre aux miennes", il va tout lâcher et elle aussi lui racontera sa vie, et quelle vie ! Il va comprendre alors que chaque être porte un passé, souvent très lourd à assumer.
Tout en décrivant le quotidien du quartier populaire de Barbès, avec toute sa diversité, ceci, de manière remarquable, l'auteure nous brosse une série de portraits réalistes, avec une verve acide et à la fois tendre et émouvante. Elle explique aussi comment certains jeunes du collège, des potes à Abad, peuvent très vite se convertir au djihad sans que personne n'ait rien vu venir. Le conflit des générations pèse également dans ces vies difficiles.
Difficile en tout cas, de ne pas être émue par Odette, cette voisine amoureuse de la musique depuis toujours, par la vie brisée de Gervaise, cette prostituée africaine si belle, venue pour sauver sa fille Nana, ou par ce jeune moldave arrivé en cours d'année au collège. Que dire de cette fille d'en face dont Abad était tombé amoureux en voyant son visage entre toutes les fenêtres : "Elle se devait de rester invisible sous le tissu noir qu'on lui avait imposé quand elle était devenue une femme."
Rhapsodie des oubliés est un titre bien choisi et on ne peut plus explicite.
J'ai beaucoup apprécié la beauté des mots et la justesse de ton avec laquelle l’écrivaine a décrit la vie de ces femmes, leurs joies, leurs souffrances surtout, mais aussi leur combat pour survivre.
Avec ce premier roman, Sofia Aouine réussit un livre très maîtrisé qui rend compte à la fois de cette période délicate de l'adolescence, des difficultés rencontrées par un jeune enfant pour s'épanouir, dans un contexte aussi violent - un des chapitres s'intitule d'ailleurs : Ceux qui n'auront pas d'enfance - mais également de la vie pleine de bruits, de couleurs, d'odeurs et malheureusement de noirceur de ces quartiers où vivent nombre d'oubliés. Il serait peut-être temps d'ouvrir les yeux et de partager !
Le Prix de Flore a récompensé en 2019, de façon très méritée, ce superbe roman éblouissant et bouleversant, à l'écriture jeune et alerte.
Si j'ai pu découvrir ce roman, c'est grâce à Yaena, une amie babéliote, que je remercie ici, qui en a fait une superbe critique et m'a vraiment donnée envie de le lire !
Chronique à retrouver sur : http://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/
C’est l’histoire d’un jeune libanais ayant fui son pays et atterrissant à la Goutte d’Or, quartier coloré et populaire de Paris.
Entre un père taiseux, détruit par un travail (lorsqu’il en avait un) harassant et douloureux et une mère retranchée et presque absente, Abad passe beaucoup de temps dans la rue avec les copains, un peu à l’école et encore plus à la fenêtre de sa chambre à observer ses voisines, tentant ainsi d’assouvir ses désirs d’adolescent.
Ce livre est plein de la testostérone de ces adolescents, de la bêtise de ses apprentis salafistes mais aussi de la force de ses personnages féminins. Entre la « dame d’ouvrir dedans », la psy qui le fait parler alors qu’il ne veut pas, Odette, sa vieille voisine qui lui parle de livres, de musique, de films ou bien Gervaise la « pute camerounaise », ces femmes sont un peu ses mamans de substitutions, celles à qui il se raccroche dans ce monde trop brutal. Et sans oublier « Batman », cette jeune voisine embrassée une fois (quel souvenir !) et qui lui écrit le quotidien de cette jeune musulmane emprisonnée dans l’intolérance coranique de son père et de son frère ; bouleversant !
La langue de ce monologue est celle de la rue, de ces jeunes au langage parfois trash et cru. Cela pourrait être lassant s’il n’y avait dans ce récit un mélange d’innocence, de naïveté mais aussi une volonté à raconter, sans fard, sa vie, le quartier, mais aussi la débrouille, la misère de ces oubliés, l’amitié de cette bande de copains plus intéressés par les « nichons yougo » que par l’école.
C’est le récit à la fois tendre et amer d’un ado déraciné qui se cherche, se construit au milieu des habitants de ce quartier parisien qui ne ressemble à aucun autre. Et c’est pas mal du tout !
Vous vous-êtes déjà demandé ce qu'il pouvait se passer dans la tête d'un adolescent ? Sofia Aouine réussit à se glisser dans la tête d'Abad, 13 ans. Avec un langage cru, elle nous fait partager ses pensées et sentiments, son obsession des filles, la découverte de son corps et des premiers émois mais aussi les bêtises avec les copains du quartier. Mais ce roman, ce n'est pas seulement l'histoire d'un ado en milieu défavorisé. C'est aussi l'histoire d'un quartier, celui de la goutte d'or, dans le 18ème arrondissement de Paris. L'auteur peint une réalité, un quartier populaire, où se côtoient les immigrés, les prostituées, les travailleurs. La pauvreté est partout... et on l'oublie souvent, lorsque l'on habite de l'autre côté de Paris. Un autre pan de ce roman est l'hommage fait aux femmes: elles tiennent un rôle important, elles seront le soutien d'Abad, qui les respectera toujours et les aimera encore plus. Les portraits de Gervaise, la prostituée, d'Odette, la voisine âgée et d Ethel, la psychologue sont particulièrement émouvants. Sofia Aouine, que j'ai découverte dans la Grande Librairie, livre un premier roman vif, avec un style percutant, brut de décoffrage, tout en contraste avec des envolées lyriques et poétiques. Elle m'offre mon premier coup de coeur de la rentrée littéraire 2019 ❤️. Un roman à ne surtout pas oublier !
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