"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
« Ma rue raconte l’histoire du monde avec une odeur de poubelles. »
La Goutte d’Or, Barbès, rue Léon,le magasin Tati, Paris 18ème arrondissement. Pas le 18ème de Montmartre, non, le populeux, le coloré, celui qui fait un peu peur. « Une planète de martiens, un refuge d’éclopés, de cassos, d’âmes fragiles de « ceux qui ont réussi à dépasser Lampedusa » »
C’est là que vit Abad et sa famille, partie du Liban pour vivre dans ce quartier. Un immeuble où l’on entend tout chez les voisins. Il a treize ans, un goût prononcé pour les grosses poitrines, les petites, les nichons… Bref, il est en pleine crise, le sexe le démange, l’amour l’interroge. Lorsqu’un groupe de femen logent en face de chez lui, c’est la masturbation assurée , bon prince, il loue ou prête, selon les garçons, sa fenêtre.
Ce gamin est éveillé, intelligent, un titi parisien nouveau genre, genre Momo du livre de Romain Gary-Emile Ajar. Dans son quartier se côtoient les putes, les intégristes que les gamins appellent les Barbapapas, tout comme les femmes voilées, surnommées « Batman »
Les adultes les pensent mauvais, mauvais élève, sale, menteur, méchant alors « que dans la vraie vie, celle qui pue la merde, c’est la rue qui nous appelle et non l’inverse. Et pour ceux qui n’ont pas de mère, il n’y a qu’elle pour les comprendre, les aimer, et donner un sens à leur vie. Ceux qui habitent là où ça sent les fleurs ne peuvent pas piger. »
Plusieurs femmes lui ont donné tout l’amour et la confiance qu’il recherche. Il y eut d’abord, Gervaise (coucou Zola!), la pute au grand cœur qui arrive du Cameroun et rêve de retrouver sa fille restée au pays. Tous les deux se tapissent le coeur de petits moments de tendresse glanés ça et là ; elle mourra sous les coups de son mac et ou de sa bande.
Odette fut sa chance. Cultivée, archiviste à la Maison de la Radio, elle lui fait faire ses devoirs, lui ouvre son univers culturel et qu’Abad rapproche un peu de sa grand-mère tant chérie.
Ida, la psy, qui lui est imposée par l’Aide Sociale à l’Enfance, celle qui nomme « la dame d’ouvrir dedans ». « Comme tous les mardis à 18 heures, je suis assis sur la petite chaise en bois inconfortable en face de la dame d’ouvrir dedans . Il faudra parler ». Pourtant parler, il ne le veut pas ; par son obstination, « Pourquoi toi, dans ton fauteuil tu comprendrais quelque chose à ce qui m’arrive ? On n’a pas la même vie.. En pus je te l’ai dit, je cause qu’aux belles, pas à des vieilles comme vous qui ont des têtes de crapaud moisi ». Ce dot être difficile à entendre alors, elle lui raconte son histoire et l’ouvre-boîte fonctionne et… Il parle et, peut-être grandit.
Ce gamin et sa bande des « Apaches du dimanche » font les quatre cents coups comme tout gamin. Ils vivent, s’amusent dans la rue et Sofia Aouine s’en fait la porte-parole (Il y a un peu du Momo du roman de Romain Gary). Ce quartier polyphonique, multiracial est dur. La bande y côtoie la drogue, le sexe, les barbapapas, les batman.
Tiens, je ne résiste pas à recopier le passage concernant « la secte » qui a capté son meilleur pote Slobodan Radovitch qui « s’était transformé en marionnette de carnaval pour mecs du Jihad ».
« La secte des moitié qamis moitié jogging Philippe Plein pailleté, baskets Louboutin cloutées à mille K, moitié din moitié bicrave, un pied dans les go fast et l’autre dans la Hijra, moitié rap moitié tajwiq, une oreille chez Kaaris et l’autre dans l’application islam-pro d’Apple Store. Génération étrange allant à la mosquée après la sortie chicha night-club du vendredi, rêvant du combo Phuket, Marrakech, Dubaï et de faire la oumra en même temps, du cul de Kim Kardashian et d’épouser une fille en niqab labellisé halal -mais si possible avec le corps d’une escort de Vivastreet ».
Ce passage donne le ton du livre, à la fois savoureux, piquant, ironique, tragique, très réaliste et touchant (lorsque Abad ouvre son cœur.)
Un très bon premier livre et une autrice à suivre.
https://zazymut.over-blog.com/2022/06/rhapsodie-des-oublies-sofia-aouine-editions-de-la-martiniere-208-pages-29-aout-2019-isbn-9782732487960-4eme-de-couverture-ma-rue-raconte-l-histoire-du-monde-avec-une-odeur-de-poubelles-elle-s-appelle-rue-le-on-un-nom-de-bon-franc-ais-avec-que-de.h
Je viens de terminer ce premier roman haut en couleur de Sofia Aouine.
Abad, treize ans, d’origine Libanaise, vit à Barbès à Paris.
Ce roman, c’est le quotidien d’Abad, la rue, la misère, entre les barbus, les prostituées, la drogue, le quartier, les trafics, les voisins et la famille vous allez être servis ! Cet ado nous parle de tout et de rien, de son intimité, son quotidien...
C’est une lecture entraînante, moderne, tendre, réaliste ! Une lecture un peu brutale mais lumineuse.
Le langage de cette auteure est argotique, soutenu, cru, elle s’est mise à la place de ce gamin ce qui apporte une touche réaliste du quotidien de ces quartiers. Sa plume est magnifiquement bluffante ! L’auteure entre avec brio dans la peau de cet ado (l’attitude, les réactions d’Abad... Tout y est...)
On passe par une multitude d’émotions, on rit, on pleure,on vit voire on survit avec Abad et on ne peut pas les oubliés. C’est une claque ! Un récit authentique, décapant, puissant et percutant !
Pour mon avis personnel, c’est juste une belle explosion littéraire ! Un premier roman réussi bravo à Sofia Aouine.
Retrouvez ma chronique détaillée sur mon blog juliechronique.fr
Prix des Lecteurs du Livre de Poche 2021 - Sélection de Février
La promesse d’un livre
Ici, c’est Paris, mais pas le chant du stade un jour de match. Ici c’est Paris, la rhapsodie des oubliés. Et le rhapsode, slameur moderne, c’est Abad, 13 ans, Libanais, "primo-arrivant", "primo-délinquant" entraîné par ses hormones dans des situations rocambolesques.
Les oubliés ce sont :
Ida, enfant juive cachée qui a échappé aux camps mais vécu comme un fantôme dont l’ombre plane dans le cabinet de sa fille, la psy qui aide Abad « à regarder en dedans ».
Gervaise, la prostituée camerounaise avec qui il partage des petits pains chauds chapardés chez le boulanger, qui rêvait d’être blanchisseuse et d’élever sa fille Nana.
Nour, son premier coup d’amour, déguisé en "Batman" par les "Barbapapas" qui prennent peu à peu le contrôle dans le quartier et prônent le djihâd moins par conviction religieuse que soif de pouvoir.
Enfin Odette, comme une seconde grand-mère, qui lui transmet le goût de la culture.
J’ai découvert Rhapsodie des oubliés lors du passage de Sofia Aouine dans La Grande Librairie et j'ai eu très envie de le lire. J’étais prête à parier sur un coup de cœur mais au final c’est comme on dit un "rendez-vous manqué".
En terme de style, c’est vivant , j’ai souri lorsque j’ai entendu des phrases telles que " je ne suis pas un Emmäus de l’amitié !" et j’ai apprécié les déambulations lyriques nocturnes d’Abad sous le ciel de Barbès éclairé par les néons roses et bleus de Tati.
Sofia Aouine parle avec poésie " de la république des sans sommeil, ceux qui ne veulent pas sentir la lumière parce qu’ils ont peur de se voir eux-mêmes. " Mais ce livre qui s'inscrirait dans la lignée des Misérables et de Zola m’a parfois paru superficiel : le bar-PMU qui s’appelle le Titanic, la rhapsodie qui tourne au requiem…
En refermant ce livre, j’ai surtout repensé au pétillant Kiffe kiffe demain de Faïza Guène, lu il y a quelques années, qui offrait une vision de la vie dans une cité avec beaucoup d’humour mais sans pathos.
Rhapsodie des oubliés, c'est une immersion dans le Paris des bas-fonds, à travers le regard cru et sans filtre d'Abad, un adolescent de 13 ans qui a du fuir le Liban avec ses parents et qui vit désormais dans le quartier de Barbès : « une planète de martiens, un refuge d'éclopés, de cassos, d'âmes fragiles, de « ceux qui ont réussi à dépasser Lampedusa », de vieux Arabes d'avant avec des turbans sur la tête et des têtes d'avant, de grosses mamans avec leurs gros culs et leurs chariots qui te bloquent le passage quand tu veux traverser le boulevard. Des gens honnêtes qui ont toujours l'air de voleurs et qui rasent les murs pour pas qu'on les voie … Ma rue a la gueule d'une ville bombardée, une gueule de décharge à ciel ouvert, une rue qui ne dort jamais, où les murs ressemblent à des visages qui pleurent ».
Dès les premières pages, le ton est donné, et Abad va raconter son quotidien et celui de sa bande des « quatre fantastiques » avec laquelle il fait les 400 coups.
Même si la première partie m'a moyennement convaincue car un peu trop axée à mon goût sur les émois sexuels adolescents, je me suis laissée entraîner dans l'histoire de ce personnage malicieux et attachant. J'ai aimé sa rage et son grand cœur, ainsi que la maturité et l'impertinence avec lesquelles il évoque le sort des habitants de son quartier, ces déracinés à qui la vie ne fait de cadeau.
L'auteure décrit d'une plume très juste la violence de la rue, gangrenée par l'intégrisme, la prostitution et la drogue. Au milieu de la misère, elle a su insuffler de la beauté et de l'humanité avec de beaux portraits de femmes. Il y a notamment Gervaise, la prostituée africaine prise au piège d'un réseau et qui rêve de retrouver sa petite fille restée au pays, Odette, sa voisine âgée qui rappelle à Abad sa mémé Jémayel et qui lui fait aimer la culture et les livres, et Ethel, la psychologue au lourd passé qu'Abad est contraint de consulter sur décision du juge des enfants et qui l'aide à « ouvrir dedans ».
J'ai tout de même un petit regret : la chute du livre, assez brutale et qui m'a laissée sur ma faim...
Lu dans le cadre du prix des lecteurs du livre de poche 2021
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