Envoyez-nous vos questions et notez bien la date : ce sera le 15 novembre à 19h sur « Un endroit ou aller »
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10 livres chroniqués par les Explorateurs, 10 chroniques à découvrir !
Des talents émergents et prometteurs qui ont conquis nos Explorateurs de la rentrée
Portés par leur curiosité, ces lecteurs et lectrices avisés vous proposent un nouvel aperçu de leurs émotions littéraires...
J’ai lu ce roman qui fait partie de la sélection des @68premieresfois , mais ici, nous sommes sur le second roman de l’auteur.
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Un roman à deux voix, d’un côté le fils, de l’autre la mère.
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J’ai été touché par ce fils, que la vie n’a pas épargné. Il perd son père, puis quelques temps après sa mère l’efface de sa mémoire. Cet enfant qui se retrouve seul et contraint de vivre chez son oncle.
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J’ai été ému de le voir revenir dans la maison de son enfance, le voir redécouvrir sa mère, la folie de sa mère, l’état de la maison dans laquelle elle vit…
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Une lecture très touchante !
"Personne n'a pu éteindre cette colère, je la sens quelquefois encore, acide, tapie, tout juste endormie, prompte à escalader n'importe quel prétexte [...] pour sortir sa tête monstrueuse et mordre, déchirer, mâcher ceux qui passent à sa portée, les proches, ceux qui aiment et qu'elle lacère sans retenue. Personne n'a réussi..."
Dans la première partie, deux voix alternent. Celle de la mère qui ne parle jamais en utilisant le "je" mais uniquement "on". D'abord la perte d'un bébé, l'enfant Jean, puis la mort du père, vont la faire progressivement glisser dans la folie et un jour elle en oubliera qu'elle a un autre fils, de 15 ans, vivant lui, le second narrateur. Au point qu'il sera confié à son oncle et sa tante, devant tout quitter, lycée, petite amie, copains, cours de théâtre...
Sa mère l'a "orpheliné de son vivant".
Vingt après, marié et père de famille, il éprouve le besoin de re(de)venir (un) fils pour sa mère, de retrouver une place auprès d'elle, de faire le deuil impossible de cette enfance brisée pour pouvoir enfin avancer et cesser de jouer la comédie de celui sur qui tout glisse... Mais à quel prix ?
"L'espace où vit ma mère n'est constitué que de minutes arrêtées, d'époques qu'elle a traversées autant qu'elles l'ont traversée. Ma mère immobile au centre de son univers, dans son big-bang à l'envers, les murs toujours plus proches, toujours moins de place où circuler. Son univers est en contraction, il s'effondre sur lui-même. Il arrivera un moment où il l'engloutira. Fatalement. Quand elle ne pourra plus accumuler, et plus encore, quand elle ne pourra plus bouger, enkystée dans son sarcophage. "
Un roman déstabilisant, tour à tour bouleversant et trivial, porté par une plume très efficace pour immerger le lecteur dans une ambiance oppressante. Au point de me faire manquer d'air dans la seconde partie terrible. Déroutant, entre tendresse et hargne, un roman d'amour filial hors norme.
Revenir fils, quel drôle de titre ? Fils on l'est et on le reste tant que survivent les parents et on perd ce statut à leur départ, de façon irrémédiable. Sauf si, comme le narrateur, on est « orpheliné de son vivant » par sa mère, effacé du disque dur de sa mémoire de façon irréversible par un traumatisme de trop.
Lorsqu'il perd son père a l'âge de quatorze, il assiste impuissant, et un peu négligemment au lent glissement de sa mère dans une douce démence. Peu à peu elle se met à accumuler maintes choses inutiles, comme pour combler le vide béant laissé par les décès d'un premier fils et d'un époux.
Trop occupé à survivre lui aussi il laisse faire,jusqu'au jour où elle défaille.
C'est un roman bien inclassable que nous livre @christophe_perruchas. Roman à deux voix, il nous entraîne dans deux monologues, l'un venant de cet esprit qui déraille et l'autre de celui d'un adolescent bouillonnant, débordant de vie. Roman en deux temps aussi, quand, vingt ans plus tard, l'adolescent devenu père à son tour, essaie de renouer le fil brisé, tel un archéologue à la recherche de son passé dans la maison familiale qui a englouti toute trace de son existence.
C'est à la fois ironique et savoureux, avec des saillies mordantes, des passages absurdes et drôles, mais c'est aussi tendre et terriblement bouleversant. Triste et nostalgique, mais empreint de sensibilité et jamais plombant. Un voyage entre rire et larmes, puissant et vibrant.
Sélection 68premièresfois 2022.
Quand grâce aux fées des 68, nous suivons le travail d'écrivain. J'avais déjà lu le premier texte, "sept gingembres" et avait trouvé le roman percutant, troublant, révoltant mais une sacrée lecture.
Cette fois, l'auteur fait le portrait d'un homme et d'un fils. La première partie nous parle d'un jeune garçon, orphelin de père et qui va être pris en charge par son oncle, car sa mère va "pêter" un plomb. « La mère a touché les fils, elle a fondu les plombs », (p.94). Sa mère est atteinte du syndrome de Diogène (qui consiste à garder tout et à entasser les choses) mais elle ne se remet pas surtout de la mort subite du Petit Jean et de la perte de son mari. le narrateur va alors se retrouver orphelin de père et de mère. L'enfant lui va essayer de se construire, s'installer dans la caravane qui est au fonds du jardin, se faire des copains et des copines. Mais il sera obligé de quitter la région et de vivre ailleurs. Il va devenir orphelin, bien que sa mère soit vivante.
Nous le retrouvons ensuite alors qu'il est adulte, marié et père de deux enfants. Il va décider de retourner sur ses lieux d'enfance et essayer de reprendre contact avec sa mère, qui vit seule, encombrée dans sa maison (des scènes hallucinantes dans la maison qui est devenue une vraie jungle de cartons, de tas de journaux...).
Un texte à deux voix, celle de l'enfant-homme et de la mère.
Un texte percutant, sensible et un sacré portrait d'un homme, qui essaie de comprendre sa mère et de se comprendre. L'auteur aborde avec délicatesse, poésie et humour le thème de la folie. Une "folie douce" de la mère, qui s'est créée son monde d'encombrants (attention à ce syndrome de Diogène, moi ce sont les livres que j'entasse !!).
L'auteur parle très bien aussi de la vie de province, une banlieue proche de Nantes, de la vie au lycée, les soirées entre copains, les premières amours, flirts. Il nous parle des années 80, qui semblent si loin.
Un très beau portrait de fils-père et un bel hommage à une mère, même si elle a oublié son deuxième fils, mais la vie n'a pas été tendre avec elle. Des sujets difficiles dans ce texte (mort subite d'un nourrisson, folie de la mère..) mais l'auteur a réussi à me toucher.
Le premier livre de Christophe Perruchas m’avait troublée et laissée perplexe, incapable que j’étais de saisir comment l’auteur se situait vis-à-vis de son personnage principal, un macho de la plus belle eau rattrapé par la vague #metoo...
Je n’ai pas eu ces interrogations en lisant « Revenir fils », c’est l’émotion qui a prévalu. Mais qui ne serait pas bousculé par le désespoir d’un fils négligé en recherche d’un amour maternel qui ne peut pas advenir ?
Encore un roman qui n’est pas bien gai (#euphémisme) : mort du père, ombre insistante d’un frère décédé au berceau, folie de la mère atteinte du syndrome de Diogène (elle accumule les objets hétéroclites et en bâtit des murs à travers la maison familiale qui se délabre) ... Il faut s’accrocher !
Le récit à deux voix est prenant et multiplie les interrogations du garçon sur ce qu’est la vie, pendant qu’en parallèle, celui de la mère est souvent énigmatique (à qui fait référence le « on » qu’elle utilise ?).
Saupoudré de réminiscences des années 1980 avec leurs après-midis devant les émissions Jacques Martin et la vie en zone pavillonnaire, il est ponctué d’inventions langagières (« ma mère m’a orpheliné de son vivant » ...) qui font lever le sourcil mais participent au final à la dédramatisation de la situation.
Félicitations à l’éditeur pour la photo de couverture qui incarne parfaitement le lieu de vie choisie par le héros, permettant ainsi au lecteur/à la lectrice d’accrocher une image de refuge dans ce récit objectivement peu optimiste.
Lu dans le cadre des 68 premières fois, ce livre voyage auprès des lecteurs/lectrices engagé.e.s dans l'aventure
❝Quand on revoit quelqu'un après de longues années, il faudrait s'asseoir l'un en face de l'autre et ne rien dire pendant des heures, afin qu'à la faveur du silence la consternation puisse se savourer d'elle-même.❞
Emil Cioran, De l’inconvénient d’être né
❝La mère entière, face à moi.
La mère comme jamais. À moins d’un bras.
La mère, petite, plus encore que dans mon souvenir.
Dans une blouse bleue, tachée, les fleurs du tissu effacées, les coudes en charpie, des guêtres en laine, jadis beiges.
La mère, sa tonsure, sous ses cheveux en nylon.
La mère, ma mère.❞
Les romans de Christophe Perruchas, que j’ai découvert avec Sept gingembres déjà aux éditions du Rouergue, c’est avant tout l'assurance d’un sujet peu banal, rarement, voire jamais lu, ainsi qu’un style percutant. Dans son premier roman, il plaçait le lecteur dans la tête d’un prédateur sexuel, l’inconfort était total, suffocant, mais, à mon avis, l’auteur avait raté le coche en n’osant pas aller jusqu’au bout de son audace, préférant bifurquer aux deux tiers du livre vers un développement et une fin convenus qui m’avaient passablement déçue.
Ce second roman, que l’auteur a fait paraître il y a trois ans sous pseudonyme chez Librinova, tente d’apparier :
✧ deux êtres (une mère et son fils) ;
✧ deux voix (un « on » informe et un « je » en quête de sens/d'amour/de mère) ;
✧ deux temporalités (1987 et 2007) de six semaines chacune que sépare une ellipse de vingt ans, trou bien net dans la trame de la relation mère-fils ;
✧ deux âges ;
✧ deux espaces (un intérieur confiné, encombré et fétide, et un extérieur en déclin et froid) ;
✧ deux disparus dont les fantômes envahissants reviennent sous d'autres formes que celle attendue ;
✧ deux vides à combler.
Deux, comme les mots du titre : Revenir fils. Deux, encore deux, toujours deux.
1987. Un quartier pavillonnaire de Nantes. À la mort du père au volant de sa 504 Peugeot, le narrateur, quatorze ans, se retrouve seul avec sa mère que cette disparition finit d'anéantir. Déjà fortement ébranlée par le décès (de la mort subite du nourrisson) de Jean, son premier né, en 1961, elle se met à accumuler toutes sortes d’objets disparates censés remplir l'incommensurable vide laissé par l'époux et le fils.
❝Les boîtes de Nesquik, on ne les jette pas. Dedans, quand elles sont vides, on met des épices, des condiments, de la farine. Ou du sucre. Mieux, on les habille d’une sorte de tissu plastique. On colle bien, on évacue les bulles d’air. Et puis on les aligne sur la table de la cuisine, les trois, cinq, huit boîtes qui débutent la collection [...]❞
La maison se métamorphose rapidement en un bric-à-brac invraisemblable et le narrateur, du haut de ses quatorze ans, n'est pas de taille à lutter contre les murailles qui s’érigent et le repoussent au dehors. La mère se replie dans un monde qu’habite son enfant défunt et, à défaut des bras de sa mère, l’adolescent trouve refuge, dans un premier temps, dans la caravane stationnée au fond du jardin, ne revenant dans la maison que pour prendre les repas avec celle qui ne lui parle plus, le gomme, l’efface, l’oublie, basculant dans la folie qui les séparera définitivement, l'emmenant elle vers l’hôpital psychiatrique et lui chez son oncle et sa tante.
2007. Le quartier pavillonnaire jadis flambant neuf accuse ses vingt ans.
❝Déclin de cette périphérie qui avait pourtant participé à celui du centre-ville, le désert avance, paradoxalement, à mesure que le béton et les lampadaires, minimalistes, design, déplacés, gagnent du terrain.❞
Le fils revient, tente de se rapprocher de cette mère qui l’a ❝orpheliné de son vivant❞. Il l’observe de loin d’abord avant qu'un jour
❝La porte s’écarte de quelques centimètres, bientôt retenue par une chaîne d’acier qui se tend.
Quelques centimètres et autant de secondes de vide avant que l’espace ne se remplisse. De cheveux jaunes et longs, pas très fins, grossiers fils de pêche, d’une paire d’yeux juste en dessous et de peau ravinée, autour. De pilosité aussi, véritable contrefaçon masculine, le menton surtout. De plus près, les yeux me semblent encore plus petits que l’autre jour, plus fixes aussi, peut-être le manque de place les force-t-il à restreindre leurs mouvements. La bouche s’ouvre, découvrant une improbable rangée de dents, jaunes et plâtreuses, des trous çà et là, mats et noirs, comme les touches d’un vieux piano, la vie qui perd des points. La voix qui s’en échappe, ferraille éraillée, met quelques mots à se stabiliser et à devenir audible.❞
Marié à Sandrine (une étrangère), père des jumeaux Sacha et Louise (deux, encore), le narrateur retourne sur les lieux de son enfance. Pourquoi franchir à nouveau le pas de cette porte ? On ne le saura pas. Alors, conjecturons. Pour casser la routine d’un quotidien qui l’ennuie ? de son couple qui se délite ? Pour que l’adulte parvenu au mitan de sa vie ait l’occasion de vider son sac dans une maison qui déborde autant d’objets que de non-dits ? Pour laver, nettoyer, faire le grand ménage, comme l'on a coutume de dire ?
❝Quand on déplace les objets, on déplace aussi les petites peaux mortes du temps.❞
Le temps a passé, qui, pense-t-on, a fait refluer la colère adolescente :
❝Furieux contre eux, contre elle, contre un dieu auquel je ne croyais pas, sûr de mon bon droit mais vaguement coupable de la facilité du procédé, ma colère injuste, et terriblement excité, de plus en plus, par leur attitude, la compréhension mielleuse qu’ils opposaient à mes écarts. Cet immense ressentiment, qui mettrait des années à se canaliser, à s’éteindre de lui-même n’était que de la peur, le résultat de ce que je percevais comme une injustice, de l’angoisse face à la disparition de l’avenir, notion floue jusque-là, mais qui prenait toute sa réalité dans son prochain effacement. Juste avant la chute, je continuais à courir comme ces personnages stupides de dessins animés, j’étais une mouche, tout le reste était vitre.❞
Vingt ans plus tard, l'amertume s'est adoucie :
❝ça va aller maman, je suis là.❞
Là, mais où ?
Revenir fils pour enfin devenir fils est-il possible dans cette maison-forteresse où la mère a privilégié le remplissage à l’effacement et trouvé refuge au milieu d’un capharnaüm à la protection dérisoire ? dans cette maison jamais rassasiée devenue un désert de l’amour ?
❝Si on faisait venir des archéologues, qu’on leur demandait d’investir la maison avec leurs pinceaux et leurs burins, ils ne retrouveraient aucune trace de moi dessous, et diraient au monde entier leur certitude : ma mère n’a eu qu’un fils.
Mon absence, sa permanence, tout cela au contraire valide ma théorie, on efface les enfants qu’on a eus, quand on sanctuarise les autres.❞
Dans cette maison-labyrinthe où ❝les heures, les mois et les années sont autant de cartons, de cageots ou de morceaux de vieux pompons❞, il lui est périlleux de se frayer un chemin que pourtant les amoncellements contraignent, comme il lui a toujours été impossible de se frayer un chemin jusqu’au cœur maternel. Quel pourrait être son fil d'Ariane ?
Dans cette maison-mémoire, ❝l'espace où vit ma mère n’est constitué que de minutes arrêtées, d’époques qu’elle a traversées autant qu’elles l’ont traversée. Ma mère immobile au centre de son univers, dans son big-bang à l’envers, les murs toujours plus proches, toujours moins de place où circuler. Son univers est en contraction, il s’effondre sur lui-même. Il arrivera un moment où il l’engloutira. Fatalement. Quand elle ne pourra plus accumuler, et plus encore, quand elle ne pourra plus bouger, enkystée dans son sarcophage.❞
En décrivant avec une précision d’entomologiste cette maison, ses concrétions, ses agrégats, ce que recèlent ses différentes strates, en multipliant les listes surréalistes de mots empilés à grand renfort de virgules, l'auteur la fait personnage, et c’est d’ailleurs, à bien des égards, le mieux réussi. Elle vit, craque, respire, soupire, geint ; elle poisse, intoxique, met mal à l'aise.
❝Je n’ai aucune idée de l’heure qu’il peut être, j’écoute la maison, ses bruits, infimes et continus, comme vivante. Ses craquements, ses gémissements, parfois un objet qui tombe, une pile qui s’affale, le court fracas d’un bidon, quelque chose qui s’affaisse. La chouette dans le chêne qui a remplacé le jacassement des pies. Hulule.❞
Est-ce parce que cette maison a fini par occuper tout mon esprit que je n’ai réussi à entrer en empathie ni avec la mère ni avec le fils de ce huis-clos intime que j’ai lu sans être touchée ? Certes, l’écriture de Christophe Perruchas est toujours là, saisissante et malléable, qui se prête à jouer ici sur deux voix différentes, l'une et l'autre fort bien incarnées : le « je » du narrateur, équilibriste en souffrance, cyniquement froid et corrosif, et l’informe « on » de la mère, cette impersonne au pluriel équivoque qui divague avant de revenir toujours aux mêmes questions ❝Pour qui ? Pour quoi ?❞. « On » qui abolit le vide autant qu’il raconte l’absence de cette femme à elle-même à présent qu’elle n’est plus rien, ni épouse ni mère. Encombrer l’espace pour éviter d’avoir à chercher sa place ?
❝L’enfant Jean, quel grand malheur, le bon Dieu qui l’a voulu comme ça. Pour qui, pour quoi ? Et l’Homme. On a perdu tous ceux qu’on aimait. Seule, on est toute seule maintenant. Et les visites, on peut les compter sur les doigts de la main.❞
Le roman se termine sur ❝un strike❞ ; la fin, expéditive, en a en effet la fulgurance, mais elle ne renverse rien, les dernières lignes n'évitant pas un happy end facile et conventionnel.
Que se passe-t-il donc pour que je ne parvienne pas à entrer dans les romans de Christophe Perruchas ? Les sujets sont d’autant plus intéressants qu’ils sont peu fréquents en littérature. L’auteur a conservé son sens de la formule, même si, ici, l’écriture s’encroûte parfois dans des descriptions dont la répétitivité pousserait presque à sauter des pages. L'écueil principal demeure que, quels que soient mes efforts, je n’arrive pas à m'attacher à un quelconque personnage. Que je n’aie pu m’attacher à Antoine, le prédateur sexuel en tous points détestable de Sept gingembres, je le comprends ; que je n'aie eu aucune sympathie pour ses victimes, moins. Et ici, pourquoi suis-je restée au bord de l’émotion en lisant l’histoire de cette mère perdue au milieu de son bazar et de son fils toujours en quête, à quarante ans, de cet amour maternel qui ne ressemble à aucun autre ? Certes la langue est toujours travaillée, riche de trouvailles et d’associations incongrues. Certes l'auteur a un talent certain pour créer une atmosphère magnétique. Et puis quoi d’autre ? Où est donc ❝le sens aigu de la composition❞ que vante la 4e de couverture quand je ne compte plus les romans dont la construction repose sur deux temps narratifs — une mode qui se démodera, j’espère, comme toutes les modes. Et l’émotion ?
❝Tout en plume de canard, la vie qui glisse et l'ironie qui sert d'émotion ; le contre-pied perpétuel, ça peut fatiguer à la longue.❞
Christophe Perruchas me souffle les mots qui m'aident à décrire à peu près mon impression : le roman a glissé sur moi. Je suis ressortie de la maison, imperméable aux émotions qui traversent les personnages, et que j'aurais aimé ressentir.
Lu pour la sélection 2022 des #68premieresfois
https://www.calliope-petrichor.fr/2022/06/16/revenir-fils-christophe-perruchas-le-rouergue/
"Revenir fils" est le deuxième roman de Christophe Perruchas. Cet auteur évolue dans différents domaines étant directeur de création (dans la publicité) et ayant aussi ouvert des épiceries et un restaurant.
Ce récit est donc l'histoire d'un fils et de sa mère qui vont nous raconter chacun à leur tour leur parcours semé d'embûches à partir du moment de la mort tragique du père "l'Homme".
Cela se passe à Nantes en 1987, lui a 14 ans, et son monde va s'écrouler. Il va devoir commencer une nouvelle vie avec une mère qui sombre progressivement dans la folie. Puis nous les retrouverons 20 ans plus tard en 2007. Que de chemin parcouru! Comment ont ils fait face à cette épreuve? Y sont ils arrivés? Vont ils se retrouver? Que de questions!
Dés le départ j'ai aimé être replongée dans la fin des années 80. Retrouver les décors, les objets, la façon de vivre, les expressions de l'époque a été un réel plaisir pour moi. L'utilisation du langage familier et surtout le ton du roman m'ont fait sourire alors que l'histoire était loin d'être drôle. Et c'est ce que j'ai le plus apprécié dans cette lecture. En voici un exemple:
"Il y a 3 ans, j'avais essayé l'optimist qui est au bateau ce que le poisson pané est au poisson. Un rectangle agrémenté d'une petite voile et c'est tout."
Cette façon d'écrire m'a particulièrement plu. Cela apportait une certaine authenticité à ce magnifique texte.
Et pour conclure je dirai qu'il s'agit d'un roman chargé en émotion, touchant et plein d'humanité. Belle découverte.
A quatorze ans, pas facile d’affronter le décès brutal de son père. Pas plus simple d’ailleurs que de voir sa mère sombrer dans un deuil impossible, ravivant atrocement la mort d’un premier enfant. Alors, cet adolescent perdu s’enferme dans sa caravane, s’entoure de ses amis et se fond dans les premiers amours. Vingt ans plus tard, il est devenu père et sait qu’il doit affronter son passé… Revenir fils et enfin avancer…
J’ai lu le premier roman de Christophe Perruchas, Sept gingembres, grâce aux 68 premières fois. Un roman dérangeant qui signait nettement une écriture travaillée et un talent certain. Parce que croyez-moi, il en faut du travail et du talent pour emporter son lecteur dans la tête d’un prédateur sexuel !
Dans son second roman, Christophe Perruchas confirme qu’il est un conteur à part entière. Son univers, décalé et particulier, ne peut pas laisser indifférent.
Ici, l’histoire tourne autour d’un narrateur et de sa mère. Déjà, il y a comme une barrière, un mur, un espace froid : on ne connaîtra jamais le prénom de ce garçon et sa mère parle d’elle avec ce « on » dépersonnalisé et distant. L’auteur ne joue pas sur les émotions. Mais c’est là toute la force de son écriture ! Encore une fois, il nous entraîne dans son monde sans qu’on ne s’attache à rien. On est happé par la détresse de ses deux personnages, par l’abîme qui se creuse entre eux, sans pour autant être ému aux larmes. Nous sommes les spectateurs invisibles d’un univers qui s’écroule…
Et puis on ferme le roman, on tourne la dernière page. Et alors qu’on pensait être éloigné de ses personnages, qu’on s’estimait touché mais pas bouleversé, qu’on croyait avoir lu de simples mots, on est frappé par cet homme qui cherche sa place, qui la devine, qui la regarde bien en face et qui la gagne. Cette victoire est à lui seul, il ne peut la partager. La fera-t-il avancer ? Sombrer ? Se relever ?
Merci aux 68 premières fois pour cette lecture toute aussi déroutante que poignante…
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