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« Depuis la parution de mon premier livre, Les armoires vides, il y aura bientôt 40 ans, je suis allée rencontrer des lecteurs dans beaucoup de villes, en France et dans le monde. Jamais à Yvetot, malgré l'invitation qui m'en avait été faite à plusieurs reprises. » Pour la première fois, le 13 octobre 2012, à la demande de la municipalité, Annie Ernaux accepte de rencontrer les habitants de la petite ville normande où elle a passé son enfance. C'est le texte émouvant de cette conférence inédite qui est publié ici, ce moment de réconciliation où l'écrivaine évoque en tant que « femme qui écrit » et « fille du pays », le lien qui unit sa mémoire de la ville et son écriture.
Une étape majeure pour l'auteure de La Place puisque cette petite ville cauchoise où ses parents tenaient un caféépicerie est au coeur de toute son oeuvre, le lieu qui « contient son histoire ».
« Comme ne l'est aucune autre ville pour moi, [Yvetot] est le lieu de ma mémoire la plus essentielle, celle de mes années d'enfance et de formation, cette mémoire-là est liée à ce que j'écris, de façon consubstantielle. Je peux même dire : indélébile. »
Définitivement fan d'Annie Ernaux. Ce petit livre est la retranscription de la conférence ainsi que la rencontre avec ses lecteurs et les habitants d’Yvetot, ville de son enfance dont elle a cherché durant de longues années à se détacher tout en y retournant constamment par ses souvenirs. Ville qui a au fil des temps a perdu son identité devenant Y car l’Yvetot de son œuvre n’est ni complètement celle des années 50-60 de son adolescence ni celle d’aujourd’hui. C’est la ville de la recréation de ses souvenirs qu’elle essaie pourtant de retranscrire avec le plus de précision possible faisant œuvre de sociologue quand elle évoque par exemple le patois utilisé en famille et au café-épicerie des parents différent du langage parlé en classe et dans le centre ville bourgeois, le français que l’on se doit de « bien parler » pour ne pas être stigmatisé.
Annie Ernaux qui toute sa vie a été travaillée par la honte sociale de ses origines puis par le désir de donner la parole par ses livres autobiographiques autant que sociologiques à la classe dite populaire dont elle est issue, boucle la boucle en quelque sorte avec ce passé normand avec lequel elle semble aujourd’hui en paix.
Extrait ;
« Il n’y a pas de choses qui sont vécues de façon singulière, particulière - c’est à soi et à personne d’autre que les choses arrivent -, mais la littérature consiste à écrire ces choses personnelles sur un mode impersonnel, à essayer d’atteindre l’universel, de faire ce que Jean Paul Sartre a appelé du « singulier universel ». C’est seulement ainsi que la littérature « brise les solitudes ». Seulement ainsi que les expériences de la honte, de la passion amoureuse, de la jalousie, du temps qui passe, des proches qui meurent, toutes ces choses de la vie, peuvent être partagées. »
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