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Si par la force des mots on ne peut changer le monde, on peut le lire et le dire, y compris dans ce qu'il a de plus beau... ou de moins bon. Ainsi, en posant la plume pour que les vers s'envolent, on en fait un tableau à sa façon en brossant une nature que nous n'avons pas encore rendue totalement morte, ou en peignant des caractères brouillonnants malgré nos convenances et nos conventions, voire en esquissant un moment ou en estompant un instant de notre monde crayonné, pressé et pressant. Pour croquer sensations et sentiments, à dessein, sans rien farder, avec leurs ombres et leur lumière, il suffit d'encrer des lignes inégales, de « composer ». Mais jouer avec des sons pour tons et teintes, des traits pour lignes... c'est là que le cadre, parfois, blesse. Aussi, avec Nicolas Boileau (À M. de Molière, Satire II, Satires, 1666) je serine : « ... Maudit soit le premier dont la verve insensée / Dans les bornes d'un vers renferma sa pensée, / Et, donnant à ses mots une étroite prison, / Voulut avec la rime enchaîner la raison ! / Sans ce métier fatal au repos de ma vie, / Mes jours, pleins de loisirs couleraient sans envie, / Je n'aurais qu'à chanter, rire, boire d'autant, / Et comme un gras chanoine, à mon aise et content, / Passer tranquillement, sans souci, sans affaire, / La nuit à bien dormir, et le jour à rien faire... »
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