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Délaissant les déboires des habitants de la Haute-Provence à la fin du XVIe siècle, Daniel Berthet, pour son quatrième roman, après "Il faut sauver le Saint-Esprit", "Justice aux poings" et "L’anneau de Saint-Jérôme", traite de la guerre d’Algérie et de ses conséquences. Sa façon d’aborder un sujet très délicat est vivante, passionnante et riche d’enseignements.
Tout commence à l’hôpital de la Timone, à Marseille, le 15 janvier 2009. Nous sommes dans la chambre de Béjan, à 4 h du matin et notre homme qui fut sergent en Algérie, se réveille d’un cauchemar lui ayant fait revivre les tortures appliquées dans une villa dominant Alger. Ce Cantalien d’origine a abandonné la ferme familiale pour l’armée, à 18 ans. Parachutiste, il est passé de « l’Amen du curé » à « Oui, Chef ! » Appréciant d’aller « casser du fell, dans le djebel », il se souvient de la réalité du terrain : « Arrestations arbitraires, interrogatoires musclés, détentions administratives, torture, viols, exécutions remplacèrent nos rêves d’accrochages nocturnes avec les fellaghas. »
L’autre personnage essentiel de l’histoire arrive très vite mais nous sommes maintenant le 25 juin 1957, dans la forêt de Bouarfa, et on l’appelle El Batar ! Ce qu’il vit est terrible car « chaque millième de seconde est une éternité quand tu attends le coup fatal ! » Dans le Bordj Medeira, il est rejeté par tous car il n’a pas de parents. Un colporteur, El Moutanabi, lui a révélé ses origines et il est parti rechercher sa mère dans les bordels du pays ce qui lui a valu d’être arrêté et torturé pendant trois jours : « La torture n’est pas que blessure de chair, c’est aussi anéantissement de l’esprit… La torture tue définitivement le droit au repos. »
Ainsi, l’histoire se poursuit, haletante, alternant entre ce qui s’est passé en 1957, là-bas, et Marseille. L’auteur maîtrise bien son sujet, situant précisément chaque scène, chaque épisode, en indiquant la date et le lieu. L’action se déplace aussi à Nanterre, à Paris où l’on côtoie ceux qui militent pour le Front de libération nationale, le FLN, et subissent une répression policière qui s’abat sans discernement ni pitié. Daniel Berthet nous fait vivre de l’intérieur le massacre du 17 octobre 1961 et comment le Préfet de police, Maurice Papon, publia son communiqué outrancièrement mensonger.
Les rêves s’envolent pour les harkis comme Ben Gouasmi cherchant sa famille dans les camps de Saint-Maurice l’Ardoise (Gard), de Rivesaltes (Pyrénées-Orientales) et du Larzac (Aveyron). L’histoire se termine par un croisement de destins peu ordinaire que nous laisserons découvrir au lecteur.
Il fallait du courage et une profonde connaissance du terrain pour aborder un sujet aussi délicat mais la lecture de "Porteurs de rêves" permet d’avoir un autre regard sur la vie quotidienne de personnes assez ordinaires prises dans une tourmente qui les dépassait mais dont ils étaient les acteurs.
« Pour que vive la Liberté retrouvée » a écrit Daniel Berthet dans sa dédicace d’un livre dont la publication, comme il l’a fait pour ces ouvrages précédents, est associée à une action de solidarité en rapport avec le thème de son récit. Porteurs de rêves parlant de la lutte contre la colonisation, chaque livre vendu permettra d’apporter 5 € à l’Association France – Palestine Solidarité pour participer au financement de la rénovation de 45 maisons de Bédoins palestiniens, dans trois villages du sud de la vallée du Jourdain.
Chronique à retrouver sur : http://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/
L'auteur nous entraîne dans les souffrances de la guerre d'Algérie en suivant le parcours de personnages des différentes communautés en présence : le peuple algérien en premier lieu, les pieds noirs, les harkis, les militaires français et bien sûr le pouvoir parisien.
Pour celles et ceux qui n'ont pas vécu cette période douloureuse de 1954 à 1962 et les années suivantes, ce livre peut leur servir de guide.
Retenons l'espoir dégagé en fin du livre entre ces deux peuples frères par l'histoire et porteurs de rêves.
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